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mez de haches & couverts d'or courir les uns contre les autres. On voyoit diftinctement la courfe de leurs chevaux, les attaques de loin & de prés, les traits lancez par les uns & repouffez par les autres de leurs boucliers. On entendoit le bruit de leurs armes. On voyoit étinceller leurs épées nuës, & leurs boucliers d'or jetter un éclat qui frappoit les yeux. Tant de fignes fi nouveaux jetterent l'épouvante dans tous les cœurs, & tous eftoient. occupez à prier Dieu de détourner de deffus eux les malheurs dont ils eftoient menacez. Cependant l'impie Jafon forma le deffein de fe rendre maiftre de la ville, & fit contre fes propres citoyens tout ce que le plus cruel ennemy auroit pû faire. Mais ce n'eftoit encore que le commencement de leurs maux. Car Antiochus eftant paffé en Egypte avec une grande armée, & l'ayant ravagée, apprit que Jafon, fur le faux bruit qui avoit couru de fa mort eftoit venu avec des troupes à Jerufalem pour fe faire rétablir, & qu'il faifoit paffer tout au fil de l'épée: ainfi craignant que ce defordre n'allaft plus loin, il s'y rendit en diligence, & trouva moyen par les differentes factions qui regnoient dans la ville d'y entrer & de s'en rendre le maiftre. Ce fut alors qu'il n'épargna rien, non pas mefme ce qu'il y avoit de plus faint. Il prenoit plaifir à toucher de fes mains profanes ce qu'il y avoit de plus facré dans le Temple. Et eftant enyvré de fes profperitez il infulta au Dieu des Juifs, ne fe fouvenant pas, comme dit l'Ecriture, que Dieu pouvoit le traiter comme il avoit traité Heliodore. Mais alors Dieu avoit abandonné fon peuple, faville & fon Temple à caufe de leurs pechez; & il fit voir qu'il ne conferve pas les perfonnes à caufe de la fainteté des lieux, mais qu'il conferve les lieux à caufe de la fainteté de ceux qui les habitent; & qu'il n'eft jamais plus en colere contre les déreglemens des hommes, que lors que pour les punir il permet qu'on luy infulte à luy-mefme, & qu'on porte l'infolence & l'impieté jufques fur l'Autel,

L

Mort d'Eleazar. 2. Machab. 6.

L'an du M. 3837

J. C.

167.

ors qu'Antiochus fe fut rendu maistre de Jerusalem, il y exerça des cruautez inoüics. Sil n'euft Avant étendu fes violences que fur les biens & fur les corps,' elles auroient efté plus fupportables. Mais il voulut paffer jufqu'aux confciences, & forcer tout le monde de renoncer à la loy de Dieu, & de violer fes ceremonies faintes pour embraffer le culte des faux Dieux. Il entreprit ce deffein impie avec tant de fureur, que deux femmes qui craignoient Dieu ayant circoncis leurs enfans, on pendit leurs petits à leur coû, & on les précipita ainfi du haut des murailles. Le Temple n'eftoit plus remply que d'abominations qui regnoient jufques fur l'Autel, & il n'y avoit prefque plus de Juif qui ofaft confeffer qu'il eftoit juif, tant la cruauté des fupplices épouvantoit tous les cœurs. Dans cet affoibliffement general Dieu fit voir un exemple de courage qui confondit la timidité des autres. Eleazar l'un des premiers de Jerufalem, qui eftoit un vieillard tres-venerable, fut follicité de manger contre la loy de la chair de pourceau qu'on luy prefentoit. Mais préferant, dit l'Ecriture, une mort glorieufe à une vie infame, il alla de luy-mefme au fupplice qui luy eftoit préparé. Ceux qui estoient auprés de luy furent touchez de l'extremité où ils le voyoient; & l'aimant d'une amitié toute humaine,. ils le prierent de s'aider luy-mefme en cette rencon-tre, & d'agréer qu'on fift venir de la chair qu'il pouvoit manger, afin qu'on crûft qu'il avoit fatisfait aux ordres du Roy, & que cette feinte luy fauvaft la: vie. Mais Eleazar fe fouvenant de fa vieilleffe & de: l'integrité de toute fa vie depuis fon enfance, répon-dit ainfi à fes amis lafches: J'aime mieux mourir que de faire ce que vous me confeillez. Tout déguise

ment eft indigne de mon âge. A Dieu ne plaife que je donne aux jeunes gens par cette feinte un fujet de croire qu'Eleazar âgé de prés de cent ans eust embraffé les ceremonies payennes, & qu'ils fe trouvaffent ainfi malheureufement trompez par cet artifice, dont j'aurois tasché de me couvrir. Je n'ay point tant d'amour pour le peu qui me refte de cette miferable vie, & je n'ay garde de deshonorer ma vieilleffe par une tache fi honteufe. Quand je me fauverois par cette diffimulation de la main des hommes, je ne pourrois me fouftraire à celle de Dieu. J'aime donc mieux mourir courageufement, fans rien faire qui puiffe ternir la gloire de ma vieilleffe, & laiffer ainfi aux jeunes gens un exemple de fermeté, qui leur apprenne à préferer la loy de Dieu à leur propre vie. Cette réponse si fainte irrita la fauffe mifericorde de ceux qui luy avoient donné ce mauvais confeil; & attribuant fon amour pour la fincerité & fa conftance à un orgueil opiniaftre, ils l'affommerent de coups. Ce faint homme eft devenu un exemple illuftre que les Martyrs ont depuis imité, & qui nous apprend jufqu'où l'on doit éviter, comme dit faint Paul, tout ce qui peut fcandalifer les foibles, & de quelle maniere on doit rendre gloire à Dieu par une confeffion fincere de la verité, aux dépens mefme de fa reputation & de fa vie.

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Martyre des Machabées. 2. Machab. 7.

L'

année

Avant

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'exemple du faint vieillard Eleazar eut la fuitela meme qu'il s'eftoit propofée en fe livrant à la mort; & 3837: on vit en mefme temps le mefme courage en des C jeunes hommes, mais qui furent éprouvez par des fupplices encore plus grands. Ce font ces fept freres fameux qu'on nomme ordinairement Machabées. Antiochus irrité de voir dans un âge fi tendre tant de fermeté, & efperant que la rigueur des fupplices. l'affoibliroit, les fit tourmenter tous l'un aprés l'autre en presence de leur mere. On leur coupa la langue & les extremitez des mains & des pieds. On leur arracha la peau de deffus la tefte, lors qu'ils n'eftoient plus qu'un tronc informe & horrible à voir, on les faifoit roftir dans une chaudiere, où ils confumoient dans les feux ce qui leur reftoit de vie. Ils adorerent la main de Dieu dans ces chastimens; & reconnoiffant humblement qu'il les traitoit comme leurs pechez le meritoient, ils rendirent à Dieu une vie qu'ils ne tenoient que de luy, efperant fermement qu'il la leur rendroit un jour. Ils parlerent au Roy avec une liberté toute fainte, lors mefme qu'ils eftoient entre fes mains. Ils luy representerent les excés de fa cruauté. Ils luy dirent hardiment qu'il fçauroit un jour ce que c'eft que de combattre contre Dieu, & qu'aprés avoir efté icy l'inftrument de fa juftice contre fon peuple, il feroit enfuite la victime de fon eternelle vengeance. Le Roy encore plus. aigry de leur fermeté au milieu des fupplices que de leurs juftes remonftrances, voulut attirer au moins par des careffes le dernier de tous. C'eft pourquoy it le mit entre les mains de fa mere afin qu'elle luy perfuadaft d'obeir au Roy. Cette femme incomparable qui sera à jamais la gloire de son sexe & l'exemple de

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toutes les meres, prit fon fils à part; & bien loin de l'exhorter à fauver fa vie, elle luy fit voir fi vivement le neant de tous les hommes & la grandeur de Dicu, qui feul meritoit qu'on le craignift, que ce jeune homme quittant fa mere dit tout haut: Qu'il n'obeïroit point au Roy, mais à la loy de Moïfe. Il menaça ce Prince de la punition terrible qui luy eftoit refervée; & il prédit que la colere de Dieu contre le peuple Juif feroit appaifée par fon fang & par celuy de fes freres. Les bourreaux épuiferent fur fes membres tendres tout ce que la cruauté la plus ingenieufe pouvoit inventer. Sa mort cruelle raffafia la fureur du Roy, & combla la confolation de fa mere, qui fuivit le mefme jour ceux qu'elle avoit envoyez à Dieu avant elle, & mefla fon fang avec le fang de fes enfans, dont elle avoit efté doublement la mere. Cette fainte femme a esté loüée de tous les Peres comme une femme extraordinaire, & regardée comme la premiere caufe aprés Dieu de la pieté de fes enfans. Elle vit fans s'ébranler leurs fupplices effroyables, & elle fe fervit pour les porter à la mort de toutes ces marques de tendreffe dont les autres meres fe fervent pour affoiblir leurs enfans. Elle étouffa par fa grande foy tous les fentimens de la nature; & fa feule crainte dans ce fpectacle d'horreur fut de voir quelqu'un de fes enfans qui dégeneraft de la pieté des autres. Elle apprit excellemment aux meres Chreftiennes que leur principale gloire eft de rendre à Dieu ceux qu'elles ont receus de luy; & d'élever leurs enfans d'une maniere fi fainte, qu'ils n'aiment la vie que pour la confacrer à Dieu, & qu'ils ne craignent point la mort, lors qu'ils ne peuvent luy eftre fidelles qu'en perdant la vie.

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