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Environ i'a

du M.

de purger celles des autres. Dieu vouloit encore apprendre aux hommes, par ce grand exemple, qu'elle doit eftre leur charité envers leurs freres, & avec quel regret on devoit fe refoudre à éteindre une famille dans Ifraël. Quelques criminels que fuffent les Benjamites, & quelques endurcis qu'ils fuffent dans le peché, Dieu veut neanmoins qu'on gemiffe du funefte engagement où l'on fe trouve de les détruire. Les Juifs mefme aprés les avoir défait font touchez de repentir, & ne penfent qu'aux moyens de rétablir ce qu'ils avoient tâché de ruïner. Il feroit honteux, comme difent les faints Peres, que les Chreftiens cedaffent en ce point aux Juïfs, & qu'ils viffent avec plus d'indifference, non feulement un pays ou une maifon éteinte dans l'Eglife, mais une feule ame retranchée de leur focieté & de leur corps, puifque ce retranchement ne leur doit pas eftre moins fenfible que fi on leur coupoit un de leurs membres.

L

Ruth fuit Noëmi. Ruth 2.

'Hiftoire de Ruth eft fi confiderable; qu'il a plû à Dieu de la faire écrire au long dans un livre parti2708. culier. Au temps des Juges une grande famine eftant Avant arrivée en Ifraël, un homme de Bethleem nommé J.C. Elimelech, s'en alla avec fa femme & fes deux fils 1298. dans le pays de Moab pour y trouver dequoy vivre. Elimelech y eftant mort, Noëmi y demeura feule avec fes deux fils, qu'elle maria à deux filles de ce pays de Moab, dont l'une s'appelloit Ruth, qui en époufa le plus jeune. Dix ans aprés les deux fils de Noëmi moururent, & cette femme ce voyant fans mary & fans enfans, dit à fes deux belles filles, que Dieu avoit regardé dans fa mifericorde le pays de Juda, & qu'elle eftoit refoluë d'y retourner. C'est pourquoy elle les pria d'aller chez leurs parens, & de demeurer dans le pays de leur naiffance, pour y trouver d'autres maris qui fe confoleroient de leur veuvage. Ses deux belles filles ne pûrent fouffrir cette propofition, & elles pro

teste

tefterent qu'elles ne la quitteroient jamais. Noëmi leur reprefenta qu'elles ne pouvoient plus rien efperer d'elle, & elle leur témoigna que la peine qu'elles fouffriroient en fa compagnie, luy feroit plus fenfible que fa douleur propre. Orpha donc qui avoit époufé l'aîné de fes deux fils, luy dit les derniers adieux, & s'en retourna. Mais cette feparation ne fervit qu'à faire éclater devantage la grande foy de Ruth, & fon violent amour. Car elle ne voulut pas mefme penser à quitter fa belle-mere quelque inftance qu'elle luy en fift, & elle luy répondit avec fermeté ces paroles admirables: Ne m'obligez pas davantage à me feparer de vous; J'iray par tout où vous irez, & je demeureray dans les mefmes lieux que vous: Voftre peuple fera mon peuplé, & voftre Dieu fera mon Dieu Je mourray dans la terre où vous mourréz, & la mort feule me feparera de vous. Noëmi voyant cette grande fermeté qui marquoit le courage avec lequel l'Eglife devoit un jour fuivre JESUS-CHRIST dans fes perfecutions, permit à Ruth

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Ruth de venir avec elle à Bethléem, qui eftoit le lieu de fa naiffance. Elle y arriva durant la moiffon; & parce que la pauvreté les preffoit, Ruth pria Noemi d'agréer qu'elle allaft glaner dans quelque champ. Il fe trouva par hazard que le champ où elle eftoit venuë ramaffer quelques épics, eftoit celuy de Booz, qui eftoit parent d'Elimelech, le mary de Noëmi. Booz ayant fçeu qui eftoit cette jeune femme, & tous les moiflonneurs luy relevant avec de grandes louanges fon travail infatigable, il luy témoigna toute la bonte poffible, & la contraignit de manger avec fes filles. Il luy permit mefme de moiffonner fi elle vouloit, & il donna ordre aux moiffonneurs de laiffer tomber à deffein plufieurs épics afin qu'elle les ramaffaft. Cette bonté de Booza efté confiderée des faints Peres comme la figure de la mifericorde avec laquelle J. G. a receu l'Eglife. Il n'a point dédaigné fa baffeffe. Sa pauvreté prefente ni fon idolatrie paffée ne la luy oat point fait regarder avec un ceil de mépris. Cette fainte femme apprend aux ames Chreftiennes à renoncer pour jamais, comme elle, à la maifon de leurs parens, & à la terre de leur naiffance, qui eft la vanité & la corruption du monde, pour entrer par la fainteté de leur vie dans un monde faint, & dans le peuple de JESUS-CHRIS T. Elles ne perdront rien dans cet heureux renoncement, & elles trouveront dans la charité du Sauveur, mille fois plus qu'elles ne pouvoient efperer de l'apparence trompeufe des faux biens du monde. La pauvreté de Noëmi, à laquelle Ruth demeura toûjours attachée, luy fut plus avantageufe, mefme temporellement, que toutes les richeffes des Moabites: Et ceux qui fe tiennent liez icy par un amour ferme & genereux à l'Eglife, lors qu'elle paroift comme une veuve abandonnée fur la terre, verront enfin leur pauvreté recompenfée de tous les trefors du ciel.

Booz

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Booz, épouse Ruth. Ruth. 3.

Qëmi eftant avertie de la bonté de Booz envers LemefRuth, penfa à pouffer plus avant ces premieres e angraces qu'il luy avoit faites, & dit à fa belle fille 1708. qu'elle vouloit luy procurer un repos ftable pour le refte de fes jours. Elle luy declara que Booz eftoit fon parent; & que comme il devoit coucher dans le champ qu'il moiffonnoit, elle luy confeilloit de l'y aller trouver la nuit, lors que perfonne ne la pourroit reconnoître, & de fe tenir aux pieds du lit de Booz, qui ne manqueroit pas de luy dire tout ce qu'elle auroit à faire. Ruth fit par le commandement de Noëmi ce qu'elle n'auroit jamais ofé faire d'ellemefme, & s'eftant avancée dans le filence des tenebres aux pieds du lit de Booz, cet homme épouvanté, demanda qui elle eftoit. Ruth luy reprefenta que commeil eftoit fon proche parent, elle avoit droit felon

la Loy de l'époufer. Booz qui avoit alors plus de cent ans, luy témoigna de l'eftime de ce qu'elle n'imitoit pas les filles de fon âge, qui ne fuivoient que les emportemens d'un amour aveugle, & qui preferoient inconfiderément les jeunes gens à des maris fages. Mais il luy dit qu'avant qu'elle puft legitimement l'époufer, il faloit qu'un autre parent plus proche déclaraft qu'il ne la vouloit point pour femme. Le lendemain Booz s'eftant venu mettre avec les autres Senateurs, à la porte de la ville où les jugemens s'exerçoient felon la coûtume de ce temps-là, & ayant veu ce parent paffer par la porte de la ville, il luy dit en prefence des plus confiderables de ce lieu, que Noëmi vouloit vendre quelque terre, qu'il pouvoit voir s'il la vouloit, afin qu'à fon refus il pûft l'acheter luy-mefme. Ce parent dit qu'il l'achteroit. Mais Booz luy répondit qu'il luy faudroit auffi en mêmetemps époufer Ruth. Ce parent furpris de cette propofition aima mieux ceder fon droit à Booz, qui prit les Senateurs & tout le peuple à temoin qu'il pouvoit époufer Ruth, à laquelle ceux qui eftoient prefens fouhaiterent toute forte de bonheur. Ils prierent Dieu que cette jeune femme, qui entroit dans la famille de Booz, fuft auffi heureufe que Rachel & que Lia, & que fon nom fuft celebre dans la fucceffion de tous les âges. Ce fut ainfi que fe fit ce mariage que Dieu benit bien-toft aprés par la naiffance d'Obed qui fut le pere d'Ifai & l'ayeul du Roy David. Tout le pais felicita Noemi de fon bonheur. Elle rendit au petit Obed tous les foins d'une mere & d'une nourrice, & on l'estima plus heureufe d'avoir la feule Ruth pour belle fille, que fi elle euft eu beaucoup d'enfans. Dieu voulut nous apprendre dans cette admirable femme, comme remarque S. Ambroife, qu'il ne confidere dans les hommes, ny leur race, ny la fainteté de leurs peres, mais leur vertu feule & la difpofition de leur cœur. Une fille Moabite née de parens idolatres merite neanmoins par la fainteté de fes mœurs le plus grand honneur qu'on pû recevoir alors fur la terre, qui eftoit d'entrer dans la genealogie du Sau

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