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bien Dieu eftoit offenfé contre fon peuple, & qu'il l'avoit abandonné à la puiffance de fes ennemis. Holopherne enyvré de fa paffion, crut aveuglément tout ce que cette femme luy difoit, & donna charge qu'on la traitaft parfaitement bien. Mais Judith luy déclara qu'elle ne pouvoit toucher à toutes ces viandes impures, & qu'elle s'eftoit fait apporter par fa fervante celles dont elle pouvoit manger. Et elle obferva ainfi exactement la Loy de Dieu, lors mefme qu'el le eftoit au milieu de fes ennemis.

Mort d'Holopherne. Judith 13,

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ce

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A paffion qu'Holopherne avoit pour Judith: s'augmentant toûjours, il voulut qu'elle vinft 3348. fouper avec luy, & qu'enfuite on les laiffaft feuls. Judith qui avoit fon deffein dans le coeur, & une ferme confiance en Dieu; alla fans rien craindre trouver Holopherne, qui crut luy rendre un grand honneur ea. s'eny vrant devant elle. Tous les Officiers s'eftant

retirez, & Judith fe voyant feule avec cet homme yvre, nepenfa plus qu'à executer fon deffein. Elle fe tint debout quelque temps, & pria Dieu en filence. Elle le conjura d'armer fon bras de force en cette rencontre, & eftant pleine d'un zele divin, elle s'approcha de la colomne du lit où pendoit le fabre d'Holopherne, le tira du foureau, & jettant les yeux au ciel d'où elle attendoit fa force, elle prit Holopherne par les cheveux & de deux coups luy coupa la tefte, la prit, l'envelopa dans fon pavillon enrichy de diamans qu'elle arracha des colomnes qui le foûtenoient, & la donna à fa fervante qu'elle avoit mife en fentinelle à la porte. Elles s'en allerent enfuite toutes deux au travers des gardes pour prier, felon. leur couftume, dans la campagne qui environnoit la ville. Judith eftant prés des portes cria qu'on les luy ouvrit. On la receut aux flambeaux, & toute la ville eftant venue au devant d'elle, elle fit faire un grand filence, les exhorta de rendre graces à Dieu, & leur montra cette tefte qu'e He portoit. Les yeux & les efprits furent furpris de cette tefte. Ils jetterent tous de grands cris de joye pour benir Dieu d'une victoire fi inefperée, & pour relever la gloire de cel le qui s'eftoit fi vifiblement expofée pour leur falut: Judith fit venir Achior & luy montra la tefte de celuy qui avoit fi fierement juré fa perte. Il tomba par terre à cette veuë, & eftant revenu à luy il fe jetta aux pieds de Judith, crut au Dieu qu'elle adoroit, & fe fit circoncire pour fe rendre Juif. Dés que le jour fut venu & que l'armée d'Holopherne eut fceu ce qui. s'eftoit paif, elle fut faifie d'une extrême peur, & les juifs fortirent en mefme temps de Bethulie, les poursuivirent vivement, & aprés en avoir tué un grand nombre, ils partagerent les riches dépouilles des Affyriens. Toute la ville de Jerufalem vint voir auffi celle dont Dieu s'eftoit fervy pour les délivrer de leurs ennemis. Ils honorerent cette victoire par ane réjouillance publique qui dura trois mois, & la confacrerent par une fefte éternelle. Judith depuis es jour devint grande dans Ifraël. Mais ayant offert E 7:

à Dieu

à Dieu les dépouilles d'Holopherne, elle fe renferma dans fon filence & dans fon fecret ordinaire, & ne parut plus qu'aux jours de feftes. Cette hiftoire est admirable dans toutes fes circonftances. Elle nous fait voir par un prodige qui furpaffe tout ce que les hommes ont jamais inventé dans leurs fables, que Dieu eft le protecteur de ceux qui le craignent, & que lors qu'on a une veritable confiance en luy on eft invincible. Une femme feule coupe la tefte du General de la plus redoutable armée qui fut dans le monde. Elle fauve feule fa ville affiegée, & toute la Judée qui eftoit menacée du mefme peril. Elle furprend ce Prince par fa beauté, le trompe par fa fageffe, & luy ofte la vie par fon courage. Elle eft dans l'execution de ces merveilles le bras de Dieu, & elle devient fon organe pour les publier dans un excellent Cantique qu'elle prononça, comme eftant la langue du faint Efprit. Mais on peut dire que ce qui a rendu Judith plus admirable, n'eft pas d'avoir vaincu Holopherne. C'et pluftoft de ne s'eftre point ou bliée elle-mefme, aprés des actions qui auroient pû faire douter fielle eftoit un Ange ou une femme, & d'avoir foulé aux pieds cette gloire que tant de prodiges luy avoient acquife, & ces louanges fi juftes dont elle a efté comblée toute fa vie.

Environ A

Humilité d'Efther. Efther 4.

Sfuerus Roy de Perfe ayant élevé Aman fon

M.3495 qu'à commander que tous fes fujets flechiffent le geAvant nou devant luy pour l'adorer, le feul Mardochée qui

J.C.

509.

eftoit Juif, & l'un de ceux qui avoient efté tranfportez de Judée en Babylone par le Roy Nebuchodonofor, plus de yo. ans auparavant, la premiere fois que fon armée vint inveftir Jerufalem, ne voulut point rendre à un homme un honneur qu'il croyoit ne devoir qu'à Dieu feul. Ce refus qui n'eftoit pas un refus d'orgueil comme le crut Aman, mais un effet

des

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337

de la pieté de Mardochée, attira non feulement fur
luy, mais encore fur tous les Juifs un cruel Arreft de
mort. Car ce Miniftre irrité ne fe contentant pas de
facrifier à fa colere le feul Mardochée dont il fe
croyoit offenfé, mais la faifant paffer fur tout le peu-
ple de Dieu, il le décria auprés du Roy comme un
peuple feditieux, qui ufant d'une religion particu-
liere brouilloit tout l'Estat. Ce Prince credule fans
rien examiner davantage crut cet impofteur, & luy
permit fur ce rapport de dreffer une declaration tel-
le qu'il luy plairoit, & d'ordonner qu'en tout fon
royaume en un jour qu'il marqua tous les Juifs fuf-
fent tuez, hommes & femmes, vieillards & enfans,
fans qu'on en épargnaft un feul. Efther niepce de
Mardochée, qui par une conduite toute particulie-
re de Dieu eftoit devenue femme d'Affuerus à la pla-
ce de Vafthi qu'il repudia, fentit vivement le mal-
heur de tout fon peuple quoy qu'elle n'y fuft pas -
comprife, parce que Mardochée dont elle fuivoit
les fages avis en toutes chofes, luy avoit toûjours
confeillé de celer qu'elle fuft Juive. Comme donc

elle

elle cherchoit quelque remede à un fi grand mal, Mardochée luy confeilla de s'aller prefenter devant le Roy, pour luy remontrer l'injuftice de cette declaration. Efther reprefenta d'abord à Mardochée que c'eftoit s'expofer visiblement à la mort, qui eftoit inévitable à ceux qui entroient chez le Roy fans y avoir efté appellez. Mais Mardochée luy répondit qu'elle ne cruft pas que dans cette perte commune des Juifs elle feule puft fauver fa vie, parce qu'elle eftoit dans le palais d'Affuerus. Que fi là crainte la tenoit dans le filence, Dieu trouveroit bien un autre moyen de délivrer fon peuple, & qu'elle & la maifon de fon pere periroit: Et que ce n'eftoit peut-eftre que pour cette occafion unique que Dieu l'avoit fait monter fur le thrône. Cette fainte femme aprés cet avis n'hefita plus, & refolut au moment mefme de fe facrifier pour tout fon peuple. Et s'eftant préparée par les larmes, par les prieres, & par les jeûnes, elle alla jufques dans la chambre du Roy, & parut en fa préfence. L'éclat qui environnoit fon throne, la magnificence de fes ornemens, mais plus que tout cela la fureur qui paroiffoit déja dans les yeux de ce Roy, fit qu'Efther tomba en défaillance. Et Dieu ayant changé en mefme-temps le cœur du Roy, il alla luy-mefme la relever. Et comme il la raffuroit avec tous fes Mini

Ares, dés que la parole luy fut revenue elle dit au Roy: J'ay cru, Seigneur, en vous voyant voir un Ange, & l'éclat qui vous environne a troublé mon cœur & m'a fait fécher de crainte Et eftant encore une fois tombée comme morte, le Roy tout hors de luy, de voir Efther en cet eftat la raffura, & luy demanda ce qu'elle defiroit de luy, & luy dit qu'il eftoit preft de luy donner jufqu'à la moitié de fon royaume. Efther luy demanda feulement qu'il luy fift la grace de venir le lendemain difner chez elle avce Aman. Et le Roy le luy promit.

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