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qu'il en mourroit. Mais Dieu le raffura & luy commanda d'aller détruire l'autel de Baal, de couper le bois qui l'environnoit, & de bâtir enfuite un Autel au vray Dieu au lieu mefme où il avoit offert fon facrifice. Gedeon n'obeït à cet ordre que pendant la nuit, parce qu'il craignoit les habitans de ce lieu., Et lors qu'on s'informoit le lendemain, qui eftoit celuy qui avoit fait cet outrage à Baal, & que l'on eut reconnu que c'avoit efte Gedeon, on preffa fon pere de le donner afin qu'on le fift mourir. Mais fon pere le fauva, en difant hautement que c'eftoit à Baal, s'il eftoit Dieu, à fe vanger luy-mefme, & à ne pas laiffer aux hommes le foin de le vanger defes ennemis, Ainfi Gedeon fat fauvé, & fut appellé depuis Jerobaal. Il apprit aux Pafteurs par fon exemple que la premiere chofe qu'ils doivent faire en prenant la conduite des ames, eft d'eftre prefts à expofer leur vie pour fuivre les ordres de Dieu, & pour exterminer les idoles. Ce facrifice fi fameux par lequel il reconnut que Dieu l'appelloit à la conduite de fon peuple, a efte felon les SS. Peres,, une figure admirable du facrifice de JESUS-CHRIST., C'eft pour ce fujet mefme que l'Efcriture marque la pierre fur laquelle Gedeon l'offrit, qui reprefentoit le Sauveur: C'eft de cette pierre myftericufe que fortir le feu qui conqui.confuma le facrifice, c'eft à dire le feu du S. Elprit, que le Fils de Dieu nous a merité par fa mort, pour confumer dans nous la chair du cheyreau, c'eft à dire la chair du peché, & le fuc de la chair, c'eft à dire les affections corrompues qui font dans le plus fecret de nos cœurs. C'eft le grand myftere que Gedeon marqua lors en nous apprenant, dit S. Ambroife, que tous les facrifices cefleroient un jour, & qu'il n'y en auroit plus d'autre que celuy de JESUS-CHRIST crucifie, qui fuffit feul pour l'expiation de nos pcchez, & qui rend agreables à Dieu les hofties que les fidelles luy offriront en luy facrifiant leurs cœurs & tous leurs defirs dans la fuite de tous les fiecles.

Miracle de la Toifon. Juges 6.

Lors que Gedeon eut reconnu que Dieu vouloit fe La même

année.

fervir de luy pour conduire fon peuple, par le 2759. miracle du feu forty de la pierre qui confuma le facrifice; il ne penfa plus qu'aux moyens de fauver les Juifs de l'apprehenfion fous laquelle ils gemiffoient. C'est pourquoy lors que les Madianites & les Amalecites eftoient affemblez avec les autres peuples voifins contre la Judée; Gedeon fut faifi de l'Esprit de Dieu. Il fonna de la trompette, il cria tout haut qu'on le fuivift. Il envoya auffi-toft ordonner aux Tribus de s'affembler, & fans aucune refiftance, un feul homme qui jufque-là avoit efté particulier & d'une famille peu confiderable, fe vit chef d'une grande armée, & reconnu de tous pour leur Prince. Mais il ne s'éleva point d'une fi grande puiffance. Il fe fouvint toûjours qu'il la tenoit uniquement de Dieu; & lors qu'il fe vit à la tefte d'une armée fi nombreuse, bien loin d'en eftre plus vain, il en parut au contraire plus humble, & la défiance qu'il avoit de luy-mefme fembla aller jufqu'à l'excés. Car il ne fe contenta pas de ce premier miracle que Dieu avoit déja fait en fa faveur, ni de ce courage qu'il luy avoit infpiré. Il fufpendit encore tous les deffeins, jufqu'à ce que Dieu luy euft donné de nouvelles marques de la volonté, & du choix qu'il faifoit de luy pour la conduite de fon peuple. En quoy comme remarque S. Ambroife, il n'agifloit pas tant pour fon befoin particulier, que pour noftre inftruction, & pour nous apprendre à nous-mefmes, à ne nous pas trop facilement affurer; que Dieu nous ait appellez à des emplois plus faints, que n'eftoient ceux où Gedeon fe vit appellé alors. C'eft pourquoy il conjura Dieu de l'affurer encore une

fois qu'il avoit refolu de fe fervir de luy pour delivrer fon peuple de fes ennemis par ce miracle qu'il luy marqua. Il le pria d'agréer qu'il mift dans un champ une toifon de breby, & il luy dit que fi la rofée tomboit fur la toifon, pendant que tout le champ demeureroit fec, il reconnoiftroit alors que Dieu fauveroit le peuple. Ce miracle arriva comme il l'avoit fouhaité, mais fon humble crainte n'eftant pas encore affez diffipée; il pria Dieu de faire un fecond miracle contraire au premier. Il le conjura que la rofée trempaft toute la terre, & qu'il n'y euft que la toifon feule qui demeuraft feche. Ce que Dieu fit encore pour l'affurer pleinement qu'il l'avoit choifi pour eftre le liberateur de fon peuple. Ces deux miracles, felon les faints Peres, marquoient la conduite que Dieu devoit tenir à l'égard des Juifs, & enfuite à l'égard de l'Eglife des Gentils. Ses graces autrefois eftoient toutes renfermées dans la Judée feule, qui recevoit en quelque forte du ciel une rofée celefte, pendant que le refte des peuples du monde eftoit dans une fechereffe fterile, & brûlé par les ardeurs du peché. Mais par un miracle contraire, l'Eglife enfuite répandue par toute la terre, a receu avec abondance la pluye dont Dieu l'a arrofée, pendant que la Judée à fon tour, eft demeurée dans la fechereffe, & que l'ingratitude qu'elle a témoignée aux dons de Dieu, qui ne fervoient qu'à l'élever au lieu de la rendre plus humble, l'a renduë indigne d'avoir part à la mifericorde de JESUS-CHRIST. Mais l'un & l'autre miracle nous apprend, que la grace de Dieu eft comme une rofée celefte, fans laquelle nous demeurons au dedans de l'ame dans le mefme estat que l'eft une terre feche brûlée par les ardeurs du foleil, & condamnée à une fterilité eternelle.

D

Soldats de Gedeon. Juges 7.

année

eux miracles fi fenfibles ayant confirmé en mef- La même me-temps à Gedeon fa vocation à la conduite2759. de tout le peuple, & la promeffe de la victoire fur les ennemis, il ne put plus refufer d'obeïr aux ordres de Dieu, & de luy témoigner autant de promtitude à executer fes deffeins, qu'il avoit témoigné de retenue à les entreprendre. Il affembla donc en peu de temps une prodigieufe quantité de peuple, & fe campa devant le camp des Madianites. Mais Dieu voyant ce grand nombre de Juifs affemblez, & prevoyant que ce peuple ingrat & prefomptueux attribueroit à la multitude de les troupes une victoire dont ils ne feroit redevable qu'à fa feule protection; il déclara à Gedeon que fi tout ce peuple marchoit en bataille, il ne remporteroit point la victoire, & qu'il ne vouloit pas qu'Ifraël püft dire que c'eftoit par fa propre force qu'il avoit défait les Madianites. Gedeon fit donc publier d'abord dans tout le camp, que tous ceux qui feroient timides, & que l'approche des ennemis ou l'appareil du combat pourroit effrayer, fe retiraffent du camp & s'en retournaffent chez eux. Vingt-deux mille hommes furent ravis de cette propofition, & fe feparerent des autres, dont il ne resta plus que dix mille. Mais ce nombre estant encore trop grand pour le deffein de Dieu, il commanda à Gedeon de les mener tous au Jourdain, où il luy promit de luy montrer ceux dont il devoit fe fervir. Lors qu'ils furent venus au fleuve, Dieu dit à Gedeon qu'il prift garde à ceux qui fans s'arrester prendroient vifte & feulement en paffant de l'eau du fleuve dans le creux de leur main, pour appaiser un peu leur foif, ou aux autres qui s'agenoüilleroient afin de boire plus à leur aife. Il n'y en eut que trois cens

de ces premiers; & Dieu dit à Gedeon que c'eftoit ces trois cens hommes qu'il devoit mener contre l'ennemy, parce qu'avec eux il remporteroit la vi&toire. Gedeon s'appuya fur la parole de Dieu, duquel il attendoit tout. Il renvoya le reste du peuple, & ne retint avec luy que ce peu de monde qu'il mena hardiment contre les Madianites. Dieu voulut difcerner alors ceux qui à l'avenir feroient propres à fon fervice & dignes de combattre fes ennemis, d'avec ceux qui n'entreroient pas comme il le defire dans cette milice fainte. Il nous fait voir icy combien le nombre de ses vrais foldats eft petit, puis que de trente-deux mille hommes il en rejette d'abord vingt-deux mille, & que des dix mille qui reftoient, il n'en retient que trois cens: La marque de leur élection eft qu'ils ne plient point le genou en prenant de l'eau du fleuve, & qu'ils ne donnent que comme en paffant ce foulagement à leur foif. Dieu veut que fes foldats demeurent fermes & élevez vers le ciel, & qu'ils ne fe courbent vers la terre que le moins qu'il leur eft poffible. Comme eftant hommes ils font neceffairement obligez d'ufer de ce monde, il faut qu'ils en ufent comme s'ils n'en ufoient pas, felon la parole de faint Paul, & qu'ils fatisfaffent aux befoins les plus inévitables de cette vie, qui s'écoule comme un fleuve, fans y avoir aucune attache, & fans retarder par ces actions paffageres leur courfe vers le ciel où ils habitent déja de coeur. Ces perfonnes font toûjours en petit nombre dans l'Eglife; mais c'eft neanmoins ce petit nombre qui en eft toute la force comme Dieu le montre icy, & qui combat pour elle contre les ennemis qui l'attaquent.

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