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que l'audace de ces Anges altiers a efté aneantie. Mais les faints Peres ne s'arreftent pas feulement aux myfteres qui figuroient JESUS-CHRIST dans cette hiftoire. Ils déplorent encore le malheur par lequel ce Fort invincible eft enfin tombé fous la puiffance d'une femme. Il perd tous ces cheveux, c'est à dire toutes les vertus. On luy creve les yeux, c'est à dire, qu'on luy ofte toutes fes lumieres. On le condamine à tourner la meule, c'est à dire, à s'adonner comme une befte aux vains plaifirs de ce monde, où l'homme ne trouve que des peines, & où il demeure miferablement enchaifné par fa propre volonté. Un pecheur en cet eftat n'a plus d'autre remede que d'invoquer Dieu comme Samfon, afin que ces cheveux renaiffent; c'est à dire, que fes graces perduës reviennent. C'eft ce qui fait dire à faint Paulin, que c'eft la penitence qui redonne la force à l'ame, qui détruit en elle les colomnes de la maison du Demon, & qui renverie fes ennemis qui triomphoient d'elle, en la rendant victorieufe par fa propre ruïne, & la faifant mourir à elle-mefme pour ne plus vivre que pour Dieu.

Femme du Levite outragée. Juges 19.

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'Ecriture, dans les deux derniers chapitres du L'A Livre des Juges, rapporte une hiftoire qui eut de du M. grande fuites dans la Judée, & qui caufa la ruïne entiere d'une Tribu. Un Levite qui demeuroit au mont viron. Ephraïm, épousa une femme de la ville de Bethléem; Mais eftant furvenu quelque mécontentement entre eux, ils fe feparerent, & cette femme s'en retourna chez fes parens en Bethléem. Le Levite demeura ainfi pendant quatre mois, aprés lefquels fentant de l'affection pour la femme, qui l'avoit quitté, & voulant fe reconcilier avec elle, il alla en Bethleem retrouver fon beau-pere, & luy redemanda encore une fois fa fille. Son beau-pere le receut avec une extrême joye, & fa femme mefme ayant oublié tout ce qui s'eftoit paffé, luy témoigna toute forte d'affection. On le retint

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dans ce logis durant trois jours, & lors qu'il voulut s'en retourner, on ne taschoit qu'à retarder toûjours fon départ en le remettant d'un jour à l'autre. Mais eftant enfin partis, la nuit les furprit auprés de la ville de Gabaa, de la Tribu de Benjamin, & il fut contraint de s'y arrefter. Il demeura quelque temps au milieu de la place, fans que perfonne fe mift en peine de les recevoir. Mais enfin un bon vieillard du mesme pays que ce Levite, l'apperceut au retour de fon ouvrage de la campagne, & le pria de venir en fa maison, où il luy rendit tous les devoirs que l'hofpitalité pouvoit demander de luy. Aprés qu'ils eurent mange enfemble, lors qu'ils fe difpofoient à s'aller coucher, les gens de cette ville de Gabaa environnent la maison où eftoit cet hofte, & le demanderent à celuy qui le logeoit, afin d'exercer fur luy leur paffion deteftable. Ce bon vieillard cut horreur de cette violence: mais il ne peut s'empefcher de leur abandonner la femme de ce Levite. Ils la traiterent pendant toute la nuit avec tant d'outrages, que tout ce qu'elle put faire avant le jour

fut

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fut de revenir au logis où fon mary eftoit. Dés qu'elle y fut arrivée, elle tomba morte par terre, tenant fes mains étendues fur la porte, comme pour demander à fon mary la vengeance d'une fi horrible injure. Son mary fortit le matin, & la voyant immobile à la porte il crut d'abord qu'elle dormoit. Mais ayant reconnu la verité, la douleur dont il fut faifi luy fit prendre la refolution de couper cette femme morte en douze pars, & d'envoyer chacune de ces parts à chaque Tribu, pour les exhorter à tirer vengeance d'une

execrable méchanceté. Toutes les Tribus refolurent de punir un fi grand excés. Ils reconnurent qu'il ne s'eftoit jamais fait rien de femblable dans Ifrael, & ils protefterent qu'ils ne retourneroient point chez eux qu'ils n'euffent tiré vengeance d'un fi grand outrage. Saint Ambroife admire cette refolution, & ne peut affez louer ce zele faint de tout un peuple, qui n'eft point indifferent pour les grands defordres, & qui ne peut fouffrir qu'on viole la Loy de Dieu. L'outrage fait à un mariage, dit ce faint Pere, irrite tous les efprits; & une Tribu eftant coupable de ce crime toutes les autres s'affemblent pour l'exterminer, parce qu'elles craignoient qu'en demeurant infentibles dans cette conjoncture, elles ne femblaffent approuver ce qu'elles diffimuloient par une cruelle complaifance, & qu'elles n'attiraffent toutes fur elles la colere de Dieu qu'une feule Tribu avoit fi justement meritée. Ce faint Pere rougit de la corruption de fon fiecle, où il remarque qu'on fouffroit le violement de la fainteté des mariages, lors qu'il compare cette moleffe avec le zele fi loüable des Ifraëlites, qui ne cherchent point de vaines raifons pour excufer la Tribu de Benjamin, & qui la puniffent fi exemplairement afin d'arrefter plus puiffamment la licence des hommes; & il ne fçauroit affez déplorer le malheur des perfonnes qui ne font fenfibles qu'à ce qui les touche; & qui font infenfibles aux plus grandes profanations que l'on commet contre la Loy du Seigneur.

Punition des Benjamites. Juges 20.

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Ous les Ifraëlites eftant affemblez à Mafpha, & le Levite dont la femme avoit efté outragée leur ayant fait encore fes plaintes, ils marcherent contre les Auteurs de ce crime, pour punir un fi grand excés. Ils députerent d'abord vers les Benjamites pour fe plaindre d'eux, & ils leur demanderent ces perfonnes afin qu'ils les fiffent mourir. Mais les Benjamites s'en rendirent les protecteurs & s'affemblerent jufqu'au nombre de vingt-cinq mille. Avant que les Ifraëlites donnaffent la bataille, ils confulterent le Seigneur, qui témoigna l'approuver. Cependant au lieu de l'heureux fuccés qu'ils s'en promettoient ; il arriva au contraire que vingt-deux mille hommes d'entre eux, furent taillez en pieces par les Benjamites. Ils furent furpris de cette perte; mais ils ne perdirent pas neanmoins la refolution d'un combat nouveau, auquel ils

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fe preparerent par beaucoup de larmes. Ils confulterent encore une fois le Seigneur, qui leur dit qu'ils pouvoient marcher contre leurs freres : Mais les Benjamites défirent encore dix-huit mille Ifraëlites. Tout Ifraël eftonné que quatre cens mille hommes cedaffent à vingt-cinq mille dans une caufe fi jufte, eut recours à Dieu. Ils pleurerent, ils jeûnerent, & ils le confulterent pour la troifiéme fois, afin de fçavoir s'ils devoient encore marcher contre les Benjamites. Dieu non feulement le leur commanda: mais ils les affura de la victoire. Sur cette affurance ils allerent contre Gabaa, & mirent une embuscade auprés de la ville. Ce peuple comme enyvré de fes deux premieres victoires, fortant à fon ordinaire avec une furie qui s'augmentoit par la fuite feinte de ceux qui ne s'enfuyoient, qu'afin de faire mieux tomber les Benjamites dans le piege, ils y furent en effet enveloppez. Tous les vingt-cinq mille hommes de cette Tribu furent tuez, & leurs villes reduites en cendres. Il ne fe fauva de ce carnage que fix cens hommes qui fe retirerent dans le defert, & qui fervirent depuis à rétablir cette Tribu. Car les Ifraëlites aprés cette vic toire se trouverent faifis d'une profonde douleur pour la ruïne d'une de leurs douze Tribus. Et comme ils avoient protefté qu'ils ne leur donneroient point leurs filles, ayant exterminé ceux de Jabes Galaad, parce qu'ils n'eftoient pas venus avec eux à ce combat, ils n'en referverent que leurs filles viergés qu'ils donnérent aux fix cens Benjamites qui eftoient fauvez. Les faints Peres ont admiré la conduite de Dieu dans cette rencontre. Jamais guerre ne parut plus faintement entreprise que celle des Ifraëlites, & neanmoins ils font battus par deux differentes fois. Dieu vouloit faire voir, comme dit le Pape faint Greoire, combien doivent eftre purs ceux qui entreprennent de punir les fautes des autres, & combien il faut eftre exemt de péche foy-mefme pour ofer jetter la premiere pierre contre fes fieres. C'eft un zele bien faux, dit ce S. Pere, que d'avoir befoin d'eftre purifié de fes fautes, & de fe mefler neanmoins

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