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Prêtre, & lui dit qu'il étoit venu par ordre du Roi pour lui demander les tréfors du Temple. Onias surpris de cette demande, lui répondit qu'il ne les pouvoit donner, parce que pour la plupart c'étoient des dépôts facrés qui devoient fervir à l'entretien des veuves & des orfelins, & qu'il n'en étoit que le dépofitaire. Héliodore infifta fort en difant qu'il faloit obéir aux ordres du Roi fans fe mettre en peine du refte. Le Grand-Prêtre & avec lui toute la ville furent dans une étrange confternation, & conjurèrent Dieu par leurs prières & par leurs larmes, de ne pas permettre qu'on trompât ainfi ceux qui avoient cru que fon faint Temple feroit un azile affuré pour y conferver leur bien. Dieu fut touché de tant de larmes; & lorfqu'Héliodore entra dans le Temple pour exécuter les ordres du Roi, une vertu invifible fe fit fentir à tous les foldats qui l'accompagnoient, qui tombèrent faifis de crainte. 11 parut en même tems dans le Temple un homme à cheval qui renverfa Héliodore, & le foula aux piés: & deux jeunes hommes parfaitement beaux l'environnèrent auffi-tôt, le frapèrent de verges fans relâche, & le chafsèrent enfin du Temple. On eut recours alors à la piété du Grand Prêtre pour le prier d'avoir pitié d'Héliodore. Et Onias craignant que le Roi qui l'avoit envoyé, n'attribuât ce traitement de Dieu à la révolte des Juifs, pria pour lui, & le délivra du danger de mort qui le menaçoit. Lorqu'Onias prioit ainfi, ces deux jeunes hommes qui avoient maltraité Héliodore s'apparurent à lui & lui dirent: Rendez grace au Prêtre Onias, puifque c'ert à fa confidération que Dieu vous donne la vie. Et pour vous, confidérant le traitement que vous avez reçu de Dieu, faites favoir à tout le monde quelle eft fa grandeur & fa puiffance. Héliodore ne cela point au Roi Séleucus cette hiftoire, lorsqu'il lui rendit compte de fon voyage. Et le Roi perfiftant toujours dans le defir de cet argent, & dans la pensée de prendre quelqu'un pour y envoyer, Héliodore lui dit, que s'il avoit quelque ennemi, il pouvoit l'y envoyer, & qu'il devoit s'affurer qu'il y feroit au-moins déchiré de coups, s'il étoit affez heureux pour fauver fa vie; parce que la vertu de Dieu habitoit dans ce Temple pour perdre tous ceux qui le voudroient profaner.

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L

L'An du

Es ennemis du grand Prêtre Onias ayant pris fujet du traitement que reçut Héliodore dans le Temple de l'accufer monde 3834 Avant J. C. auprès de Séleucus, il fut obligé d'aller le trouver lui-même 170. pour fe juftifier des crimes qu'on lui impofoit. Mais ceux qui, brûloient d'ambition pour fa dignité de Pontife, entre lefquels étoient fes propres frères, lui fufcitèrent tant de perfécutions qu'enfin ils le firent affaffiner. Le Roi Antiochus furnommé Epiphanes, c'eft-à-dire, illuftre, l'un des plus cruels ennemis de la religion & du peuple Juif, ayant fuccédé à fon frère Séleucus, qu'Héliodore avoit empoifonné, fignala le commencement de fon règne par la dépofition de ce faint Pontife, à la prière de fon frère Jafon, qui lui promettoit de mettre près d'un million d'or dans fon épargne. Enfuite Ménélaus fon frère l'emporta encore fur lui, en offrant plus d'argent à Antiochus ; & puis il en fut auffi dépofé, & fon frère Lyfimaque mis en fa place, lequel ayant auffi été déposé, Ménélaus remonta fur le fiége à force d'argent. Mais ayant enfuite dérobé lui-même les vafes facrés, & voyant qu'Onias ne ceffoit de crier contre de fi grands facriléges, il le fit tuer. La vertu de ce faint Pontife étoit fi univerfellement reconnue, que non feulement les Juifs, mais les étrangers en eurent de l'indignation. Et Antiochus ayant reçu les plain

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tes qu'on lui en fit à fon retour de Cilicie, le pleura, parce qu'il en connoîffoit la vertu, & fit mourir Andronique qui l'avoit tué, dans le lieu même ou il avoit commis ce parricide. Cependant les factions étant grandes dans Jérufalem, & plufieurs voulant pofféder la fouveraine Sacrificature, la malice de fes citoyens y alluma un feu qui caufa la ruine entière de la ville. Dieu pour marquer les malheurs dont elle étoit menacée, fit paroître de grands fignes. On vit de toute la ville pendant quarante jours, des armées se batre dans l'air, des cavaliers armés de haches & couverts d'or, courir les uns contre les autres. On voyoit diftinctement la courfe de leurs chevaux, les attaques de loin & de près, les traits lancés par les uns & repouffés par les autres de leurs boucliers. On entendoit le bruit de leurs armes. On voyoit étinceler leurs épées nues, & leur boucliers d'or jeter un éclat qui frapoit les yeux.Tant de fignes fi nouveaux jetèrent l'épouvante dans tous les cœurs; & tous étoient occupés à prier Dieu de détourner de deffus eux les malheurs dont ils étoient mena-cés. Cependant l'impie Jason forma le deffein de se rendre maître de la ville, & fit contre fes propres citoyens tout ce que le plus cruel ennemi auroit pu faire Mais ce n'étoit encore que le commencement de leurs maux. Car Antiochus ayant paffé en Egypte avec une grande armée, & l'ayant ra vagée, apprit que Jason, fur le faux bruit qui avoit couru de fa mort, étoit venu avec des troupes à Jérufalem pour se faire rétablir, & qu'il fefoit paffer tout au fil de l'épée: ainsi craignant que ce défordre n'allât plus loin, il s'y rendit en diligence, & trouva moyen par les différentes factions qui régnoient dans la ville, d'y entrer & de s'en rendre le maître. Ce fut alors qu'il n'épargna rien, non pas même ce qu'il y avoit de plus faint. Il prenoit plaifir à toucher de fes mains profanes ce qu'il y avoit de plus facré dans le Temple: & étant enivré de ses profpérités, il infulta au Dieu des Juifs, ne fe fouvenant pas, comme dit l'Ecriture, que Dieu pouvoit le traiter comme il avoit traité Héliodore. Mais alors Dieu avoit abandonné fon peuple, fa ville & fon Temple, à cause de leurs péchés; & il fit voir qu'il ne conserve pas les perfonnes à cause de la fainteté des lieux, mais qu'il conferve les lieux à cause de la fainteté de ceux qui les habitent; & qu'il n'est jamais plus en colère contre les dérèglemens des hommes, que lorfque pour les punir il permet qu'on lui infulte à lui-même, & qu'on porte l'infolence & l'impiété jufques fur l'Autel.

Mort

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Orfqu'Antiochus fe fut rendu maître de Jérufulem, L'An du il y exerça des cruautés inouies. S'il n'eût éten- monde 3837. avant J.C. du fes v violences que fur les biens & fur les corps, elles 167. auroient été plus fuportables. Mais il voulut paffer jufqu'aux confciences, & forcer tout le monde de renoncer à la loi de Dieu, & de violer fes cérémonies faintes pour embraffer le culte des faux Dieux. Il entreprit ce deffein impie avec tant de fureur, que deux femmes qui craignoient Dieu, ayant circoneis leurs enfans, on pendit leurs petits à leur cou, & on les précipita ainfi du haut des murailles. Le Temple n'étoit plus rempli que d'abominations qui régnoient jufques fur l'Autel, & il n'y avoit prefque plus de Juif qui osât confeffer qu'il étoit épouvantoit tous les cœurs. Dans cet affoîbliffement général Dieu fit voir un exemple de courage qui confondit la timidité des autres, Eleazar l'un des premiers de Jérufalem, qui étoit un vieillard très-vénérable, fut follicité de manger contre la loi de la chair de pourceau qu'on lui préfentoit. Mais préférant, dit l'Ecriture, une mort glorieufe à une vie infâme, il alla de lui-même au 'fupplice qui lui étoit préparé. Ceux qui étoient auprès de lui, furent touchés de

Juif: tant la cruauté des fupplice

l'extré

nes,

l'extrémité ou ils le voyoient; & l'aimant d'une amitié toute humaine, ils le prièrent de s'aider lui-même en cette rencontre, & d'agréer qu'on fit venir de la chair qu'il pouvoit manger, afin qu'on crût qu'il avoit fatisfait aux ordres du Roi, & que cette feinte lui fauvât la vie. Mais Eléazar fe fouvenant de fa vieilleffe & de l'intégrité de toute fa vie depuis fon enfance, répondit ainfi à fes amis lâches: J'aime mieux mourir que de faire ce que vous me confeillez. Tout déguisement eft indigne de mon âge. A Dieu ne plaife que je donne aux jeunes gens par cette feinte un fujet de croire qu'Eleazar âgé de près de cent ans, eût embraffé les cérémonies païen& qu'ils fe trouvaffent ainfi malheureufement trompés par cet artifice dont j'aurois tâché de me couvrir. Je n'ai point tant d'amour pour le peu qui me refte de cette miférable vie; & je n'ai garde de déshonorer ma vieilleffe par une tache fi honteufe. Quand je me fauverois par cette diffimulation de la main des hommes, je ne pourois me fouftraire à celle de Dieu J'aime done mieux mourir courageufement, fans rien faire qui puiffe ternir la gloire de ma vieilleffe, & laiffer ainfi aux jeunes gens un exemple de fermeté, qui leur apprenne à préférer la loi de Dieu à leur propre vie. Cette réponse si fainte irrita la fauffe miféricorde de ceux qui lui avoient donné ce mauvais confeil; & attribuant fon amour pour la fincérité & fa conftance à un orgueil opiniâtre, ils l'affommèrent de coups. Ce faint homme eft devenu un exemple illuftre que les Martirs ont depuis imité, & qui nous apprend jusqu'où l'on doit éviter, comme dit faint Paul tout ce qui peut fcandalifer les foîbles, de quelle maniè re on doit rendre gloire à Dieu par une confeffion fincère de la vérité, aux dépens même de fa réputation & de fx vie.

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Martire

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