que le malin efprit jettoit Saul dans la fureur, David le chaffoit aufli-toft en joüant de la harpe, & délivroit le Roy d'un tourment qui lui eftoit infupportable. Les fains Peres difent que c'est une admirable figure de la maniere dont les vrais Pasteurs de l'Eglife reprefentez par David, doivent par la douceur de leurs paroles & de leurs fages difcours rendre le calme aux ames agitées par la violence de leurs paflions. Saint Gregoire remarque que David eut befoin luy-mefme enfuite, que Nathan fist à son égard en le délivrant de la tyrannie du Demon & du peché par fes fages remontrances, ce que David n'avoit fait qu'en figure à l'égard de Saul, en luy donnant un foulagement court & paffager par l'harmonie de fa harpe, qui n'empefcha pas que ce Prince malheureux n'effayaft de luy ofter la vie. Les Cantiques de ce faint Roy font plus efficaces maintenant fur les ames bien difpofees, puis qu'ainfi que remarque faint Augustin, rien n'cit fi puiffant que les Pleaumes de ce Prophete, & cette harmonie divine des veritez qu'ils renferment, pour éloi gner du cœur l'efprit d'orgueil, & pour y attirer les graces du ciel.

S

Goliath. 1. Rois 17.

2941.

1052.

Aul faifant la guerre aux Philiftins, & les armees ran eftant campées affez prés l'une de l'autre, Goliath, du M. Philiftin, d'une grandeur de corps qui eftoit mon- Avant ftrucufe, mais d'un orgueil encore plus grand, vint J. C. durant quarante jours infulter aux Ifraelites, & leur David dit qu'il eftoit inutile que tant de monde combattist ayant enfemble. Qu'il faloit terminer ces differends par un quel duel, Qu'ainfi le plus hardy des Juifs n'avoit qu'à 23. ans. venir, pour combattre contre luy. Il accompagnoit ce defy de tant de mépris, que tout Ifraël ne pouvoit fouffrir cette infulte. Mais la crainte de ce Geant, la grandeur de fon corps, jointe à l'appareil effroyable de fes armes, faifoit trembler les plus hardis. En ce

K 4

meline

ques

mefme temps Ifaï envoya fon fils David vers trois de fes freres qui eftoient à la guerre pour leur porter des vivres. Lors qu'il fut au camp, il vit ce Philiftin audacieux, & fe fentant animé du zele de la gloire de Dieu, il demanda qui estoit cet homme, & ce qu'on donneroit à celuy qui le tueroit. On luy répondit que Saül avoit promis fa fille & de grands biens à celuy qui déferoit cet ennemy, Mais fes freres l'entendant parler de la forte luy reprocherent fa vanité, & le renvoyerent avec mépris à la garde de fes brebis, qu'il n'avoit quittées, difoient-ils, que par un defir préfomptueux de voir le combat. David qui fentoit dans luy bien d'autres mouvemens que ceux que produit une vanité humaine, & brûlant du zele de Dieu, dit affez clairement parmy les foldats, que ce feroit luy qui iroit contre cet homme, & qu'il ne le craignoit point. On l'écoute, on l'interroge, on le méne à Saul, qui comparant fa petiteffe avec la grandeur de Goliath, vit trop d'inégalité dans ce combat, & ne l'euft jamais permis fi David luy-mesme

ne

e

ne l'euft perfuadé de le laiffer faire, en luy difant qu'il cftoit accoûtumé en gardant fes troupeaux à fe battre contre les ours & contre les lions, aprés lefquels il courroit pour leur arracher d'entre les dents ce qu'ils luy avoient emporté de fon troupeau. Saul donc fe rendit, & dorna à David fes propres armes & fon épée. Mais David ayant affayé de marcher dans cet équipage, il ne le pût faire librement. C'est pourquoy quittant tout cet appareil, il eut recours à fes armes ordinaires, c'est-à-dire à un bafton & à une fronde. Goliath le voyant approcher fe mocqua de luy. Me prens-tu pour un chien, luy dit-il, pour venir ainfi à moy avec un bafton? Il le meneça d'expofer fon corps mort aux oifeaux du ciel & aux beftes de la terre, & il courut à luy pour le percer de fa lance, David de fon cofté courut au devant de Goliath, & d'un coup de fronde il luy enfonça une pierre dans le front. Ce coup ayant renversé le Philiftin par terre, David fejetta fur luy, luy coupa la tefte de fa propre épée, & repandit par cette mort la terreur dans tous les Philiftins & la joye dans tout Ilraël. Cette victoire eftoit une figure admirable de la victoire de JESUS-CHRIST humble fur l'audace de l'Ange fuperbe. Mais les faints Peres ont de plusregardé ce Philiftin comme l'image de l'orgueil, qui eft l'ennemi le plus à craindre au peuple de Dieu, & à ceux mefmes qui ont terraffé les ours & les lions, c'eft-à-dire les monftres des plus grands pechez; & ces Saints ont remarqué qu'on ne peut vaincre cet ennemy par des armes humaines, comme David ne voulut point combattre Goliath avec les armes de Saul, mais avec le bafton qui figuroit la croix de JESUS-CHRIST, & avec la pierre qui marquoit la fermeté & la toute-puiffance de fa grace.

Triomphe de David. 1. Rois 17.

La mef

me année

L

A furprife & la joye de tous les Juifs à la défaite de Goliath par David, fut telle qu'ils ne pou1942. voient affez admirer ny le peril dont ils fe voyoient délivrez si heureufement, ny le courage de celuy qui les en avoit fauvez. Le Roy Saul commenca à s'informer plus particulierement qui eftoit David. II voulut fçavoir de quelle maifon il eftoit, & comment fenommoit fon pere. Jonathas fils de Saul qui avoit luy-mefme fait de fi grandes actions contre les Philiftins, bien-loin de porter une baffe envie à un inconnu, qui effaçoit neanmoins par une feule victoire tout ce qu'il avoit fait jufques-là de plus glorieux dans les armes, conceut au-contraire pour David une affection prodigieufe, qui ne fit des deux qu'une ame & qu'un cœur. Il jura avec luy une amitié éternelle. Il se défit de tous fes ornemens & de

tou

toutes fes armes, & en revestit David. Mais l'admiration que tout le peuple conceut de cette action, paffa plus avant. Car lors que David eut tué Goliath, & qu'il portoit fa tefte à la main, les femmes de la Judée allerent en foule au devant de luy, pour honorer fon triomphe par toutes fortes d'inftrumens de mufique, & figurer ainfi par leurs transports de joye & par leurs applaudiffemens les louanges que toutes les Eglifes du monde, figurées alors par ces femmes de la Judée, devoient rendre un jour à JESUSCHRIST, pour honorer la victoire qu'il auroit remportée fur le Demon. Mais ce triomphe qui eftoit une jufte reconnoiffance du falut que tout le peuple Juif venoit de recevoir de David, feroit devenu le commencement de fes maux & prefque de fa perte, s'il ne l'euft prévenue par fa prudence. Car les femmes chantant dans leurs acclamations & fur leurs inftrumens de mufique, que Saul avoit tué mille Phillitins, mais que David en avoit tué dix mille; ce Prince orgueilleux ne pouvant fouffrir cet avantage qu'on donnoit à David au-deffus de luy, fut piqué de jaloufie contre David, & au-lieu d'imiter la generofité de fon fils Jonathas, il fe laiffa déchirer d'une cruelle envie, qui luy fit regarder toûjours depuis avec horreur celuy qu'il avoit confideré ju ques-là, comme la perfonne de tout fon reyaume qui meritoit le plus fon affection, & à qui il eftoit prefque redevable de fa couronne. Il fe plaignit hautement que fon peuple luy attribuant la gloire d'avoir défait mille ennemis en donnoit dix mille à David; & le chagrin qu'il en conceut toûjours depuis jufqu'à fa mort, apprend à tout le monde; & principalement à ceux qui ont quelque autorité dans l'Eglife, comme dit faint Chryfoftome, que rien n'est plus à craindre que l'envie, quoy qu'une malheureuse experience ne faffe que trop voir tous les jours, comme dit ce faint Pere; qu'il n'y a point de mal qui foit plus ordinaire & dans les Royaumes de la terre & dans celuy de JESUS-CHRIST melme. Plus ceux aufquels on porte envie font des

K 6

actions