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un banni et un étranger dans le pays de Chanaan, sans penser jamais à retourner dans la Chaldée. Il soumit toujours sa raison à sa foi, et les affections les plus tendres de la nature à son grand amour pour Dieu. Il suivit Dieu partout, sans s'arrêter aux périls: sa sagesse le tira de ceux où la beauté de Sara sa femme le jeta; et son courage de ceux où son neveu Loth l'avait exposé. (*) Enfin, ayant passé cent soixante-quinze ans dans un exercice continuel de vertus, il mérita, après avoir été en ce monde le père et le modèle de tous les siècles, de devenir en l'autre leur asile bienheureux, pour l leur faire trouver en son sein un repos céleste. Dieu, comme marque l'Ecriture, après la mort du père, combla de bénédictions son fils Isaac. Il lui avait déjà accordé quelques années auparavant, la fécondité de Rébecca. Ils avaient été vingt ans ensemble sans avoir d'enfans, ce qui ayant porté Isaac, qui avait déjà soixante ans à prier Dieu de faire cesser la stérilité de sa femme. Dieu exauca sa prière, et Rébecca devint grosse de deux petits fils jumeaux. Comme ces deux petits s'entre-battaient dans son ventre, Rébecca effrayée de cet accident, et regrettant en quelque sorte sa stérilité passée, consulta Dieu pour savoir ce que ce prodige présageait. Dieu lui répondit que ces deux petits seraient les chefs de deux peuples, et que l'aîné de ces deux enfans servirait l'autre. Lorsque le tems des couches fut arrivé, Rebecca accoucha en effet de deux enfans. Celui qui sortit le premier était roux, couvert de poil, et fut nommé Esau; l'autre le suivit aussitôt et tenait son frère par le pied, ce qui lui fit donner le nom de Jacob. (**) Ces deux enfans étant grands, il arriva que Jacob ayant préparé des lentilles, Esau qui revenait de la chasse, où il s'occupait d'ordinaire, étant extrêmement las, désira ces lentilles avec une si grande avidité, que Jacob ne les l lui ayant promises qu'à condition qu'il lui céderait son droit d'ainesse, il le fit a l'heure même. Les SS. Pères disent que ces deux enfans marquaient en effet deux peuples, un peuple de bons et un autre de méchans, qui devaient se (*) Cent ans a son entrée ans après son dans la terre de Chanaan, et quinze ans après la naissance de Jacob.

(**) Ils avaient environ vingt ans, selon S. Augustin, l'an

du monde 2188, avant Jésus-Christ 1816 ans.

faire la guerre dès le moment de leur naissance. L'un de ces peuples représenté par Esau, qui semble l'aîné, à cause des grands avantages de ce monde, est néanmoins le serviteur du puîné, parce que les méchans servent les bons par leur malice même, ou en les purifiant par leur violence, ou en les rendant plus humbles par la vue du mal que les autres font, dont Dieu seul les a séparés sans qu'ils aient aucune part en ce a discernement, quil s'est fait comme celui de ces enfans, dès le ventre de leur mère. Esau, en vendant son droit d'aînesse pour un peu de lentilles, doit bien faire trembler ceux qui se hâtent d'être heureux des biens si misérables de ce monde, et qui, au lieu de les abandonner de bon cœur, comme fit Jacob , renoncent au contraire à tous les biens du Ciel, afin de les posséder. Mais ceux qui sont en cet état, ne se pleurent point eux-mêmes; et comme il est marqué d'Esau qu'il se mettait peu en peine d'avoir vendu son droit d'aînesse, de même ces personnes qu'il figurait sont fort insensibles à la perte qu'elles font des biens éternels, pourvu qu'elles puissent satisfaire leurs passions, en jouissant des plaisirs du monde qui ne durent qu'un

moment.

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FIG. 24. Isaac bénit Jacob. Genèse, 27. (S

SAU ayant vendu à Jacob son droit d'aînesse Rébecca,

E mère des deux frères, qui aimait tendrement Jacob,

A

lui assura cet avantage plusieurs années après, par une adresse toute sainte et toute p plaine de mystères car Isaac se sentant fort vieux et voulant bénir ses enfans avant de mourir, appela son fils Esau qu'il aimait, lui commanda d'aller à la chasse pour avoir de quoi manger, afin qu'il le bénit ensuite. Rebecca avertit promptement Jacob de ce qui se passait, et lui recommanda d'aller prendre deux chevreaux dans le troupeau. Lors-" qu'il les eût donnés à sa mère, elle en prépara à Isaac ce qu'elle savait qu'il aimait; elle revêti Jacob des habits de son frère Esau, qu'elle gardait, et couvrit ses mains et son cou de la peau des chevreaux, afin que son père qui ne voyait plus, pût, en entendant la parole de Jacob, L'an monde 2245; avant Jésus-Christ 1759 ans Isaac étant âgé de 137 ans, quoiqu'il 1 en ait encore vécu 44.

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croire au moins par le poil que c'était Esau son frère. Isaac en effet ayant été surpris de sa voix, qu'il croyait être la voix de Jacob, le fit approcher de lui, et ayant touché le poil des peaux dont Jacob s'était couvert les mains, il dit que la voix à la vérité était la voix de Jacob, mais que les mains étaient bien les mains d'Esau. Après qu'il eût mangé, et qu'il eût senti, en baisant Jacob l'odeur de ses habits parfumés, il le bénit, et lui souhaita la rosée du Ciel et la fécondité de la terre: il Pétablit le maître de tous ses frères, et finit sa bénédiction par ces paroles, dont S. Bernard dit que les vrais Chré tiens ont tant de sujets de consolation: Que celui qui vous maudira soit maudit lui-même, et que celui qui vous bénira soit comblé de bénédictions. A peine Isaac avait achevé ces paroles, qu'Esau entre et apporte à inanger ce qu'il avait pris à la chasse, afin qu'Isaac son père le bénít ensuite. Ce saint Patriarche fut étrangement surpris lorsqu'il reconnut tout ce qui venait de se passer; mais, bien loin de vouloir rétracter ce qu'il avait déjà fait, il le confirma au contraire, parce qu'il voyait trop sensiblement le doigt de Dieu dans cette conduite. Esaü jeta des rugissemens, comme marque l'Ecriture; et accusant promptement la tromperie de son frère, il demanda à son père s'il n'avait qu'une bénédiction; étant ⚫ en ce point, comme remarquent les SS. Pères, l'image de ceux qui, étant bien aises d'allier Dieu avec le monde, veulent jouir tout ensemble des consolations du ciel et de la terre. Isaac, touché des cris d'Esau, le bénit enfin, mais l'assujettissant à son frère; ce qui lui fit concevoir une haine si envenimée contre Jacob, qu'il n'at-tendait plus que la mort de son père pour le tuer. Cette histoire si mystérieuse nous marque partout J.-C. revêtu de l'apparence extérieure du pécheur, comme Jacob de l'apparence d'Esaü, et elle est, selon les SS. Pères, une figure admirable de la réprobation des Juifs, qui ne souhaitaient que les biens d'ici-bas, et de l'élection de l'Eglise, qui ne demande à Dien, comme David, qu'une seule chose, et qui ne veut qu'une bénédiction. Nous devons bien prendre garde, comme dit l'apôtre S. Paul, de ne pas imiter Esau, qui ayant vendu à son frère son droit d'aînesse, et qui, désirant depuis avoir, comme étant le premier neritier, la bénédiction de son père, fut

rejeté, sans pouvoir porter Isaac à révoquer ce qu'il avait fait en faveur de Jacob, quoiqu'il l'en eût conjuré en fondant en pleurs; car, comme il avait méprisé Dieu, Dieu méprisa de même ses cris et ses larmes, parce qu'ils ne sortaient point d'un repentir sincère, ni d'un véritable changement de cœur.

FIG. 25. Echelle de Jacob. Genèse, 28. (*)

colère d'Esau contre Jacob, qui lui avait ravi la

Lbénédiction de son père, était trop visible pour être inconnue à Rébecca, et cette mère avait trop de tendresse pour ne pas tâcher d'en prévenir les mauvais effets. C'est pourquoi elle crut qu'il était bon que Jacob cédât à son frère pendant quelque tems, et qu'il adoucit sa colère par son éloignement: elle aime mieux se priver de la vue de celui qui lui était si cher, afin de procurer plutôt la sûreté de son fils que sa satisfaction particulière. Pour faire agréer ce conseil à Isaac, elle prit occasion du mariage de Jacob: elle dit qu'elle ne pouvait souffrir que Jacob prit une femme en ce pays de Chanaan, et qu'il imitât Esau son frère, qui en avait pris deux du même pays, sans se mettre en peine de l'adversion qu'en pouvaient avoir son père et sa mère. Elle pria donc Isaac de l'envoyer en Mésopotamie, chez Bathuel, afin qu'il se mariåt en ce pays-là. Isaac y consentit; et en y envoyant Jacob, il lui renouvela toutes les bénédictions qu'il lui avait déjà données. Jacob quitta aussitôt son pays, plutôt en fugitif qui évitait la colère d'un frère envenimé contre lui, que comme une personne riche qui allait chercher une femme avec l'appareil ordinaire aux gens du monde et lorsque dans cette pauvreté, qui figurait si admirablement la pauvreté chrétienne et religieuse, il se fut arrêté en un lieu de la campagne, après le soleil couché, il mit une pierre sous sa tête et s'endormit. Mais il eut en dormant une vision, qui lui fit bien voir que Dieu se laisse trouver à ceux qui sont pauvres et persécutés injustement de leurs frères, et que c'est de ces personnes qu'il prend un soin tout particulier; car ce saint homme en dormant vit une échelle dont le pied était La même année 2245, Jacob ayant déjà soixante-dix

sept ans.

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