Imagens das páginas
PDF
ePub

fiecles. Il benit enfuite Abraham, & rendit graces à Dieu de ce qu'il luy avoit livré fes ennemis entre les mains. Et comme il ne fembloit plus rien manquer à la gloire d'Abraham, le Roy de Sodome voulut le forcer avant que de s'en retourner de prendre tout le butin qu'on avoit remporté des ennemis comme luy eftant legitimement dû. Mais Abraham le refufa genereufement, & jura qu'il ne prendroit pas un filet de toutes les dépouilles, de peur que quelqu'un fur la terre ne pûft fe vanter d'avoir enrichi Abraham. Ainfi il devint plus glorieux, comme remarque faint Ambroife, par l'ufage qu'il fit de fa victoire, que par fa victoire mefme; & il apprit à tous les Chreftiens qu'ils ne doivent combattre que pour la feule charité; qu'ils doivent eftre affez touchez des maux qui arrivent aux autres, pour expofer leur vie afin de fauver celle de leurs freres; & qu'aprés que Dieu les a fait réüffir dans les plus grandes actions, en fe fervant d'eux pour tirer les autres de l'oppreffion, ils n'en doivent pretendre aucune autre recompenfe fur la terre, que la gloire d'avoir efté fidelles à Dieu, & d'avoir fervi d'inftrument à fes deffeins eternels.

Fuite d'Agar. Genef. 16.

Braham eftant revenu de la défaite des quatre La mê

A Rois, & ayant rendu à Lot fa premiere liberté, me ane

nee,

jouiffoit dans fa famille d'un bonheur auquel il ne manquoit rien que des enfans qui pûffent eftre les heritiers de fes grands biens. Mais Dieu voulut encore en ce point combler fes defirs, & recompenfer l'humble foûmiffion qu'il avoit témoignée dans la fterilité de fa femme, par un fils qu'il luy promit contre toute forte d'apparence. Abraham fçachant quelle eftoit la puiffance de celuy qui luy faifoit cette promeffe, la crut fans hefiter, & aima mieux renoncer à toute fa raifon naturelle que de douter de la parole 093 de celuy qui luy parloit. Quelque temps apres, Sara Avant qui s'ennuyoit de voir Abraham fans enfans, le pria.

de

P'An

du M.

de prendre Agar fon efclave comme fa femme, afin qu'elle confolaft fa fterilité par la fecondité de fa fervante. Abraham comprit, comme remarquent les faints Peres, que Sara avoit efté pouffée à cette propofition par un inftinct tout particulier de Dieu, & confentit à fes defirs. Mais elle trouva par experience que ce qu'elle avoit fait pour fa confolation, luy devint au contraire un nouveau fujet de peine. Car Agar s'eftant veuë ainfi honorée de fon maistre, & eftant ravie de joye d'avoir conceu d'Abraham, méprifa Sara comme eftant fterile, & ne fe fouvint plus de la regarder comme fa maiftreffe. Sara en fit auffi-toft fes plaintes à Abraham, qui pour luy témoigner qu'il ne contribuoit rien à l'infolence d'Agar, & que ce n'eftoit uniquement qu'à fa priere qu'il en avoit ufé comme de fa femme, la luy abandonna absolument, & luy permit de la traiter comme elle le jugeroit à propos. Sara donc ufa de toute fon autorité, & chaf tia Agar d'une maniere fi fenfible, que ne pouvant plus fouffrir des traitemens qui luy paroiffoient trop rigoureux, elle fortit de la maison & s'enfuit. Mais

lors

!

lors qu'elle eftoit dans le defert auprés d'une fontaine, l'Ange du Seigneur s'apparut à elle, & luy demanda d'où elle venoit & où elle alloit. Elle luy répondit fincerement qu'elle fuyoit la colere de fa maiftreffe. L'Ange luy commanda de retourner chez Sara, & de s'humilier en fa prefense en reconnoiffant la jufte autorité qu'elle avoit fur elle. C'est ainsi que Dieu fe fervit utilement du ministere d'un Ange pour remettre les choses dans leur eftat naturel, d'où le defordre & la paffion les avoit oftées.. Il vit, comme remarquent les Saints Peres, que la caufe de la fuite d'Agar venoit moins de la feverité de Sara, que de la peine qu'Agar avoit de fe foûmettre à la jufte autorité de fa maiftreffe; & fans rien condamner dans la conduite de Sara qui ufoit de cette rigueur par un zele de charité, il fe contenta d'avertir cette fervante fugitive de s'humilier devant elle & de la fléchir par fes foûmiffions & fes déferances. Car Dieu qui ne trouble jamais l'ordre de la juftice, affujettit toûjours ceux qui font foumis aux perfonnes dont ils dépendent,nonobftant les graces extraordinaires qu'ils peuvent avoir reccues de luy: Et au lieu qu'Agar s'elevoit de ce qu'elle eftoit devenue mere, il veut au contraire que noftre humilité croiffe d'autant plus que nous fommes élevez en grandeur, parce que nul n'eft grand devant luy qu'à proportion qu'il eft humble.

Sara conçoit Ifaac. Genef. 18.

2107.

Avant

A Gar eftant rentrée dans le logis d'Abraham, luy L'A
donna bien-toft aprés un fils qui fut nommé If du M.
maël. Mais treize ans aprés Dieu apparut à Abraham
pour faire avec luy une plus étroite alliance, & pour J. C
luy renouveller toutes les promeffes qu'il luy avoit 1897
déja faites. Il changea fon nom: & au lieu que juf-
qu'alors il avoit efte nommé Abram, il voulut qu'en-
fuite il fe nommaft Abraham, & que fa femme qui
jufques-là avoit esté appellée Sarai, s'appellaft à l'a-

venir

ans.

&

venir Sara. Il luy ordonna la circoncision comme une marque de l'alliance qu'ils faifoient entre eux, luy promit que Sara auroit un fils qu'il combleroit de toutes fes benedictions & duquel fortiroient plufieurs Rois & plufieurs peuples. Abraham à cette parole fe jetta le vifage en terre & se mit à rire, difant dans fon cœur: Un homme de cent ans pourra-t-il avoir un fils, & Sara âgée de quatre-vingt dix ans pourra-t-elle encore enfanter? Mais Dieu l'affura que cela feroit & le quitta de la forte. Peu de temps aprés lors qu'Abraham eftoit affis durant la chaleur du jour à l'entrée de fa tente, il vit trois perfonnes affez prés de luy, qui eftoient trois Anges: & comme fa charité ne laiffoit paffer perfonne fans luy offrir l'hofpitalité, il alla au devant d'eux, les falüa avec un profond refpect, les pria de fe repofer & de luy permettre qu'il lavaft leurs pieds, & qu'en fuite il leur fervift à manger. Ayant obtenu cela d'eux par fes inftantes prieres, il courut promtement à fa tente, & dit à Sara qu'elle preparaft trois pains cuits fous la

cen

cendre. Il alla luy-mefme à fes troupeaux prendre un jeune veau fort gras & fort tendre qu'il fit cuire promtement & qu'il fervità fes hoftes. Aprés qu'ils eurent mangéils demanderent à Abraham, qui fe tenoit auprés d'eux fous l'arbre où ils mangeoient, où eftoit Sara fa femme. Abraham répondit qu'elle eftoit dans fatente, & les Anges l'affeurerent qu'en peu de temps lors qu'ils reviendroient Sara auroit conceu un fils. Sara entendit de fa tente ce que l'on difoit, & elle ne put s'empefcher de rire. Mais l'Ange ayant demandé Abraham pourquoy Sara rioit lors qu'on luy promettoit un fils, & s'il y avoit quelque chofe qui fuft difficile à Dieu, Sara eftant effrayée dit qu'elle n'avoit pas ry; & les Anges l'ayant reprise comme n'ayant pas dit la verité, s'en allerent, & Abraham les reconduifit. Les faints Peres admirent les vertus qui éclatent dans cette hiftoire que l'Ecriture fainte nous rapporte fien détail: Et comme ils ne peuvent affez louer d'un cofté la grande charité d'Abraham en recevant les hoftes, & les preffant fi obligeamment de s'arrefter chez luy; ils n'admirent pas moins de l'autre la grande modeftie de Sara, quieftant bien éloignée, comme dit faint Ambroife, de la vie des perfonnes de fon fexe qui ne cherchent qu'à fe produire en public fous prétexte d'exercér les œuvres de charité, demeuroit au contraire toûjours renfermée dans fa tente, fans paroiftre mefme devant les Anges que fon mary recevoit. Elle apprit deflors aux femmes chreftiennes que leur pente continuelle doit eftre le fecret de leur maifon & le foin de leur famille, comme ajoûte le mesme Pere; & c'eft en vivant dans cette modefte retede concenuë, qu'elles meriteront de Dieu la voir le fruit du falut, & d'enfanter JESUS-CHRIST mefme, comme le véritable Ifaac, qui les comblera pour jamais de paix & de joye.

grace

« AnteriorContinuar »