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fur tous les animaux de la terre fur lesquels il leur donna un droit abfolu, leur permettant d'en manger; ce qui n'avoit pas efté fait jufques alors, & les leur abandonnant pour leur nourriture comme il avoit fait auparavant les fruits & les herbes de la terre. Il fit une alliance eternelle avec Noé & fes enfans, & voulut que l'Arc-en-ciel en fuft comme le figne, afin que toutes les fois qu'il paroiftroit, il fe fouvinft de ce pacte qu'il faifoit avec eux, & qu'il empeschaft les eaux d'inonder encore la terre. Il s'en eft fouvenu en effet, & depuis ce premier deluge on n'a plus vû rien de femblable dans le monde, quoy qu'il n'y euft pas de moindres crimes a punir. Mais les promeffes de Dieu font fidelles. Il s'eft contenté de faire une fois vifiblement ces grands chaftimens pour montrer qu'il les pouvoit toûjours faire, & qu'il peut exterminer facilement tous les pecheurs qu'il ne punit plus maintenant que par des peines invifibles. Son arc nous eft un gage de fa bonté, & il nous commande dans fon Ecriture que lors que nous le voyons, nous beniffions celuy qui l'a fait. Mais Dieu nous garde, dit faint Ambroise, que par cet arc celefte que Dieu prend icy pour figne de fon alliance entre les hommes, nous entendions feulement cet arc que nous voyons de nos yeux dans un temps de pluye. C'eft l'Eglife que cet arc nous figuroit, qui eft déja en quelque forte dans les cieux, & qui fait luire de tous coûtez fur la terre la vivacité de fes couleurs au mileu des nuées fombres qui l'environnent. Ces couleurs fi brillantes, dit ce faint Pere, font les diverfes graces que Dieu répand fur cette divine époufe qui eft fidelle à reconnoiftre qu'elles luy viennent toutes de Dieu qu'elle adore comme le vray foleil qui l'éclaire, qui la rend elle-mefme éclatante aux yeux des hommes, & qui eft non feulement un figne eternel, mais mefme la mediatrice de la reconciliation de Dieu avec le monde.

Cham maudit de fon pere. Genef. 9.

Lors que la malediction de Dieu fut levée de def

fus la terre, & que Noé avec fes enfans refpiroient de leurs maux paffez dans le fouvenir des mifericordes que Dieu leur avoit faites; il arriva une action qui fit bien voir jufqu'où va la corruption de l'homme, & combien la veuë des jugemens les plus redoutables de Dieu eft peu capable de le rendre fage. De trois enfans de Noé qui avoient esté fi miraculeusement fauvez dans l'Arche, & que Dieu refervoit pour repeupler par eux tout le monde; il s'en trouva un qui ayant merité la malediction de fon pere, s'attira auffi celle de Dieu; & qui au lieu d'eftre le chef d'une race fainte, fut la tige d'une pofterité malheureufe que Dieu ne devoit regarder que dans fa fureur. Car lors que le faint homme Noé fut forty de l'Arche, il eft marqué qu'il s'exerça à cultiver la terre, & qu'entre les autres ouvrages qu'il y fit il planta la vigne. Mais lors qu'il eut bû de fon fruit dont il ne connoiffoit pas encore affez la vertu, il fut affoupi & tomba dans l'yvresse, pendant laquelle il fe trouva par hazard découvert d'une maniere indecente & contraire à la pudeur. Cham le fecond de fes fils fut le premier qui apperceut fon pere dans cet eftat; & au lieu de faire alors ce que la pieté d'un fage fils luy devoit infpirer, il prit au contraire ce qu'il voyoit pour un fujet de raillerie. Il ne fe contenta pas de fe rire ainfi luy-mefme de fon pere, il voulut encore que ces freres fuffent en mefme-temps les compagnons de fa joye & les complices de fon crime. Il leur alla promtement dire ce qu'il avoit veu. Mais Sem & Japhet ne pouvant fouffrir ce mépris injurieux que Cham faifoit de leur pere, prirent un manteau fur leurs épaules &

marchant à reculons ils couvrirent ce que l'honnefteté ne permettoit pas de voir. Noé fçachant à fon réveil ce qui s'eftoit paffé, condamna l'action de Cham, & maudit fur l'heure fon fils Cham. Il prédit qu'il feroit éternellement le ferviteur des ferviteurs de fes freres: & il benit au contraire Sem & Japhet, leur promettant une longue & heureufe pofterité dans la fuite de tous les âges. Cette hiftoire qui à la lettre apprend aux enfans à refpecter toûjours leurs peres que Dieu leur commande d'honorer, & à cacher leurs defauts lors qu'ils en ont, au lieu de s'en rire; eft felon faint Auguftin une admirable figure du refpect avec lequel tous les Chreftiens doivent regarder les humiliations & les abaiffemens de JESUS- -CHRIST leur vray pere. L'ignominie qu'il fouffrit à la croix & la nudité où il fut reduit eftoit figurée icy par la nudité de Noé comme l'yvreffe myfterieufe de ce faint homme marquoit en JESUS-CHRIST l'effet du calice que fon pere luy donna à boire, & le fruit de cette vigne ingrate qu'il avoit luy-mefme plantée. Et quoy qu'il n'y ait perfonne affez impie pour fe mocquer ouvertement des ignominies & des affoibliffemens de JESUS-CHRIST, neanmoins on fe mocque de luy felon faint Auguftin, lors que l'on deshonore fa verité & fa parole. On méprife fes humiliations lors qu'on choifit une maniere de vie conforme au fafte du monde; & on fe rit de fes fouffrances & de fa croix, lors qu'on infulte à ceux qui fouffrent comme les membres de fon corps, & comme les imitateurs de fa patience.

Tour du Babel. Genef. I I.

es enfans de Noé commençant à fe multiplier A do

M. 1757

J. C,

un fi grand nombre, que ne pouvant plus demeurer 2247. enfemble ils penferent à fe feparer pour aller habiters en diverses terres. Mais avant cette feparation ils firent une entreprise qui montre également quelle eftoit leur folie & leur vanité. Venez, fe dirent ils l'un à l'autre, faifons une ville & une tour dont la hauteur aille jufqu'au ciel. Ce deffein extravagant avoit deux caufes également vaines, l'une d'éternifer leur nom par un édifice fuperbe, & l'autre de fe défendre contre Dieu mefme s'il vouloit encore punir le monde par un deluge; qu'ils efperoient ne leur pouvoir plus nuire lors qu'ils auroient achevé eette tour. Mais Dieu qui vouloit faire voir deflors que ce n'eft que par l'humilité que l'homme peut s'élever, & qu'il doit plus penfer à fléchir fa colere par la penitence, qu'à fe défendre contre fa vengeance par de vains efforts; defcendit fur la terre, dit l'Ecriture, pour voir cette tour que bastissoient les enfans des hommes, & fe mocquant d'une entreprise fi ridicule, il dit: Tout ce peuple parle une mefme langue, & ils paroiffent fi opiniaftres dans leur entreprise qu'ils ne cefferont point d'y travailler. C'eft pourquoy confondons leur langage de telle forte qu'ils ne s'entendent plus parler l'un l'autre; & dans ce moment Dieu mit une confufion dans leurs langues & dans leurs paroles, fans qu'il leur fuft poffible de comprendre ce qu'ils s'entredifoient les uns les auures. Ils furent donc ainfi forcez de laiffer imparfait cet ouvrage de leur vanité, & de fe feparer dans divers païs. Č'eft ce qui donna lieu d'appeller cette Tour, la Tour de Babel, c'est à

dire de confufion; & cet édifice d'orgueil fut deflors une figure, felon faint Bernard, de ce que le monde devoit faire dans la fuite de tous les fiecles, où il femble ne penfer qu'à élever contre Dieu une tour pour fe mettre en affeurance contre fa juftice, & pour s'opposer à fa grandeur, penfant plutoft à eternifer la memoire de fon nom fur la terre, qu'à devenir vrayment grand dans le ciel. Dieu voulut punir alors cette vanité des hommes dans la partie mefme où elle domine davantage, c'est à dire, dans la langue qui fert à l'homme pour exprimer fa vanité & pour commander aux autres. Et cette diverfité de langues qui s'eft depuis ce temps-là répandue dans tout le monde, & qui continue encore jufques aujourd'huy, eft comme une voix continuelle qui se fait entendre dans toute la terre, & qui apprend à tous les peuples, comme dit faint Auguftin, que la voye la plus courte & la plus affurée pour montrer au ciel, n'eft pas d'élever de grands édifices, & de former dans un cœur altier de vastes deffeins, mais de s'abaiffer devant Dieu & de prévenir fa colere en la fléchiffant par les larmes, & non pas en prétendant l'éluder par fa resistance.

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