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mencer à poursuivre contre les Philiftins pendant la muit, Saül confulta Dieu pour fçavoir quel feroit le fuccés de cette entreprife, mais il ne put en avoir aucune réponfé. Il reconnut aufli-tot que quelqu'un du peuple avoit irrité Dieu, & jura que quand ce feroit Jonathas mefme il mourroit. On jetta le fort, qui enfin tomba fur Jonathas. Saül luy demanda ce qu'il avoit fait. Jonathas plaignit fon malheur & luy dit: J'ay pris en paffant un peu de miel au bout d'une baguette, & pour cela on m'ofte la vie. Saül par une fermeté, que quelques-uns des faints Peres blâment, & que d'autres loient, perfifta dans le deffein de faire mourir fon fils, qui empefchoit ce jour-là qu'on n'exterminaft entierement, les Philiftins. Mais le peuple touché de l'action admirable de Jonathas, l'arracha d'entre les mains de fon pere, jura qu'il ne mourroit point, & le délivra ainfi d'un peril qui apprend, comme difent les faints Peres, combien il eft dangereux de goûter pour peu que ce foit le miel, c'est à dire le plaifir du monde; & de fe laiffer aller à la douceur d'une complaifance fecrette, aprés les grandes victoires qu'on a remportées fur les demons, qui font figurez par les Philiftins. Ce miel plaift pour un temps, dit faint Ambroife: Mais enfin il donne la mort, comme il euft fait infailliblement à Jonathas, fila gran deur de fes actions paffées n'euft merité qu'on Ou bliaft cette derniere

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Agag épargné. 1. Rois 15.

es pechez des Amalecites eftant montez jufqu'à l'an da

M. 293

J. C.

de les détruire entierement, fans rien épargner, &1074. fans referver la moindre chofe de tout ce qui leur appartenoit. Saül executa cet ordre de Dieu, & il alla avec plus de deux cens mille hommes contre ce peuple idolâtre. Mais il interpreta à fa fantaisie le commandement qu'il avoit receu de Dieu, au-lieu d'obeïr fimplement à fa voix. Il confentit qu'on épargnaft ce qu'il y avoit de meilleur dans les troupeaux, fous prétexte d'en faire un facrifice, & il fauva Agag leur Roy. Dieu fut irrité de la temerité avec laquelle ce Prince ofoit éluder fes ordonnances, & commanda à Samuel d'aller témoigner à Saül, qu'il fe repentoit de l'avoir éleu pour Roy. Samuel trouva que ce Prince s'eftoit déja fait élever un arc de triomphe pour une victoire dont luymefme avoit terny toute la gloire par fa defobeïffance. Saül vint au-devant du Prophete Samuel, & luy dit qu'il avoit accomply ponctuellement l'ordre du Seigneur. D'où vient donc, dit Samuel, que j'entens ces cris de beftes & de troupeaux? Saül répondit que le peuple les avoit refervez pour les immoler à Dieu. Mais ce faint Prophete animé de zele, reprefenta à ce Prince orgueilleux fa baffeffe paffée, & la bonté avec laquelle Dieu l'avoit élevé fans aucun merite à la dignité royale: Cependant qu'aprés cela il s'eftoit laiffe aller à un intereft honteux, qui l'avoit empefché d'obeïr fidellement à la voix de Dieu. Il luy fit voir quelle horreur Dieu avoit de fes facrifices; Que c'eft principalement l'obeïffance qu'il exige de tous les hommes; Qu'il la prefere à toutes les autres victimes; Que la defobeïffance eft comme

un peché d'idolatrie, parce que celuy qui ne veut obeïr qu'à luy-mefme, s'établit fon Dieu. Il luy déclara enfin que Dieu le rejettoit, & luy oftoit fon Royaume. Ce mot toucha Saül; & luy fit dire qu'il avoit peché. Mais cette confeffion a toûjours efté regardée comme la figure des fauffes penitences, qui augmentent plus les fautes qu'elles ne les effacent, & qui attirent encore plus la colere de Dieu, qu'elles n'excitent fa mifericorde. Car ce Prince fe mettant peu en peine de la colere de Dieu, pria le Prophete de l'honorer devant le peuple; & fon ambition fit bien voir avec quelle juftice Dieu n'écoutoit point la confeffion hypocrite, puifque comme il regarde plus le cœur qu'il n'écoute les paroles, il voyoit dans l'ame de ce Prince fuperbe, un defir paffionné d'eftre honoré des hommes. Samuel enfuite fit venir Agag Roy d'Amalec, & par un zele fidelle aux ordres de Dieu, il le fit couper en pieces, & tua par une fainte feverité celuy qui avoit perdu Saül par la fauffe compaffion qu'il en avoit cuë. Saint Ambroife dit que cet exemple doit apprendre aux Pasteurs de l'Eglise à n'ufer pas d'une douceur cruelle envers les pechez reprefentez par les Amalecites, & à imiter plutoft Samuel, qui fans doute avoit plus de charité que Saül: mais qui avoit en mefmetemps trop de lumiere, pour ne pas voir qu'en flatant les pechez par une fauffe indulgence on perd les pecheurs, & qu'on les fauve au-contraire en gueriffant leurs bleffures par les remcdes d'une austere penitence.

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David jouë de la harpe. 1. Rois 16.

A

M. 2934

J. C. 1070. David

Samuel

Saül ayant efté rejetté de Dieu pour avoir efté fi Lan da negligent à accomplir fes ordres, Dieu choifit Avant auffi-toft un autre Roy pour gouverner fon peuple. Il fe fervit encore de Samuel pour l'aller facrer: & ayant comme ce faint Prophete vit que c'eftoit bleffer les ans et Roy Saül, & s'expofer à un danger vifible de mort;8 Dieu luy-mefme luy donna des adreffes pour élire ce nouveau Roy, & pour éviter la fureur de celuy qu'il rejettoit. Il fe fervit de l'occafion ou du prétexte d'un facrifice qu'il alla offrir en Bethleem. Lors qu'il fut arrivé en cette ville il invita Ifaï pere de David de venir luy & fes enfans manger avec luy, Il les confidera les uns aprés les autres, parce qu'il fçavoit qu'il y en avoit un d'eux que Dieu avoit élû pour Roy. Mais il vit bien enfin que Dieu ne s'arrefte pas comme nous aux apparences exterieures dans les jugemens qu'il fait des hommes, mais qu'il paffe jufqu'au coeur. Car voyant l'aifné des enfans d'Ifaï d'une grande taille, il crût que ce feroit celuy que Dieu auroit élû pour Roy. Les fept enfans donc d'Ifaï ayant paru devant luy l'un aprés l'autre, fans que Dieu témoignaft en élire pas un d'eux, il demanda s'il n'y en avoit plus. On luy dit qu'il en reftoit encore un petit qui paiffoit les brebis. Il le fit venir, & Dieu luy dit que c'eftoit celuy-là qu'il devoit facrer. Dés ce moment l'Esprit de Dieu remplit David, & quitta Saül. Ce déplorable Prince ayant efté abandonné de l'Efprit de Dieu, fut en mefme temps faifi de l'efprit malin qui l'agitoit de fureur, & le tourmentoit cruellement. Čet acci-dent qui fut un juste chastiment de ce Roy ingrat & rebelle à Dieu, & qui préfageoit que fa dignité luy alloit bien-toft eftre enlevée, fut au-contraire. le

commencement de l'élévation de David: Car Saüf estant tourmenté de ces fureurs, fes Officiers luy confeillerent de chercher dans fon Royaume quelque perfonne qui joüaft excellemment de la harpe, afin que lors que l'efprit malin fe faifiroit de luy, l'harmonie de cet inftrument le foulageaft & luy rendift le repos de l'ame. Il ne fe trouva perfonne plus habile en cet art que David, qui joignoit à cette fcience un agrément de beauté qui fit que Saül l'aima avec beaucoup de tendreffe, le fit fon Ecuyer, & voulut toûjours l'avoir à fa fuite. Et toutes les fois que le malin efprit jettoit Saül dans la fureur, David le chaffoit auffi-toft en joüant de la harpe, & délivroit le Roy d'un tourment qui luy eftoit insupportable. Les fains Peres difent que c'eft une admirable figure de la maniere dont les vrais Pasteurs de l'Eglife reprefentez par David doivent par la douceur de leurs paroles & de leurs fages difcours rendre le calme aux ames agitées par la violence de leurs paffions. Saint Gregoire remarque que David cut befoin luy-mefme enfuite, que Nathan fift à fon égard en le délivrant de la tyrannie du demon & du peché par fes fages remontrances, ce que David n'avoit fait qu'en figure à l'égard de Saül, en luy donnant un foulagement court & paflager par l'har monie de fa harpe, qui n'empefcha pas que ce Prin-, ce malheureux n'effayaft de luy ofter la vie. Les Cantiques de ce faint Roy font plus efficaces maintenant fur les ames bien difpofées, puis qu'ainfi que remarque faint Auguftin, rien n'eft fi puiffant que les Pfeaumes de ce Prophete, & cette harmonie divine des veritez qu'ils renferment, pour éloigner du cœur l'efprit d'orgueil, & pour y attirer les graces du ciel.

B

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