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pere luy ayant dit qu'il devoit chercher un guide pour le conduire; dés qu'il fut forti de fon logis il trouva un jeune homme parfaitement beau, qui paroiffoit prest à faire voyage. Le jeune Tobie ignorant que ce fuft l'Ange Raphaël que Dieu luy avoit envoyé, luy demanda qui il eftoit & où il alloit. Et ayant fceu de luy qu'il connoiffoit Gabelus, il le fit parler à fon pere, qui l'engagea d'y mener fon fils, & luy promit de luy en donner une bonne recompenfe. L'Ange voilé fous l'apparence d'un homme mena donc Tobie avec un foin qui a toûjours efté regardé depuis comme la figure du foin invisible que nos Anges gardiens prennent de nous, & comme le modelle du foin vifible avec lequel les Miniftres de Dieu veillent fur nos ames, Comme le jeune Tobie, aprés le premier jour de chemin, fe lavoit les pieds dans le Tygre, il apperceut un poiffon monftrueux qui le venoit devorer. Il s'écria auffi-toft, & l'Ange luy dit de le prendre par les nageoires, & de le tirer fur le fable où il mourut. L'Ange luy en fit mettre à part le cœur, le fiel & le foye, & en ayant fait rostir la chair elle leur fervit pendant le voyage. Quelques jours aprés approchant de Ragés, ville des Medes, l'Ange dit à Tobie qu'il devoit aller loger chez Raguel fon parent, qui avoit une fille unique qui luy eftoit deuë en mariage. Le jeune Tobie trembla à cette parole, parce qu'il fçavoit que les fept maris qu'avoit déja eus cette fille avoient efté tuez par un demon, & qu'eftant unique comme il eftoit, fon pere feroit étrangement affligé fi le mefme accident luy arrivoit. Mais l'Ange l'ayant raffuré, & luy ayant dit le demon n'avoit eu ce pouvoir fur ces perfon nes, que parce qu'ils ufoient brutalement du mariage; il luy dit au contraire la maniere toute fainte dont il en devoit ufer, & luy donna des avis que les perfonnes que Dieu engage dans cet eftat doivent confiderer avec un extrême foin, comme ayant esté donnez aux homines par un Ange mesme.

que

Tobie recouvre la veuë. Tobie 11.

année

LE jeune Tobie eftant entré avec l'Ange chez Ra-Langerme guel, ille receut avec joye quoy qu'il ne le connuft pas d'abord. Mais fçachant aprés que c'eftoit le fils de Tobie, le fouvenir du pere luy fit répandre des larmes dans la veuë du fils, & il luy prépara un grand feftin. Tobie luy protefta qu'il ne fe mettroit point à table, s'il ne luy accordoit auparavant Sara fa fille unique. Raguel fut faifi de crainte à cette parole. Quoy que ce parti fust si avantageux à fa fille, ilapprehenda le malheur qui en pourroit arriver. Mais l'Ange l'affura que c'estoit à Tobie que Dieu refervoit cette fille, & que les autres n'eftoient morts que parce qu'ils n'eftoient pas dignes d'elle. On fit donc venir Sara qui avoit long-temps gemi devant Dieu de fon opprobre, qui la rendoit la fable du monde & des fes propres fervantes, & on les maria fur l'heure, en leur souhaittant toute forte de benedictions. Aprés le feftin des nopces s'eftant retirez dans leur chambre, Tobie fe fouvint des avis de l'Ange, qui estoient de brûler le foye du poiffon qu'il avoit pris pour chaffer le demon, & de paffer les trois premieres nuits de fon mariage en prieres & en continence avec fa nouvelle époufe. Ce fut une heureuse nouvelle le lendemain pour Raguel, lors qu'on l'affura que l'un & l'autre eftoient pleins de vie;.& il referma la foffe qu'il avoit déja preparée. Mais quelque fatisfaction que le jeune Tobie trouvaft dans cette maison, il ne perdoit point de veue celle de fon pere; & l'Ange pour contribuer à l'y faire retourner pluftoft, voulut bien se charger du foin d'aller chez Gabelus pour luy redemander les dix talens qu'il devoit à Tobie, & l'amener au feftin des nopces du jeune Tobie. Enfin aprés avoir conjuré long-temps Raguel de luy permettre

de s'en aller, ille luy permit, luy donnant la moitié de tout fon bien & Sara fa fille, qu'il avertit dans les derniers adieux d'honorer fon beau-pere & fa bellemere, d'aimer fon mary, de regler fes domeftiques, de gouverner fa maifon, & de fe conferver irreprehenfible dans toute la conduite de fa vie. Cependant la mere du jeune Tobie ne pouvoit autrement foulager la trifteffe qu'elle fentoit de l'absence de fon fils, qu'en allant fur les avenues pour voir fi elle ne le découvriroit point de loin. Elle l'apperceut enfin lors qu'il revenoit, & elle vint en grand'hafte en avertir fon mary. Le jeune Tobie eftant entré dans la maifon, adora Dieu d'abord felon l'avis de l'Ange, alla falüer fon pere, & ayant frotté fes yeux avec le fiel du poiffon qu'il avoit pris, il recouvra aussi-toft la veuë. Illuy dit tout ce qui luy eftoit arrivé, & en estant comblé de joye il penfa à reconnoiftre d'abord les bons offices de ce guide fi fidelle, en luy donnant la moitié de tout ce qu'on avoit apporté de chez Raguel. Le faint Ange Raphaël crut alors que c'eftoit le temps de leur découvrir qui il eftoit; & aprés leur avoir dit qu'il eftoit l'un des fept Anges qui font fans ceffe prefens devant Dieu, & les avoir raffurez de la frayeur qu'ils en eurent, il difparut à leurs yeux, les laiffant profternez par terre durant trois heures. Tobie chanta enfuite un admirable Cantique, où il rend à Dieu fes actions de graces, & prédit les merveilles qu'il devoit accomplir dans fon Eglife. Ce faint homme fut aveugle durant quatre ans, & il vécut depuis quarante-deux ans dans une tres-heureuse vieilleffe, aprés lefquels il mourut âgé de plus de cent ans, laiffant pour imitateur de fa pieté le jeune Tobie, qui fera à tous les fiecles une image parfaite du refpect & de l'obeïffance que les enfans doivent à leurs peres, & de la fainteté avec laquelle ils doivent vivre dans le mariage, en élevant leurs enfans avec tant de vigilance & de pieté, qu'ils deviennent les imitateurs de la vertu de leurs peres.

Holopherne. Judith. 5.

Lfeaux de la terre, celuy-cy que

es Rois des Affyriens eftant nez pour eftre les Environ

l'Ecriture

L'An de

ap- monde 3348.

J. C. 656.

pelle Nabuchodonofor, quoy qu'il foit different du ve grand Nabuchodonofor qui prit Jerufalem, comme" on a veu cy-deffus, entreprit de l'afsujettir toute à fon Empire, & de fe rendre le maistre du monde. Il choifit Holopherne pour commander fes armées, qui s'appuyant fur le nom & fur les forces de fon Prince, crut que rien ne luy eftoit impoffible, & que tous les peuples devoient fe hafter de le prévenir, afin d'éprouver plûtoft fa bonté que fa puiffance. Il paffa comme un feu dans les Provinces, couvrit la terre de fes foldats & de fes chariots, jettà l'épouvante dans toutes les villes, pilla mefme celles qui fe rendoient, & fit paffer au fil de l'épée celles qui luy faifoient quelque refiftance. Plus il avançoit fa marche, plus fa prefence intimidoit tout le monde, & on se hastoit de toutes parts de luy envoyer des Ambaffadeurs pour s'affujettir à toutes les conditions qu'il demandoit, & le prier feulement d'épargner la vie. On le recevoit par tout avec une profonde foûmiffion. Mais quelque honneur qu'on luy rendist, on avoit bien de la peine à adoucir sa fierté, & à fe défendre des emportemens de fa colere. Les Juifs à ces nouvelles apprehenderent pour eux & pour le Temple, & l'exemple de tant d'autres leur fit juger combien eftoit grand le peril qui les menaçoit. Quelques préparatifs qu'ils euffent faits, ils en reconnurent l'inutilité, & leur refuge fut la priere, le jeûne, & les larmes. Lors qu'Holopherne cut appris que les Juifs ne penfoient point à fe rendre, & qu'ils fembloient mefme fe difpofer à la guerre, il entra dans une colere eftrange. Il voulut fçavoir quel N

rer

eftoit ce peuple qui eftoit affez hardy pour se prépaà fe défendre; & alors Achior General des Ammonites qui s'eftoit venu rendre à luy, fit un excellent difcours pour luy exagerer la grandeur du Dieu des Juifs, & les merveilles par lefquelles il avoit fait paroiftre fa puiffance dans tous les fiecles. Il l'affura que tant que ce peuple servoit fidellement fon Dieu, il eftoit toûjours invincible; & qu'à 'moins qu'ils ne l'euffent irrité par quelque offenfe, il tenteroit inutilement de le forcer. Holopherne fe crut outragé par cette harangue. Il ne put retenir davantage la fureur; & admirant qu'il y eust un homme affez infolent pour croire que perfonne puft refifter au Roy fon maiftre; il commanda qu'on envoyaft Achior lié dans Bethulie, afin que lors qu'il l'auroit prife il fuft puny avec tous les Juifs, de la temerité avec laquelle il avoit ofé préferer la puiffance du Dieu des Juifs à celle de Nabuchodonofor. Achior vint aporter aux Juifs ces nouvelles effrayantes; mais ils le confolerent, en luy difant qu'au lieu qu'Holopherne l'avoit menacé de le faire mourir fi cruellement aprés avoir pris leur ville, ils efperoient au contraire que Dieu luy feroit voir la protection qu'il donneroit à fon peuple & la ruine d'Holopherne.

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