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ennemi des ames, que de couvrir leurs bleffures au lieu de les guerir, & leur ravir les remedes d'une vraye penitence, par l'affurance trompeufe d'une reconciliation précipitée. Cette paix qu'on leur promet n'eft point une paix. Elle eft dangereufe pour celuy qui la donne, & inutile pour celuy qui la reçoit.

Sermon fur la montagne. Matth. 5.

C'eftoit peu que JESUS-CHRIST fe

L'an Pare

fuft attiré destan

10

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la prédi

J. C.

difciples, fi le foin qu'il avoit de fon Eglife fu- communture ne luy euft fait encore ieparer de ce nombre conde de douze perfonnes qu'il deftinoit pour eftre fes fonde-cation de mens, & que pour ce fujet il honora du nom particulier d'Apoftres, comme les devant envoyer dans toute la terre prêcher fon nom & fon Evangile.Aprésles avoir donc tirez déja une fois du commun des hommes, illes tira du commun des autres difciples, pour leur faire connoiftre par cette double feparation, qu'ils devoient avoir une double perfection de vertu & eftre au deffus des difciples, ce que fes difciples eftoient au deffus du commun des Juifs, Ils eurent depuis cet avantage fur les difciples du Sauveur, qu'ils eftoient comme les domestiques de JESUS-CHRIST, & qu'ils vivoient avec luy dans une mefme maison, comme on voit qu'à la fefte de Pafques il mangeoit l'agneau avec eux feuls, & qu'ainfi ils eftoient témoins, non feulement de fes actions & de fes predications publiques, mais encore de fa vie cachée & des fecrets qu'il leur découvroit en particulier, aprés avoir prêché aux autres en parabole. JESUS-CHRIST prévint le choix qu'il fit de ces douze. par beaucoup de pricres dans lefquelles il pafia mefme la nuit, pour apprendre à fon Eglife ce qu'elle devoit faire à l'avenir dans l'élection de fes Miniftres, fi elle vouloit bien connoistre ceux que Dieu avoit choisis. Auffi-toft qu'il eut fait ce choix il les

mena fur une montagne estant suivi d'une grande foule de peule; & ce fut alors qu'il leur fit ce grand Sermon qu'on appelle d'ordinaire le Sermon fur la montagne, qui contient tout l'Evangile, & toutes les regles de la conduite tant des Pasteurs que du commun des fidelles. Aprés avoir dés le commencement de ce difcours renversé tous les jugemens des hommes, & toutes les lumieres de la railon naturelle, en appellant heureux ceux que les hommes eftiment malheureux; il fit voir enfuite combien les ordonnances de la loy des Juifs eftoient peu de chose en comparaison de ce qu'il demandoit de ceux qui feroient à luy, difant clairement qu'il exigeoit d'eux une abondance de juftice qui n'avoit point esté dans les Scribes & dans les Pharifiens, fans laquelle il déclara qu'on n'entreroit point dans le royaume des cieux. Il nous apprit par ces paroles qu'il ne fe contente pas que nous nous abftenions des chofes cxterieurement mauvaifes; & qu'il ne nous fuffit pas d'avoir l'apparence des bonnes œuvres, ou la fcience de la vertu qui éclate parmi les hommes, comme l'avoient alors les Pharifiens & les Scribes. C'eft pourquoy il ordonne dans la fuite de ce Sermon, que nous n'amaffions des trefors que dans le ciel, afin que noftre cœur y foit toûjours ainfi que noftre trefor. Que l'œil de noftre intention foit pur & fimple, afin qu'il fanctifie tout le corps de nos actions. Que nous n'ayons qu'un feul maistre, pour ne nous point partager entre JESUS-CHRIST & le monde; & que nous ne cherchions que le royaume & la justice de Dieu, afin que tout le refte nous foit donné comme par furcroift. Ce qui nous fait voir clairement que la fin de la loy nouvelle eft de donner un cœur nouveau à l'homme nouveau, parce que le dehors fe doit regler felon Dieu par le dedans, & que le ruiffeau ne peut eftre pur qu'à proportion que la fource eft pure.

Ne point juger les autres. Matth. 6.

Aprés les maximes generales que JESUS-CHRIST La même

apnée 3.

établit d'abord fur la montagne où il il inftruifoit le peuple, il defcendit aux avis particuliers, & il témoigna que pour fatisfaire à cette abondance de juftice qu'il exigeoit de fes difciples, il ne fe contentoit pas qu'ils obfervaffent le Decalogue qui défend les grands crimes, mais qu'il vouloit qu'ils évitafient jufqu'aux premiers commencemens du peché. Il fit voir que fon deffein eftoit de regler principalement le dedans, & de le mettre en tel eftat que le moindre peché interieur fuft auffi éloigné de nous que les plus grands crimes. C'eft pourquoy aprés avoir défendu les plus petits mouvemens de colere dans le cœur, il défendit enfuite les moindres paroles injurieufes; parce que la douceur du cœur & la retenue de la langue font les principales marques de la justice interieure du Chreftien. Les Juifs ne penfoient qu'à fatisfaire les yeux des hommes; mais les Chretiens penfent à plaire aux yeux de Dieu qui ne regarde que le cœur. Ainfi JESUS-CHRIST fuppofant le Decalogue, qu'il femble appeller du nom de petits commandemens, il donne le nom de grands commandemens à cette retenue du cœur & de la langue, qui étouffetous les mouvemens de colere & toutes les paroles de mépris. JESUS-CHRIST fous la défenfe de deux chofes fi petites cache toute la grandeur du Chriftianisme. Il femble qu'il eftime peu de ne tuer point, parce que cela fe peut faire fans aucune vertu interieure, & que des raifons toutes humaines l'empefchent affez. Mais que ce qu'il eftimoit eftoit de ne point murmurer dans fon cœur contre fon frere, parce que cela ne fe Feut fans une grande vertu. Auffi le commencement des grands pechez vient de ces petits commencemens qu'on neglige; eftant certain que celuy qui craint de

bleffer un homme par la moindre parole injurieufe; eft incapable de tomber dans l'homicide. C'est pourquoy JESUS-CHRIST recommande tant dans la fuite l'amour de fes ennemis, par lequel il dit que nous devenons femblables à fon Pere, qui fait lever fon foleil fur les méchans comme fur les bons, & répand fes faveurs fur les plus ingrats. Mais un des commandemens fur lequel JESUS-CHRIST s'arrefte le plus dans ce Sermon, où tout eft confiderable, est la défenfe qu'il fait de juger de noftre frere. Comme il voyoit dans le fond du cœur de l'homme une inclination naturelle à juger des autres, il arrefte cette liberté, en difant que par les jugemens temeraires nous fommes femblables à un homme qui ayant une poutre dans fon œil, voudroit arracher une paille de l'œil de fon frere. Le monde eft plein de fcandales en ce point, difent les Peres. Mais le plus grand remede qu'ils y ont trouvé est d'eftre bien humbles, parce que cette humilité nous empeschera d'avoir de mauvais fentimens des autres. Ainfi il faut ou que la charité ou que l'humilité fupprime dans nous tous ces jugemens temeraires; ou que fi ni l'une ni l'autre ne le peut faire, la crainte au moins les étouffe, lors qu'on penfe au jour auquel JESUS-CHRIST viendra juger les moindres defauts qui fe trouveront dans nos meilleures œuvres, & dans cette juftice apparente qui trompe fouvent noftre ignorance & celle des autres. Il nous affure luy-mefme qu'il gardera alors envers nous le mefme poids & la mefme mefure dont nous aurons ufé envers les autres. Celuy qui penfe ferieufement à ce jugement, difent les faints Peres, ne penfe guere à juger fon frere, & encore moins à s'entretenir de fes defauts. La charité fait qu'il interprete tout en bonne part, & qu'il prend plaifir à pratiquer la parole d'un faint Evefque, qui dit que fi une action avoit cent vifages, il faudroit toujours la regarder par celuy qui eft le plus beau.

Le Lepreux & le Centenier. Matth. 8. ESUS-CHRIST eftant defcendu de cette montagne La même

Joù il avoit établi les regles de toute la Morale che

année 31.

tienne, fit deux miracles que l'Evangile rapporte. Le premier fur la guerifon d'un lepreux, qui dans la maniere dont il s'approcha de J. C. nous donne un parfait modelle de la priere. Car auffi-toft qu'il l'eut apperceu; il le reconnut pour fon Sauveur, & dans cette ferme foy il luy dit avec une humilité interieure qu'il témoigna au dehors par fes profternemens: Seigneur, vous pouvez me guerir fi vous le voulez; montrant d'un cofté quelle eftoit fa foy,& de l'autre quelle eftoit fa foûmiffion à la volonté de Dieu. J. C. eut pitié de luy; & étendant fa main pour le toucher, il luy dit: Je le veux, foyez gueri. Comme pour approuver ce que cet homme avoit déclaré, & pour nons apprendre que fa volonté feule eft la fource des graces que reçoivent ceux qu'il a aimez d'un amour eternel, lors qu'il ne voyoit encore dans eux que des crimes. Mais aprés qu'il eut gueri cet homme & qu'il luy eut défendu de rien dire d'un guerifon fi miraculeufe (ce qui nous apprend à cacher les graces fecretes qu'il nous fait) dés qu'il fut entré dans Capharnam, un Centenier qui eftoit extrémement affligé de la maladie d'un ferviteur qu'il avoit & qui eftoit preft de mourir, envoya quelques-uns des Juifs le prier de venir guerir ce ferviteur malade. Le Juifs vinrent faire cette priere au Sauveur, & le prefferent mefme en loüant la bonté de ce Centenier qui leur avoit bâti une Synagogue. J. C. fe rendit à leur demande, & il alloit avec eux au logis où eftoit ce malade. Mais lors qu'il eftoit proche, ce Centenier qui avoit une foy bien plus vive & bien plus refpectucufe que tous les Juifs, envoya fes amis plus intimes au Sauveur pour le prier de ne fe pas donner la peine de venir en fon logis, parce qu'il n'en eftoit pas digne. Il luy dit que c'eftoit pour cela mefme qu'il n'avoit ofé l'aller trouver,. & qu'il fçavoit qu'il luy

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