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La conduite, Abraham luy répondit, que lors qu'il eftoit entré dans fa ville, il ne fçavoit fi fon peuple avoit quelque crainte de Dieu, & que l'apprehenfion qu'il avoit qu'on ne le tuaft pour avoir enfuite fa femme, l'avoit porté à prier Sara de dire qu'elle eftoit fa fœur, comme en effet elle l'eftoit, & qu'il n'avoit fait à fon égard que ce qu'il faifoit dans tous les autres lieux où il alloit, dans lefquels il gardoit la mefme conduite. Abimelech receut fa fatisfaction & rendit Sara à Abraham, auquel il donna de grands prefens tant en argent qu'en troupeaux; & en fe feparant de Sara, il luy dit en riant, qu'il avoit donné à fon frere, comme elle l'appelloit, mille pieces d'argent; afin, dit faint Ambroife, qu'elle en achetaft un voile pour fe couvrir, & pour faire connoistre à l'avenir à tout le monde qu'elle eftoit une femmemariée. Il la pria auffi de fe fouvenir du mal qu'elle luy avoit penfé caufer, afin qu'elle évitaft de le faire. à d'autres. Abraham en s'en allant pria Dieu pour Abimelech, & Dieu guerit auffi-toft toutes les playes: dont il avoit frappé ce Prince, & avec luy toute fa maison, à caufe de Sara qu'il avoit prife. C'eft ainfi comme remarque faint Ambroife, que Dieu témoigna combien il haïffoit l'adultere, & que comme il eftoit l'auteur du mariage, il prenoit aufli le foin de vanger tout ce qui en violoit la fainteté. Il s'eft contenté d'avoir témoigné ainfi autrefois l'horreur qu'il avoit de ce crime. Il ne parle plus de la. forte maintenant; mais on n'en doit pas moins craindre fa juftice, comme a dit le mefme Pere, ny croire qu'il punira moins l'adultere, parce. qu'on le commet avec moins de fcrupule & avec plus de licence.

Ifmaël chaffe. Genef. 21.1

M.1108

J. C.

M.2118

ayant dés

D ieu ayant accomply la promeffe qu'il avoit faite l'An da à Sara, elle eut un fils dans fa vieilleffe, au Avant temps que Dieu luy avoit marqué. Abraham luy 896 donna le nom d'Ifaac, & il le circoncit le huitiéme jour. Sara voulut en le nourriffant elle-mesme, quoy qu'elle fuft confiderée comme une grande Princeffe, apprendre à toutes les meres, comme dit faint Ambroife, , que leur gloire & leur joye doit eftre de nourrir leurs enfans, & qu'elles ne font meres qu'à demy lors qu'elles manquent à ce devoir de la nature, qui entretient beaucoup davantage dans toute la fuite de la vie, l'amour reciproque qui doit eftre entre les meres & leurs enfans. Lors que le temps de fevrer An du fon fils fut venu, elle fit un grand feftin pour témoi- Avant gner fa grande joye, qui eftoit la figure de la joye, que reçoivent les vrais Pasteurs de l'Eglife, lors-Ifaac qu'ils voyent que leurs enfans s'avancent dans la pie- ja 5.ans. té, & qu'ils n'ont plus befoin qu'on les nourriffe de lait. Mais lors que Sara fe voyoit ainfi comblée de joye, & que ce nouveau fils la confoloit de la douleur & de l'opprobre de fa fterilité paffée; le fils d'Agar luy caufa autant de chagrin que la mere luy en avoit caufé elle-mefme quelques années auparavant. Cet enfant qui fe voyoit fruftré de fes grandes efperances par la naiffance d'Ifaac qu'il regardoit avec douleur devoir eftre l'heritier de tant de biens qu'il s'eftoit déja promis, ne pût fouffrir la joye que le pere & la mere d'Ifaac témoignoient prendre dans luy, & conceut contre luy une envie fecrette qui paroiffoit au dehors dans les rencontres, par la maniere injurieufe dont il le traitoit, & par les maux qu'il luy faifoit. Sara prévit les fuites funeftes que cette divifion pourroit avoir, & fa tendreffe s'intereffant pour

celuy qu'elle fçavoit avoir efté deftiné de Dieu pour eftre l'heritier de tous fes biens, elle pria Abraham de chaffer du logis Agar fon efclave avec fon fils Ifmaël. Abraham fut d'abord bleffé de cette propofition. Mais Dieu luy ayant dit de faire en ce point tout ce que Sara luy difoit; Abraham prit un pain & un vafe d'eau qu'il mit fur l'épaule d'Agar, il luy donna fon fils Ifmaël, & la renvoya. Agar chaffée de ce logis alla dans le defert de Berfabée, où fon cau eftant manquée, elle mit fon enfant Lous un arbre & fe retira fous un autre, pour ne pas voir mourir fon fils. Et lors qu'elle s'abandonnoit aux pleurs & aux gemiffemens, un Ange l'appella du ciel qui l'encouragea, & luy commanda de prendre foin d'Ifmaël, parce qu'il feroit le pere d'une grande race. Il luy montra enfuite une fource d'eau qui eftoit proche de ce licu: ce fecours confola beaucoup Agar, & elle éleva fon fils dans la folitude, où il devint habile à tirer de l'arc. Saint Paul nous dit clairement luy-mefme, que Dieu dépeignoit deflors dans ces deux enfans ce qui devoit arriver un jour dans la fuite de toute l'Eglife, où ceux qui font les enfans de la promeffe devoient eftre perfecutez par leurs propres freres. Il faut que celuy qui veut eftre Ifaac fouffre l'envie & les infultes d'Ifmaël. Mais bien loin de rendre mal pour mal, & envie pour envie, il doit plutoft pleurer le malheur de fon frere qui eft banni pour toujours de la maison paternelle. C'ett Dicu feul qui rend les uns enfans de celle qui eft libre, & les autres, de celle qui eft efclave; & il faut luy témoigner fa reconnoiffance d'un difcernement fi favorable, en choififfant plûtoft d'eftre perfecuté ayec Ifaac, que de perfecuter les autres avec Ifmael; parce que la colere d'Ifmaël fera paffagere, & que l'heritage d'Ifaac fera eternel

Sacrifice d'Abraham. Genef. 22.

Avant

If fmaël ayant efté chaffé de la maifon d'Abraham, Pan du Ifaae y vivoit en paix comme le feul heritier de M.2145. tous les biens de fon pere. Mais lors qu'il avoit déjaj. c. trente-fept ans, felon la tradition des Hebreux, Dieu 18500 pour tenter Abraham, luy ordonna de prendre ce fils bien-aimé, & de le luy aller immoler fur une montagne. Abraham fe fouvenant qu'il n'avoit ce fils que de Dicu, n'hefita point à le luy rendre, & fa grande foy étouffa toutes les penfées qui pouvoient luy revenir dans l'efprit des promeffes que Dieu luy avoit fi fouvent reiterées, de luy donner par Ifaac une pofterité qui fe multiplieroit comme les étoiles du ciel. Ilfe leva dés le grand matin,& gardant un grand fecret, il prit avec luy Laac & deux de fes ferviteurs. Il coupa du bois pour faire brûler fon holocaufte, & alla enfuite au lieu que Dieu luy avoit montré. Ayant demeuré pendant deux jours entiers dans cette refolution fixe, fans que la veuë de fon fils pûft l'atten drir; le troifiéme jour enfin levant les yeux il vit de loin le lieu destiné à ce grand facrifice, & il commanda à fes deux ferviteurs de fe tenir au bas de la montagne, pendant qu'il iroit avec fon fils pour adorer Dieu. Il prit le bois que l'on avoit coupé pour l'holocaufte & le mit fur les épaules d'Ifaac, qui en montant ainfi cette montagne chargé du bois qui le devoit confumer, fut une figure bien fenfible du ve ritable Ifaac, qui monta depuis la montagne du Calvaire chargé du bois fur lequel il devoit accomplir fon facrifice. Lors qu'Ifaac montoit ainfi avec fon pere qui tenoit dans fes mains le fer & le feu, il luy demanda où eftoit donc la victime qu'il devoit égor ger. Abraham ayant comme oublié qu'il eftoit pere, répondit avec fermeté, que Dieu y pourvoiroit;, &

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ettant arrivé au lieu que dieu luy avoit marqué, il y dreffa un autel, y mit le bois que fon fils avoit apporté, lia Ifaac, le mit fur ce bucher, prit l'épée, & étendit la main pour l'égorger. Dieu fut touché, de la fermeté du pere & de la foûmiffion du fils, & ne voulant pas que ce grand facrifice qu'il voyoit deja comme accompli, fuft teint du fang de l'hoftie, afin qu'il reprefentait le facrifice non fanglant de nos autels, il arrefta par un Ange la main du pere, parce qu'il avoit enfin reconnu qu'il le craignoit veritablement, & qu'il n'avoit pas épargné fon fils unique. Et s'eftant trouvé auprés de ce lieu un belier embaraffé par les cornes dans un buiffon, Abraham l'offrit à Dieu au lieu de fon fils, & s'en retourna. Cette hiftoire qui eft pleine de tant de myfteres, & dont toutes les circonftances eftoient autant de figures de ce qui devoit arriver à JESUS-CHRIST, eft felon les faints Peres, d'une grande inftruction pour les peres & pour les meres, & elle leur apprend à n'avoir point de plus grande paffion pour leurs enfans que de les immoler à Dieu. Mais faint Chryfoftome ne peut affez déplorer le malheur de ces peres & de ces meres qui font profeffion d'eftre chreftiennes, & qui immolent leurs enfans non à Dieu comme Abraham, mais au demon, en les engageant dans la vanité du fiecle, & en corrompant leurs mœurs par l'exemple de leur mauvaïfe vie. Un feul Abraham, dit-il, offre fon fils Isaac à Dieu, & une foule de perfonnes offrent leurs enfans au demon; & la joye que nous avons de voir un petit nombre de perfonnes qui élevent leurs enfans avec quelque foin, eft étouffée par la douleur que nous caufe le grand nombre de ceux qui les perdent, & qui meritent ou par leur ambition ou par leur negligence d'eftre confiderez plûtoft comme les parricides, que comme les peres de leurs enfans.

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