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foûtenant devant Dieu qu'il ne le fervoit qu'à cause des avantages temporels qu'il en recevoit. Dieu pour confondre ce colomniateur, & pour le convaincre davantage de fon impofture, luy donna la puiffance de luy ravir tout fon bien. Le Demon ufa de ce pouvoir avec toute fa malignité; & pour mieux accabler ce faint homme par un grand nombre de maux, il fit en mefme temps piller fes troupeaux par des voleurs, perir fes brebis par le feu du ciel, emmener fes chameaux par les ennemis, & mourir tous fes enfans fous les ruines d'une maifon qu'il fit tomber pendant qu'ils eftoient à table. Job receut en mefme temps ces triftes nouvelles, fans que fa vertu en fuft ébranlée. Il fe profterna en terre, il benit Dieu, & il dit ces paroles qui depuis font devenues fi celebres: Dieu me l'a donné, Dieu me l'a ofté: Ce qui a plû au Seigneur a efté fait: Que fon faint Nom foit beni. L'innocence que ce faint homme conferva en cette rencontre qui ne fervit qu'à rendre fa vertu plus pure, plus ferme & plus éclatante, defefpera cet efprit de malice, qui fe voyoit confus par celuy qu'il avoit voulu confondre. C'eft pourquoy il demanda encore à Dieu le pouvoir de le frapper dans fa chair, parce qu'il ne peut rien contre les Saints qu'autant que Dieu le luy permet. Dieu luy accorda fa demande pour confondre encore plus fa malignité, & pour faire voit qu'il n'y avoit rien que de tres-fincere dans la vertu de fon ferviteur. Le Demon alors frappa Job d'un ulcere épouvantable qui luy couvroit tout le corps. Il fut reduit à s'affeoir fur un fumier ; & à racler avec le teft d'un pot de terre,la pourriture qui fortoit de fes playes, & les vers qui s'y formoient. Il ne luy reftoit alors de tout ce qu'il poffedoit autrefois dans le monde que fa femme feule; que le Demon luy avoit laiffée pour eftre, non la confolatrice, mais la tentatrice de fon mary, & pour le porter dans l'impatience. Car cette femme jugeant par ces malheurs que la pieté de ce faint homme eftoit vaine, tâcha de le jetter dans des paroles de blafphême & de desespoir. Mais Job refifta aux traits de fa langue envenimée,

nimée, & fe contenta pour la faire taire de luy dire cette parole: vous avez parlé comme une femme infenfée; puifque nous avons receu les biens de la main de Dieu, pourquoy n'en recevrions-nous pas auffi les maux? Il vit d'un œil éclairé ce que l'on doit craindre des perfonnes qui nous font les plus unies. Et faint Augustin admirant fa fermeté en cette rencontre, dit que Job n'ayant point fuccombé à cette Eve, eft devenu imcomparablement plus glorieux fur fon fumier, qu'Adam ne le fut autrefois dans toutes les delices du Paradis.

Amis de Job. Job 3.

J

Ob eftant reduit dans l'eftat qui a efté marque auparavant paroiffoit eftre dans le comble de l'afflition, s'il ne luy en fuft encore fervenu une nouvelle, qui bleffoit autant fon cœur, que les autres maux luy estoient fenfibles dans le corps. Trois de fes amis à qui l'Ecriture donne le nom de Rois, vinrent le

vifiter, pour luy témoigner la part qu'ils prenoient à fon malheur. Mais au lieu de recevoir d'eux quelque confolation folide, il eut befoin de fe défendre contre la fauffeté de leurs raifons, & l'injustice de leurs pensées, Tout ce qui reftoit à ce bienheureux homme dans une fi rude épreuve eftoit le témoignage de fa confcience & l'innocence de fa vie paffée. Et c'eft ce que ces amis indifcrets luy vouloient ofter, en foutenant qu'il faloit qu'il euft commis de grands crimes, puis que Dieu le chastioit si severement. Ils jugeoient de la conduite de Dieu furce faint homme avec un fens tout humain, & ils ne mefloient de graves difcours dans ce qu'ils difoient contre luy, que pour donner plus d'autorité à leurs médifances. Ce faint homme fouffrit ce dernier mal avec plus de peine qu'il n'avoit fouffert tous les autres; & quelque offert qu'il fift pour les faire entrer dans des fentimens de raifon & d'équité, ils montrerent par leur exemple combien il est dangereux aux hommes de fe laiffer prévenir de mauvaifes impreflions, & de concevoir d'abord des pensées peu favorables à l'innocence des Saints. Car fe laiffant aller aux apparences qui fembloient favorifer les préventions de leur efprit, ils crûrent toûjours que Job eftoit traité en coupable. Mais Dieu vengea enfin fon ferviteur de cette injure. Il fe mit en colere contre des amis fi injuftes. Il traita leurs fentimens de folie, & déclara qu'il ne leur pardonneroit leur faute que par les prieres de celuy-là mefme qu'ils vouloient faire paffer pour un criminel. Cet exemple, difent les Peres, doit apprendre à ne juger jamais mal des faints & des juftes dans ce monde, quelques maux qu'ils y fouffrent, & à n'eftimer pas auffi ceux qui eftant plus corrompus dans l'ame que Job ne l'eftoit fur fon fumier dans le corps, font dans l'abondance de toutes fortes de biens. Car la foy prend d'ordinaire tout le contraire des fens. Ceux qui paroiffent puiffans & juftes font fouvent pauvres & criminels aux yeux de Dieu; & ceux qui font méprifez comme pauvres & deshonorez comme coupables, en font fouvent d'au

tant

tant plus riches en graces & en vertus au jugement de celuy qui penetre le fond des cœurs. Dieu juftifia Job alors d'une maniere publique & éclatante en luy rendant encore plus de richeffes que le Demon ne luy en avoit ofté. Mais maintenant Dieu permet fouvent que fes plus fidelles ferviteurs demeurent accablez & deshonorez jufqu'à la fin de leur vie, parce qu'aprés l'exemple de JESUS-CHRIST & des Saints, ceux qui en veulent eftre les difciples & les imitateurs, ne doivent craindre de maux que ceux qui fouillent & qui bleffent l'ame, ni eftimer de recompenfes que celles qui font invifibles & éternelles.

Ifaie Prophete. Ifaïe 6.

L

com

mença à

E Prophete Ifaie, qui eft le premier dans l'ordre laie des Proqhetes, fe peut auffi appeller en toutes manieres le premier de tous. Sa naiffance royale, fon propheexcellente pieté, fon éloquence inimitable & toute tifer divine, fa penetration dans l'avenir l'ont rendu un Monde

i an du

hom- 3219.

J.C. 785. Et il

tifa du

rant

cent

ans.

Avant homme tout-à-fait extraordinaire. Il parle fi clairement de JESUS-CHRIST & de l'Eglife, qu'il a toûjours tres-juftement paffé pluftoft pour un Evanprophe- gelifte que pour un Prophete; & pour un hiftorien qui rapportoit ce qui eftoit déja arrivé, que pour un plus de homme qui prédifoit ce qui ne devoit s'accomplir qu'aprés tant de fiecles. Entre les autres vifions qu'il eut, celle-cy fut une des plus confiderables. Dieu luy parut dans fa majefté, & pour user du terme de faint Jean l'Evangelifte, il vit la gloire de Dieu qui eftoit affis fur un thrône élevé, environné de Cherubins, qui par des cris redoublez chantoient ce divin cantique que l'Eglife encore aujourd'huy chante à Dieu dans la celebration de fes myfteres. Ifaïe dans une veuë fi claire de la fainteté de Dieu entra dans une humiliation profonde, & témoigna qu'il avoit les levres trop impures pour annoncer aux hommes de fi grandes chofes. Lors qu'il fe plaignoit luy-mefme dans cette pensée, un des Cherubins qui environnoient le thrône de Dieu, prit avec les princettes un charbon ardent du feu qui eftoit fur l'Autel, & en vint toucher les lévres de ce faint Prophete pour le purifier de toutes fes taches. Aprés l'effet de ce feu divin, & l'affurance que l'Ange luy, donna que fes lévres eftoient pures, il s'offrit fans peine pour aller prefcher au peuple ce que Dieu luy ordonneroit de luy dire. Cé faint Prophete, comme difent les faints Peres, apprit aux Prédicateurs de l'Evangile quelle pureté ils doivent avoir avant que de s'engager dans un fi faint miniftere, & combien ils doivent prier Dieu, comme ils le font tous les jours à la Messe avant que de dire l'Evangile, qu'il envoye du ciel, non feulément un charbon de feu comme à ce faint Prophete; mais comme dit faint Bernard, un brafier tout entier pour les rendre auffi purs qu'ils le doivent eftre. Ifaïe, felon la tradition des Juifs & des faints Peres, mourut enfin dans la perfecution, le Rov Manaffé l'ayant fait fcier avec une fcie de bois, pour luy ofter la vie avec une douleur encore plus violente. Sa mort précieufe devant Dieu a efté marquée expref

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