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Judith. Judith. 10.

année

LA A confternation où le peuple fut reduit aux pa-La mémè roles d'Achior, fut bien encore plus grande lors 3345. qu'ils virent Holopherne s'approcher de plus en plus avec une armée de fix-vingt mille hommes de pied, & vingt-deux mille chevaux. Ils fe jetterent tous par terre, & reconnurent que leur fecours en cette extremité ne leur pouvoit venir que du ciel. Holopherne ayant investi Bethulie & confideré tous fes dehors, vit qu'elle n'avoit de l'eau que par un aqueduc qu'il fit couper, afin de les obliger par la foif à fe venir rendre. L'eau manqua en peu de jours dans toute la ville; & fes habitans pensoient déja à finir le tourment d'une longue foif en fe rendant à Holopherne, lors que Judith fe prefenta à eux pour les confoler & pour relever leurs courages. C'eftoit une veuve d'une excellente vertu, qui avoit paffé les années de fon veuvage dans le fecret de fa maison, toûjours dans le jeûne & dans le cilice. Et s'eftant depuis long-temps fortifiée par ces faints exercices, elle fe fentit, dans cette extremité de fon peuple, pouffée d'un deffein qui ne pouvoit venir que de Dieu. Elle fit appeller les Preftres, elle les fit venir chez elle, & aprés leur avoir reproché leur peu de confiance en Dieu, elle leur déclara qu'elle avoit un deffein, mais qu'elle ne le leur diroit pas, & qu'elle leur recommandoit feulement de prier pour elle pendant qu'elle feroit hors de la ville. Lors que ces Preftres fe furent retirez, elle entra dans fon oratoire & foupira long-temps devant Dieu profternée en terre; & s'eftant relevée enfuite, elle fe para de tous fes ornemens, qui ajouterent à sa beauté naturelle un nouvel éclat, que Dieu mefme voulut encore augmenter à cause de l'ufage faint qu'elle en

voulut faire. Elle fortit ainfi de Bethulie, tout le monde la regardant avec admiration, mais ne luy ofant parler. Lors qu'elle fut hors des portes de la ville, les foldats d'Holopherne voyant une femme d'une fi excellente beauté la menerent à leur General. Holopherne fut furpris en voyant Judith, & pendant qu'il admiroit la grace de fon vifage, elle le trompa par la fageffe de fes paroles, & luy dit qu'elle avoit fuy de fa ville, parce qu'elle fçavoit combien Dieu eftoit offenfé contre fon peuple, & qu'il l'avoit abandonné à la puiffance de fes ennemis. Holopherne enyvré de fa paffion crut aveuglément tout ce que cette femme luy difoit, & donna charge qu'on la traitaft parfaitement bien. Mais Judith luy déclara qu'elle ne pouvoit toucher à toutes ces viandes impures, & qu'elle s'eftoit fait apporter par fa fervante celles dont elle pouvoit manger. Et elle obferva ainfi exactement la loy de Dieu, lors mefme qu'elle eftoit feule au milieu de fes ennemis.

annex

Mort d'Holopherne. Judith. 13.

A paffion qu'Holopherne avoit pour Judith s'augmentant toujours, il voulut qu'elle vinft, fouper avec luy, & qu'enfuite on les laiffaft feuls. Judith qui avoit fon deffein dans le cœur, & une ferme confiance en Dieu, alla fans rien craindre trouver Holopherne, qui crut luy rendre un grand honneur en s'enyvrant devant elle. Tous les Officiers s'eftant retirez, & Judith fe voyant feule avec cet homme yvre, ne penfa plus qu'à executer fon deffein. Elle fe tint debout quelque temps, & pria Dieu en filence. Elle le conjura d'armer fon bras de force en cette rencontre, & eftant pleine d'un zele divin elle s'approcha de la colomne du lit où pendoit le fabre d'Holopherne, le tira du foureau, & jettant les yeux au ciel d'où elle attendoit fa force, elle prit Holopherne par les cheveux & de deux coups luy coupa la tefte, la prit, l'envelopa dans fon pavillon enrichy de diamans qu'elle arracha des colomnes qui le foûtenoient, & la donna à sa fervante qu'elle avoit mife en fentinelle à la porte. Elles s'en allerent enfuite toutes deux au travers des gardes pour prier, felon leur couftume, dans la campagne qui environnoit la ville. Judith eftant prés des portes cria qu'on les luy ouvrift. On la receut aux flambeaux, & toute la ville eftant venuë au devant d'elle, elle fit faire un grand filence, les exhorta de rendre graces à Dieu, & leur montra cette tefte qu'elle portoit. Les yeux & les efprits furent furpris de cette tefte. Ils jetterent tous de grands cris de joye pour benir Dieu d'une victoire fi inefperée, & pour relever la gloire de celle qui s'eftoit fi visiblement exposée pour leur falut. Judith fit venir Achior & luy montra la teste de celuy qui avoit fi fierement juré fa perte. Il tomba par terre à cette veuë, & eftant revenu à luy il fe jetta aux

La même apnée

3348.

pieds de Judith, crut au Dieu qu'elle adoroit, & fe fit circoncire pour fe rendre Juif. Dés que le jour fut venu & que l'armée d'Holopherne eut fceu ce qui s'eftoit paffé, elle fut faifie d'une extrême peur, & les Juifs fortirent en mefme temps de Bethulie, les pourfuivirent vivement, & aprés en avoir tué un grand nombre, ils partagerent les riches dépouilles des Affyriens. Toute la ville de Jerufalem vint voir auffi celle dont Dieu s'eftoit fervy pour les délivrer de leurs ennemis. Ils honorerent cette victoire par une réjouiflance publique qui dura trois mois, & la confacrerent par une fefte eternelle. Judith depuis ce jour devint grande dans Ifraël. Mais ayant offert à Dieu les dépouilles d'Holopherne, elle fe renferma dans fon filence & dans fon fecret ordinaire, & ne parut plus qu'aux jours de feftes. Cette histoire eft admirable dans toutes fes circonftances. Elle nous fait voir par nn prodige qui furpaffe tout ce que les hommes ont jamais inventé dans leurs fables, que Dieu eft le protecteur de ceux qui le craignent, & que lors qu'on a une veritable confiance en luy on eft invincible. Une femme feule coupe la tefte du General de la plus redoutable armée qui fut dans le monde. Elle fauve feule fa ville afficgée, & toute la Judée qui eftoit menacée du mefine peril. Elle furprend ce Prince par fa beauté, le trompe par fa fageffe, & luy ofte la vie par fon courage. Elle eft dans l'execution de ces merveilles le bras de Dieu, & elle devient fon organe pour les publier dans un excellent Cantique qu'elle prononça, comme estant la langue du faint Efprit. Mais on peut dire que ce qui a rendu Judith plus admirable, n'eft pas d'avoir vaincu Holopherne. C'eft pluftoft de ne s'eftre point oubliée elle-mefme, aprés des actions qui auroient pû faire douter fi elle eftoit un Ange ou une femme, & d'avoir foulé aux pieds cette gloire que tant de prodiges luy avoient acquife, & ces loüanges fi juftes dont elle a efté comblée toute sa vie.

Humilité d'Esther. Efther. 4.

Affuerus Roy de Perfe ayant élevé Aman fonEnviron plus haut co

Avant

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favory au plus haut comble de la gloire, & juf- 3495. qu'à commander que tous fes fujets flechiffent le ge-1. C. nou devant luy pour l'adorer, le feul Mardochée qui" eftoit Juif, & l'un de ceux qui avoient cfté tranfportez de Judée en Babylone par le Roy Nabuchodonofor, plus de 9o. ans auparavant, la première fois que fon armée vint inveftir Jerufalen, ne voulut point rendre à un homme un honneur qu'il croyoit ne devoir qu'à Dieu feul. Ce refus qui n'eftoit pas un refus d'orgueil comme le crut Aman, mais un effet de la pieté de Mardochée, attira non feulement fur luy, mais encore fur tous les Juifs un cruel Arrest de mort. Car ce Miniftre irrité ne fe contentant pas de facrifier à fa colere le feul Mardochée dont il fe croyoit offenfe, mais la faifant paffer fur tout le peuple de Dieu, il le décria auprés du Roy comme un peuple feditieux, qui ufant d'une religion particuliere brouilloit tout l'Estat. Ce Prince credule fans rien examiner davantage crut cet impofteur, & luy permit fur ce rapport de dreffer une declaration tel le qu'il luy plairoit, & d'ordonner qu'en tout fon royaume en un jour qu'il marqua tous les Juifs fuffent tuez, hommies & femmes, vieillards & enfans, fans qu'on en épargnast un feul. Efther niepce de Mardochée, qui par une conduite toute particuliere de Dieu eftoit devenue femme d'Affuerus à la place de Vafthi qu'il repudia, fentit vivement le malheur de tout fon peuple quoy qu'elle n'y fuft pas comprife, parce que Mardochée dont elle fuivoit les fages avis en toutes chofes, luy avoit toûjours confeillé de celer qu'elle fuft Juïve. Comme donc elle cherchoit quelque remede à un fi grand mal,

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