Imagens das páginas
PDF
ePub

fit pas davantage afin de ne les pas rendre plus criminels. Il s'en alla donc de-là; & lorfqu'il quittoit Nazareth, on vint lui donner avis de la mort de faint Jean-Batifte qui arriva de cette forte. Le démon ayant déja porté Hérode à le faire mettre en prifon, parce qu'il lui repréfentoit l'inceste fcandaleux dans lequel il vivoit avec Hérodias, femme de fon frère,ne fe contenta pas de cette première violence,mais il porta ce Prince jufqu'à le faire mourir. Il fit rencontrer adroitement tout ce qui étoit néceffaire à ce deffein, & montra qu'il fait trèsbien ménager les occafions & difpofer toutes les circonftances néceffaires pour l'exécution de quelque méchanceté qu'il médite pour la ruine d'un homme de bien, Lejour natal du Roi Hérode étant arrivé, ce Prince fit un grand feftin à tous les Seigneurs de fa Cour, & la fille de l'inceftueufe Hérodias étant venue danfer au milieu de cette affemblée, elle plut de telle forte à Hérode, qu'il lui commanda fur-l'heure de lui demander ce qu'il lui plairoit,& lui promit de le lui donner quand ce feroit la moitié de fon royaume. Cette fille alla auffi-tôt trouver fa mère, pour s'inftruire de ce qu'elle devoit demander. Et cette femme préférant tout ce que fon avarice ou fon ambition euffent pu defirer en cette rencontre, la fatisfaction de la haine qu'elle avoit conçue contre St. Jean, dit à fa fille qu'elle ne demandat autre chofe au Roi que la tête de Jean-Batifte. Ce Prince fut fâché de cette demande, parce qu'il eftimoit faint Jean. Mais le démon étoufant l'eftime qu'il avoit pour ce Saint, & augmentant la complaifance qu'il avoit pour cette femme,fit qu'enfin il fe rendit,pour ne pas violer le ferment qu'il avoit fait. On coupa la tête à faint Jean dans la prifon, & on la donna dans un baffin à cette fille qui la porta à fa mère. C'est ainsi que mourut le plus grand des hommes; & c'est à quoi fe réduifit enfin la haute opinion qu'Hérode en avoit conçue, qui après avoir été l'admirateur de ce Saint, en devint enfin l'homicide. Ses premiers excès lui fervirent comme d'un paffage à un crime fi énorme; & une cruauté fi barbare fut la punition de fon incefte. Il femble bien-étrange, dit faint Grégoire, que des perfonnes infames aient eu un fi grand pouvoir fur un homme auffi admirable qu'étoit faint Jean. Mais fi la vie de faint Jean étoit précieufe aux yeux de Dieu, elle n'étoit rien aux fiens propres, peut dire que Dieu fecoudant fon humilité, & ayant égard au peu d'état qu'il en fefoit, la donna pour un danfe. Ainfi, ajoute ce faint Père, les ferviteurs de Dieu doivent apprendre à méprifer leur vie, & ils doivent foufrir de bon cœur qu'elle dépende on des foupçons, ou de la haine, cu de la médifance des méchans; parce que la facrifiant à Dieu, pour lequel feul ils vivent & non pour eux-mêmes, leur mort comme celle de faint Jean, fera toujours d'autant plus glorieufe de. vant Dieu & devant les Anges, qu'elle paroîtra plus honter fe aux yeux des hommes, Multi

[graphic]

& on

[merged small][graphic]
[ocr errors]

ESUS CHRIST ayant appris la mort de faint Jean, alla aufli-tôt dans le défert & y mena avec lui fes Difciples, pour apprendre à fon Eglife à chercher les retraites dans de e femblables rencontres. Cela fut d'au tant plus néceffaire que les grands miracles de JESUS. CHRIST commençoient déja à faire du bruit à la Cour, & qu'Hérode Antipas, fils de celui qui avoit fait mourir les innocens, étoit en peine de favoir qui pouvoit être un homme fi puiffant en œuvres & en paroles, jufqu'à croire que c'étoit peut-être faint Jean-Batifte qu'il avoit fait mourir, qui étoit reffufcité & qui fefoit toutes ces merveilles. Ce Prince s'abandonnoit ainfi à ces vaines imagina tions, & JESUS-CHRIST cependant étoit retiré. Il ne put empêcher néanmoins que le peuple ne le fuivit; & jufqu'à cinq mille hommes allèrent avec lui, étant continuellement attentifs à fa parole & à fes miracles. Ils perdirent même toute la penfée du manger, tant ils étoient appliqués à ce qu'ils entendoient & à ce qu'ils voyoient. Et trois jours s'étant déja paffés depuis qu'ils avoient quitté les villes pour fuivre JESUS-CHRIST dans la folitu de, le Sauveur fut touché de compaffion en voyant ces perfonnes, & il parla à fes difciples pour voir avec eux comment il leur donneroit à manger. Ils lui répondirent

que

L'An de l'Ere commune 22.

Troisième de

la Prédication de J. C.

que le lieu où ils étoient, étoit défert, éloigné des villes, & qu'ils n'avoient point d'autre provision avec eux que cinq pains d'orge & quelques petits poiffons. JESUS-CHRIST leur ordonna de faire affeoir ce peuple par diverfes bandes; & lorfque cela fut fait, il leva les yeux au ciel & bénit ces pains qu'il donna enfuite aux difciples afin de les préfenter au peuple. Ces pains fe multiplièrent entre les mains du Sauveur. Tout le monde mangea & fut raffafie, & JESUS-CHRIST Commanda à fes Apôtres de ramaffer tous les reftes avec un grand foin, dont on remplit douze corbeilles. Les faints Pères ont toujours regardé ces cinq mille hommes qui fuivirent alors JESUSCHRIST, comme la figure des Chrétiens qui quittent le monde au-moins de cœur pour fuivre JESUS-CHRIST dans le défert de cette vie. On voit dans toute leur conduite une excellente image de l'Eglife. Ils font attentifs à la parole du Sauveur, & n'attendent aucun foulagement fur la terre que de fa feule bonté. Ils ne paroiffent tous que comme un feul homme. Ils n'ont tous que les mê.. mes affections, les mêmes defirs & la même fin où ils tendent par les mêmes moyens. Ils perfévèrent dans ce defert, & ne s'ennuient point avec le Sauveur. Ils y perfiftent jufqu'à la défaillance & fans demander de la nouriture. Auffi JESUS CHRIST voyant leur grande fol, attend jufqu'au troisième jour à les nourir; & quoique fa charité fût fi grande, il ne voulut pas néanmoins le faire dès le premier. Il fit voir alors ce combat de piété qui fe trouve fouvent entre Dieu & fes élus, lorfque d'un côté Dieu ne veut pas encore les fecourir dans leurs maux, parce que fes momens ne font pas venus; & que de l'autre fes élus trouvant leur repos & leur joie dans l'accompliffement de fa

sy tiennent fermes fans defirer d'en fortir. L'o

dans toutes les autres rencontres eft l'effet de la foi; mais c'eft l'effet d'une foi encore petite, lorfqu'elle fe hâte avec trop d'empreffement de demander à Dieu qu'il la déli vre des maux. Il fuffit que Dieu compte lui-même les jours & tous les momens, lui qui nous affure qu'il a compté jufqu'au moindre cheveu de notre tête. On le doit laiffer agir; & le meilleur moyen alors d'obtenir fa miféricorde, eft de le s'abandonner entièrement à lui, & de demeurer en paix en l'état où il nous a mis, fans en vouloir fortir que dans le moment qu'il a marqué.

[graphic]

Saint Pierre marche fur l'eau. Math. 14.

[graphic]

Près que JESUS CHRIST eut fait le grand miracle de

le peuple prendre

le Sauveur & le faire Roi. Mais JESUS-CHRIST qui fe préfenta depuis lui-même fi volontairement à la mort, s'enfuit lorsqu'on voulut lui offrir cette dignité, pour ap apprendre à fes difciples à fuir la royale puiffance de l'Eglife quand les hommes la leur préfenteroient, afin de ne la re cevoir que de Dieu feul, comme JESUS CHRIST ne l'a voulu recevoir que de fon Père & non pas des hommes. Lorfque la nuit fut arrivée, il vint retrouver les difciples au lieu où cette multiplication s'étoit faite; & pour leur faire perdre l'idée de ce miracle qui pouvoit les avoir élevés, il les fit monter dans un vaiffeau & paffer la mer, afin que la tempête qui s'éleva auffi-tôt par fon ordre, les fit rentrer dans le fentiment de l'impuiffance où ils fe trouvoient en l'abfence de leur Maître, & que la connoiffance de leur propre foibleffe les confervât dans l'humilité, qui étoit comme le fondement fur lequel il vouloit élever cette vertu folide qui les devoit rendre les colonnes de l'Eglife. Il les laiffa donc pendant quelque tems au milieu des flots, & ils demeurèrent toute la nuit batus de la tempête, fans qu'il fe hâtât de les aller fecourir. Mais lorfque le jour approchoit, il alla vèrs eux en marchant deffus les eaux, & vint affez près

[ocr errors]

du

La même année 31.

Itout ce

du vaiffeau où ils étoient. Lorfqu'ils le virent marcher ainfi fur la mer comme fur la terre ferme, ils crurent voir un fantôme, & la crainte dont ils furent faifis leur fit jeter un grand cri. Mais JESUS CHRIST leur parla pour les raffurer, & leur dit feulement ces paroles: Ne craignez point, c'eft moi. Saint Pierre fut le premier de tous qui fentit l'efficace de cette parole divine; & ayant le cœur plein d'une confiance qui le mettoit au-deffus de la crainte du péril, il dit à JESUS-CHRIST: Si c'eft vous, Seigneur, commandez que j'aille à vous en marchant fur l'eau. JESUS-CHRIST lui dit qu'il vint le trouver. Saint Pierre fe jeta auffi-tôt dans la mer & marcha fur l'eau avec une hardieffe qu'on ne peut affez admirer, & qui marquoit dès lors que Dieu rendroit à l'avenir fon Eglife victorieufer de tout le monde, & qu'elle fouleroit aux piés e qui s'éleveroit contre elle. Mais lorsqu'il alloit ainfi pour fe joindre à JESUS-CHRIST, un grand vent qui furvint, l'étonna. La crainte le faifit, & fa foi s'affoibliffant, il commençoit à enfoncer. Alors il eut recours à celui qui lui avoit déja donné ce pouvoir: Sauvez-moi, Séigneur, lui dit-il. Et JESUS-CHRIST étendant fa main, le prit & lui dit en le foutenant: Homme de petite foi, pourquoi avez-vous douté? Et lorfqu'ils furent entrés dans le vaiffeau, le vent ceffa tout-d'un-coup, & ils fe trouvèrent au bord. Les faints Pères qui ont toujours regardé les actions & les paroles du Sauveur comme toutes pleines de miftères, ont admiré comment il permit que faint Pierre fût en danger d'être fubmergé, après même qu'il lui avoit com mandé de fa propre bouche de marcher fur l'eau. Il voulut, difent-ils, convaincre ce faint difciple par fa propre expérience, que c'eft lui feul qui fauve, de peur que fa hardieffe naturelle ne lui donnât de la vanité. Les craintes dans le fervice de Dieu font bonnes lorfqu'elles font módérées. Elles nous avertiffent de notre foibleffe, & elles nous perfuadent que fi nous réuffiffons, c'eft Dieu feul qui fait tout en nous. Il n'y a guère de fidèles dans l'Eglife pour qui Dieu ne faffe plus qu'il ne fit ici pour faint Pierre. Il y a d'autres abîmes & d'autres tempêtes dont il les a tirés & d'où il les tire encore à toute heure par fa feule grace: & ils ne peuvent manquer à la reconnoiffance qu'ils doivent avoir d'une fi fenfible protection, fans tomber dans un orgueil ingrat & infuportable,

[graphic]

"

۴۰

La

« AnteriorContinuar »