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environ

ans fe

ftin.

M.2185.

J. C.

1816.

l'aifné de ces deux enfans ferviroit l'autre. Lors que Je temps des couches fut arrivé, Rebecca accoucha en effet de deux enfans. Celuy qui forrit le premier étoit roux, couvert de poil, & fut nommé Efau : l'autre le fuivit auffi-toft, & tenoit fon frère par le spied; ce qui luy fit donner le nom de Jacob. Ces voient deux enfans eftant grands, il arriva que Jacob ayant ving preparé des lentilles, Efau qui revenoit de la chaffe lon S. où il s'occupoit d'ordinaire, eftant extremément las: Augu defira ces lentilles avec une fi grande avidité, que P'An du Jacob ne les luy ayant promifes qu'à condition qu'il Avant luy cederoit fon droit d'aîneffe, il le fit à l'heuremefme. Les faints Peres difent que ces deux enfans marquoient en effet deux peuples; un peuple de bons, & un autre de méchans, qui fe devoient faire la guerre dés le moment de leur naiffance. L'un de ces peuples reprefenté par Efau, qui semble l'aîné à caufe des grands avantages de ce monde, eft neanmoins le ferviteur du puifné, parce que les méchans fervent aux bons par leur malice mefme; - où en les purifiant par leurs violences, ou en les rendant plus humbles par la veuë du mal que les autres font, dont Dieu feul les a feparez fans qu'ils ayent aucune part en ce difcernement qui s'eft fait comme celuy de ces enfans dés le ventre de leur mere. Efau en vendant fon droit d'aîneffe pour un peu de lentilles, doit bien faire trembler ceux qui fe haftent d'eftre heureux des biens fi méprifables de ce monde, & qui au lieu de les abandonner de bon cœur comme Jacob, renoncent au contraire aux biens du ciel afin de les poffeder. Mais ceux qui font en cet eftat ne fe pleurent point cux-mefmes; & comme il eft marqué d'Efaü qu'il fe mettoit peu.en peine d'avoir vendu fon droit d'aînefle, de mefme ces perfonnes qu'il figuroit font fort infenfibles à la perte qu'ils font des biens éternels, pourven qu'ils puiffent fatisfaire leurs paffionsen jouiffant des plaifirs du monde qui ne durent qu'un moment.

Ifaac benit Jacob. Genef. 27.

Efau ayant vendu à Jacob fon droit d'ainefle, Re- L'an du

M.2245.
Avant

1759.

de 137.

quoy

re vêcu

becca mere des deux freres qui aimoit tendrement Jacob luy affura cet avantage plufieurs années J. C. aprés, par une adreffe toute fainte & toute pleine de acé myfteres. Car Ifaac se sentant fort vieux, & voulant tant âgé benir fes enfans avant que de mourir, appella fon ans fils Efau qu'il aimoit, luy commanda d'aller à la qu'il en chaffe pour avoir dequoy manger, afin qu'il le benift ait enco enfuite. Rebecca avertit promtement Jacob de ce 44. qui fe paffoit, & luy commanda d'aller prendre deux chevreaux dans le troupeau. Lors qu'il les eut don nez à fa mere, elle en prépara à Laac ce qu'elle fçavoit qu'il aimoit. Elle revêtit Jacob des habits d'Efai qu'elle gardoit, & couvrit fes mains & fon cou de la peau des chevreaux, afin que fon pere qui ne voyoit plus pûft en entendant la parole de Jacob, croire au moins par le poil de fes mains que c'eftoit Efau fon frere. Ifaac en effet ayant efté furpris de fa voix qu'il croyoit eftre la voix de Jacob, le fit approcher de luy, & ayant touché le poil des peaux dont il s'eftoit couvert les mains; il dit que la voix à la verité eftoit la voix de Jacob, mais que les mains estoient les mains d'Efau. Aprés qu'il eut mangé, & qu'il eut fenti en baifant Jacob l'odeur de fes habits parfumez, ille benit & luy fouhaita la rofée du ciel & la fecondité de la terre. Il l'établit le maistre de tous fes freres, & finit fa benediction par ces paroles, dont faint Bernard dit que les vrais Chrêtiens ont tant de fujet de fe confoler: Que celuy qui vous maudira foit maudit luy-mefme; & que celuy qui vous benira foit comblé de benediction. A-peine Ifaac avoit achevé ces paroles, qu'Efau entre & apporte à manger de ce qu'il avoit pris à la chaffe, afin

que

fon pere le benift enfuite. Ce faint Patriarche fut furpris d'un étonnement incroyable lors qu'il reconnut ce qui venoit de fe paffer. Mais bien loin. de retracter ce qu'il avoit fait, il le confirma au contraire, parce qu'il voyoit trop fenfiblement le doigt de Dieu dans cette conduite. Efau alors jetta des rugiffemens, comme marque l'Ecriture, & accufant hautement la tromperie de fon frere, il demanda à fon pere s'il n'avoit qu'une feule benediction; eftant. en ce point, comme remarquent les faints Peres, l'image de ceux qui eftant bien-aifes d'allier Dieu avec le monde, 'veulent joüir tout ensemble des confolations du ciel & de celles de la terre. Ifaac touché des cris d'Efau le benit enfin, mais en l'affujettiffant à fon frere: ce qui luy fit concevoir une haine fi envenimée contre Jacob, qu'il n'attendoit plus que la mort de fon pere pour le tuer. Cette histoire fi my. fterieuse nous marqué par tout JESUS-CHRIST revêtu de l'apparence exterieure du pecheur, comme Jacob de l'apparence d'Efau, & elle eft, felon les faints Peres, une figure admirable de la reprobation des Juifs qui ne fouhaitoient que les biens d'icy-bas, & de l'élection de l'Eglife qui ne demande à Dieu, comme David, qu'une feule chofe, & qui ne veut qu'une benediction. Nous devons bien prendre garde, comme dit faint Paul, de ne pas imiter Efau, qui ayant vendu à fon frere fon droit d'aîneffe, & qui defirant depuis d'avoir, comme eftant le premier heritier, la benediction de fon pere, en fut rejetté fans pouvoir porter Ifaac à revoquer ce qu'il avoit fait pour Jacob, quoy qu'il l'en euft conjuré en fondant en pleurs. Car comme il avoit méprifé Dieu, Dieu méprifa auffi fes cris & fes larmes, parce qu'elles ne fortoient point d'un repentir fincere, ny d'un veritable changement de cœur.

L

Echelle de Jacob. Genef. 14.

49

M. 2245

J C.

Jacob

ja77.

ans.

a colere d'Efaii contre Jacob, qui luy avoit ravy La même la benediction de fon pere; eftoit trop vifible année du pour eftre inconnuë à Rebecca, & cette mere avoit Avant trop de tendreffe pour ne pas tàcher d'en prévenir les 1759. mauvais effets. C'eft pourquoy elle crut qu'il eftoit ayant de bon que Jacob cedaft à fon frere pendant quelque! temps, & qu'il adoucift fa colere par fon éloignement. Elle aime mieux fe priver de la veuë de celuy qui luy eftoit fi cher, afin de procurer pluftoft la feureté de fon fils, que fa fatisfaction particuliere. Pour faire agréer ce confeil à Ifaac, elle prit occafion du mariage de Jacob. Elle dit qu'elle ne pouvoit fouffrir que Jacob prift une femme en ce païs de Chanaan, & qu'il imitaft Efau fon frere, qui en avoit pris deux du mefme païs, fans fe mettre en peine de l'averfion qu'en avoient fon pere & fa mere. Elle pria donc Ifaac de l'envoyer en Mefopotamie chez Bathuel, afin qu'il se mariaft en ce païs-là. Ifaac y confentit, & en y envoyant Jacob, il luy renouvella toutes les benedictions qu'il luy avoit déja données. Jacob auffi-toft quitta fon païs, pluftoft en fugitif qui évitoit la colere d'un frere envenimé contre luy, que comme une perfonne riche, qui allast chercher une femme avec l'appareil ordinaire aux gens du monde : & lors que dans cette pauvreté, qui figuroit fi admirablement la pauvreté chrêtienne & religieufe, il fe fut arrefté en un lieu de la campagne aprés le foleil couché, il mit une pierre fous fa tefte & s'endormit. Mais il eut en dormant une vifion qui luy fit bien voir, que Dieu fe laiffe trouver à ceux qui font pauvres & perfecutez injustement de leurs freres, & que c'eft de ces perfonnes qu'il prend un foin particulier. Car ce faint homme en dormant vit une échelle dont C

le pied eftoit fur la terre & qui alloit jufqu'au ciel. Elle eftoit pleine d'Anges qui montoient & qui defcendoient, & Dieu eftoit au haut qui s'y tenoit appuyé, & qui dit à Jacob: Je fuis le Dieu d'Abraham & le Dieu d'Ifaac. Je vous donneray cette terre où vous dormez. Vos enfans y feront en auffi grand nombre que la pouffiere de la terre, & tous les peuples du monde feront benis en celuy qui fortira de voftre race. Il luy promit de l'accompagner par tout où il iroit, & de le faire revenir enfuite dans cette terre qu'il quittoit, où il accompliroit toutes fes promeffes. Jacob fe réveilla comme d'un profond fommeil; & eftant effrayé de ce qu'il venoit de voir, il dit en s'écriant, que ce lieu eftoit terrible, puis que le Seigneur y eftoit. Cette vision & cette échelle fi myfterieufe, dont les faints Peres ont dit tant de chofes, marquoit deflors le foin que la providence de Dieu prendroit de tous ceux qui feroient à luy dans la fuite de tous les fiecles; qu'il fe trouveroit prefent avec eux dans le temps de leur affliction & dans le lieu de leur exil, & que les Anges leur feroient presens pour offrir à Dieu leurs befoins & leurs prieres, & pour leur apporter du ciel les graces & les confolations de Dieu: Qu'ainfi ils ne devoient pas craindre la colere des hommes ny les confpirations de leurs propres freres, puis qu'elles ne fervoient qu'à leur faire trouver Dieu plus prefent & plus appliqué à les fecourir. Cette parole que Jacob dit en fe réveillant: Que ce lieu est terrible, c'est la maifon de Dieu & la porte du ciel mefme, a depuis efté appliquée à la fainteté de nos Eglifes, qui ont prefent fur nos autels le mefme Dieu qui rempliffoit alors Jacob d'une fi fainte frayeur: & les faints Peres ont fouhaité que les Chreftiens en y entrant euffent dans la bouche & dans le cœur ces paroles de Jacob, & qu'ils fuffent faifis comme luy d'une crainte profonde devant la majefté de celuy que leur foy les affure y eftre prefent.

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