Imagens das páginas
PDF
ePub

d'Egypte, c'eft à dire, de la corruption du monde, & dont il les console & les foûtient dans le desert de cette vie, jufqu'à ce qu'ils entrent dans la veritable terre promife, comme les Juifs furent foûtenus de la manne jufqu'au moment qu'ils entrerent dans la terre de Chanaan. C'eft pourquoy les Chreftiens font obligez de ménager cette grace mieux que ne firent autrefois les Juifs, & d'éviter le dégouft pour cette nourritûre celefte, que les Juifs témoigerent pour la manne. Car de quelque admiration que les Juifs fuffent frappez en la recevant, ils s'y accoûtumerent bien-toft; & ils prefererent depuis à cette nourriture miraculeufe les poireaux & les oignons de l'Egypte. Cette injure qu'ils firent à la manne, eft l'image de celle que les Chreftiens font à JESUS-CHRIST dans fon facrement, lors qu'ils ofent s'approcher de cette nourriture facrée, fans s'éprouver eux-mefmes & fans difcerner, le corps du Seigneur, & que mé lant les viandes de l'Egypte avec le pain de JESU SCHRIST, ils tâchent d'allier ensemble la terre & le ciel.

[ocr errors]

L'eau du rocher. Exod. 17.

La meme an

[ocr errors]

Lfembloit que le peuple Juif ne devoit plus douter de la providence du Dieu qui le conduifoit, aprés nee un miracle auffi grand qu'eftoit celuy de la manne 2513. qui continuoit tous les jours, & qui luy donnoit de nouvelles affurances de la fidelité de celuy qui fe chargeoit de leur conduite. Mais un nouveau befoin qui feur arriva leur fit oublier des affiftances fi particulieres & les porta à murmurer contre Moyfe, entre les mains duquel ils avoient veu tant de fois toute la puiffance de Dieu. Car eftant venus en un lieu nommé Raphidim, ils n'y trouverent point d'eau, & la foif les preffant ils allerent trouver Moyfe avec un efprit feditieux, & luy demanderent pourquoy il les avoit tirez de l'Egypte. Le chef fi doux & fi tranquille d'un peuple fimutin & fi rebelle, n'eut point

d'autre

d'autre refuge que celuy mefme qui l'avoit establi dans cette charge; & lors qu'il luy reprefentoit cette extremité & les murmures de tout un peuple qui eftoit preft de le lapider, Dieu pour le confoler luy dit qu'il prift avec luy les anciens d'Ifraël avec la verge dont il avoit frappé le Nil lors qu'il changea fes eaux en fang, & qu'il allaft à la pierre d'Oreb où il luy promit de monftrer fa puiflance, & de faire fortir des eaux pour donner à boire à tout ce grand peuple. On vit l'effet de cette promeffe, & auffi-toft que Moyfe cut frappé cette pierre, qui felon S. Paul reprefentoit JESUS-CHRIST, des ruiffeaux d'eau coulerent dans une terre feche, & des fleuves fortirent de la dureté d'un rocher. Ce miracle figuroit les inondations de la grace de JESUS-CHRIST Crucifié. Car il eft la vraye pierre d'où font forties les eaux qui ont éteint la foif de fon peuple dans le defert de cette vie, & qui produit d'autres fources dans les ames, en tirant des cours les plus durs des larmes de penitence. Quelque temps aprés, lors que le peu

ple

R

ple eftoit en Cades où la fœur de Moyfe mourut & fut
enfevelie,le peuple s'emporta dans un femblable mur-
mure eftant preffé du mefme befoin; & le manque
d'eau luy fit oublier encore tout le refpect qu'il devoit
à Moyfe. Car en pouffant trop avant fes plaintes, il
s'emporta prefque jufqu'à le vouloir lapider avec Aa-
ron. Ils fe retirerent tous deux dans le Tabernacle pour
s'y profterner devant Dieu,& ils donnerent un exemple
admirable de la douceur des pafteurs envers leurs peu-
ples. Car eftant perfecutez fi injuftement par ces a-
mes endurcies, ils implorerent la mifericorde de Dieu
fur ceux-mefme dont ils furent obligez de fuïr la co-
lere. Ils aimerent ceux qui les haifoient, & ils prie-
rent pour ceux qui les vouloient perdre. Il y eut
neanmoins cecy de particulier dans ce fecond miracle
de l'eau que Moyfe tira du rocher en le frappant de la
verge, qu'il le frappa icy par deux fois comme en fe
défiant en quelque forte qu'il pûft fortir de l'eau d'u-
ne pierre. Dieu reprit fon ferviteur de ce manquement
de foy, & il luy dit que pour l'en punir il n'entreroit
point dans la terre qu'il avoit promis de donner à fon
peuple pour heritage. D'où faint Gregoire prend fu-
jet d'adorer les jugemens de Dieu, & de trembler en
voyant que celuy qui reconcilioit fi fouvent avec Dieu
un peuple fi ingrat, eft puni luy-mefme, & que Dieu
vange une fi legere défiance en celuy qui luy eftoit
fi fidelle en toutes choses.

Amalec défait. Exod. 17.

nce

2513.

Lors que le peuple eut efté animé de ce nouveau 1. me fecours de l'eau que Dieu leur fit couler de la du- me an reté d'une pierre, il fe trouva bientoft aprés dans le découragement en fe voyant preffé d'un ennemy qui luy déclara la guerre. Amalec fut le premier peuple qui ofa attaquer ceux que Dieu venoit de délivrer de l'Egypte avec tant d'éclat. Ces ennemis cruels remarquant que les Juifs eftoient fatiguez, & qu'outre les incommoditez de la faim & de la foif ils eftoient

melme

[ocr errors]

mefme fans armes, furent affez lâches pour vouloir opprimer des gens qui ne les avoient point offenfez, & qui en cet citat ne meritoient que d'attirer la mile ricorde de tout le monde. Ils armerent tout ce qu'ils avoient de chariots de guerre contre des perfonnes defarmées, & vinrent fondre tout d'un coup fur eux. Mais Moyfe qui mettoit toûjours fa force & fa confiance en Dieu, ne fe laiffa point effrayer du nombre & de l'appareil de cette armée. Il donna ordre à Jofué de choifir d'entre tout le peuple des gens de cœur, & il l'affura qu'il feroit le refte du haut de la montagne où il fe retireroit avec Aaron & avec Hur. Lors que le combat fe donna & que Jofué refiftoit courageufement à Amalec, Moyfe s'adreffa à Dieu en tenant fes mains étenduës, & formant ainfi la figure de la croix, qui devoit estre un jour fi falutaire & fi redoutable à nos ennemis. Il apprit au peuple Juif dans ce premier combat que comme la victoire dépend uniquement de Dieu, Dieu la donne auffi à ceux qui s'abaiffent fous fa main puiffante avec une

pro

profonde humilité. C'eft pourquoy ce faint homme ne ceffa point de tenir fes mains élevées vers le ciel, pour conjurer Dieu de donner un fuccés favorable aux armes de fon peuple : & lors que dans cet eftat il ne penfoit qu'au falut des Juifs; la laffitude & la pefanteur qu'il fentit dans les mains l'obligea de les abaiffer, parce qu'il ne les pouvoit plus foûtenir. Mais Aaron & Hur qui eftoient alors avec luy, remarquerent que lors que Moyfe ceffoit d'élever fes mains au ciel, Amalec eftoit victorieux, & que le peuple de Dieu cedoit à fes ennemis. C'eft pourquoy ils fe crûrent obligez de le faire affeoir fur une pierre & de luy foûtenir les mains; ce qui obtint enfin une heureufe défaite d'Amalec, de laquelle Dieu voulut qu'on luy dreffaft un monument eternel, & qu'on juraft de perfecuter eternellement Amalec lors qu'on feroit entré dans la terre qu'il avoit promise. Dieu voulut apprendre icy que c'eft principalement par l'invocation du nom de Dieu & de fon fecours que les hommes font victorieux de leurs ennemis, & que quelques efforts qu'ils faffent au dehors, ils font fuperflus s'ils ne font foûtenus en mefme temps par une priere continuelle. Mais les faints Peres ont crû que fi cette figure marquoit l'affection que chaque particulier doit avoir à la priere, elle oblige encore beaucoup plus les Patteurs d'apprendre icy de Moyfe à fe retirer fur la montagne pour y tenir fans ceffe les mains élevées au ciel, & mefme jufqu'à la défaillance. S'ils aiment leurs peuples, ils ne doivent pas leur refufer ce fecours, qui eft le plus important fervice qu'ils leur puiffent rendre. Ils peuvent fe décharger fur les autres du dehors; mais la priere eft leur partage, & par elle feule ils font plus que ne peuvent faire les autres. Car Jofué eftoit défait fi Moyfe n'euft prié. Amalec pouvoit bien refifter au x armes de tout un peuple; mais il ne pût refifter à la priere de Moyfe, & un homme feul abbattu de laffitude fe trouva plus fort que toute une armée.

[ocr errors]

Pre

« AnteriorContinuar »