preffement dans l'Epiftre aux Hebreux, où l'Apoftre Jeremie Prophete. Jerem. 38. a com mencé à l'an du E Prophete Jeremie eftoit un homme d'une ver- Jeremie tu admirable. Il fut fanctifié dés le ventre de fa mere, & il commença à prefcher des l'âgé de quinze prophe ans. Il eut plufieurs revelations fur le fujet des mal- tifer heurs qui devoient arriver aux Juifs; & il eft celuy Monde de tous les Prophetes qui les a reffentis & qui les a ex- 3375. primez, felon qu'il paroift dans fes Lamentations .C.629 en des termes plus pathetiques. Comme il en eftoit & il a fi vivemeut touché luy-mefme, il les prédifoit auffi prophe aux autres avec une force extraordinaire, & il ne fe rant 45. Q2 Avant tifè du laf- ans. Merem. 38. laffoit point de faire retentir par tout les paroles menaçantes que Dieu l'obligeoit de dire à fon peuple. Une liberté fi genereufe luy attira bien-toft la haine des hommes. Ils ne le regarderent plus que comme l'objet de leur averfions, & ils luy fufciterent des perfecutions toûjours nouvelles. Ce faint homme fouffrit avec un courage heroïque les outrages de fes ennemis. Il vit fans s'étonner leurs mauvais deffeins contre luy, leurs menaces, & les fupplices qu'ils luy préparoient; & bien loin d'en eftre plus timide dans fes prédications, il y fit au contraire paroiftre plus de feu qu'auparavant. Enfin les Princes ayant conjuré fa mort entre eux, s'addrefferent au Roy Sedecias qui aimoit ce Prophete, & luy demanderent le pouvoir de le jetter dans une cifterne fans eau, qui eftoit pleine de bouë. Ce Roy foible ne pût refifter à leurs demandes. Il abandonna un fi faint homme à la fureur de fes ennemis, qui le defcendirent au moment mefme dans cette foffe où il ne pouvoit vivre longtemps. Mais un Officier du Roy luy ayant representé avec beaucoup de zele l'injuftice que l'on, faifoit à Jere Jeremie, Sedecias l'envoya retirer de cette baffe foffe. & il le protega toûjours depuis contre la malignité des fes calomniateurs. Saint Jerôme admire qu'un homme feul & abandonné comme eftoit Jeremie, ait pû refifter à un Prince, à tous les Grands de fa Cour, & à tout un peuple; & il reconnoift en mefme temps qu'on ne doit pas attribuer un fi grand miracle à la foibleffe de l'homme, mais à la toute-puiffance de Dieu. Car nous voyons dés l'entrée du livre de ce Prophete, que Dieu luy promet de le rendre comme une colomne de fer & un mur d'airain; & que quelques efforts que tous les hommes ensemble puffent faire contre luy, il demeureroit toûjours ferme & inébranlable, parce que Dieu eftoit avec luy pour le foûtenir. C'eft là la fource de ce courage fi extraordinaire qui a paru dans les Saints. Ils n'ont point cedé à la violence, parce que leur force venoit d'enhaut. Et c'eft en ce fens que faint Cyprien à dit : Qu'un homme de Dieu, qui à Dieu dans le cœur, fa crainte devant les yeux, & fa verité dans la bouche, peut eftre tué, mais qu'il ne peut eftre vaincu. Baruch Prophete. Baruch 2. 600. Uelque confiderable que le Prophete Baruch Avant fuft par fa naiffance, il le fut encore plus par faJ.C. pieté, qui luy fit méprifer tous les avantages du ans. monde pour fe rendre le difciple du S. Prophete Jeremie, pour luy fervir de fecretaire, & pour eftre le compagnon de fes peines & de fes travaux. Il fut le fidelle interprete de toutes les volontez de ce Prophete qu'il avoit choifi pour fon maiftre; & lors qu'il eftoit en prifon, il porta fans rien craindre fes paroles les plus menaçantes devant les Princes & les grands Seigneurs, fans qu'il paroiffe jamais qu'il ait penfé à affoiblir en rien cette fermeté admirable qui fe voit dans toute la conduite & dans tous les écrits de Jeremie. Il luy rendit toutes les affiftances poffibles dans toutes les traverses qui luy arriverent, & dans les ren Q3 con contres differentes où il fut obligé de fe cacher pour éviter la fureur de la perfecution. Il eft vray que parmy tant de peines qui eftoient dans l'ancienne loy, l'image de celles que devoient fouffrir un jour les Miniftres de la loy nouvelle; la foibleffe humaine fut prefte de fuccomber, & que le faint homme Baruch fe laiffant trop abattre par les maux qu'il fouffroit, dit ces paroles de découragement, comme le rappote Jeremie Helas malheureux que je fuis! pourquoy Dieu m'envoye-t-il ainfi douleur fur douleur ? Je paffe toutes les années de ma vie dans les gemiffemens, & je n'ay jamais trouvé de repos. Mais Dieu releva fon courage par Jeremie mesme dont la compagnie luy attiroit ces perfecutions, & il luy dit dans Efprit de Dieu qu'il ne devoit pas fe plaindre ainfi de fes maux, puifqu'il voyoit l'eftat où tout le peuple eftoit reduit; qu'il n'eftoit pas jufte de chercher du repos pendant que toute fa nation eftoit acccablée de mifere; & qu'en quelque lieu qu'il fe trouveroit, Dieu feroit toûjours fa protection & fon falut. Aprés s'eftre tenu inviolablement attaché à Jeremie jufqu'à la la mort de ce bien-heureux Prophete, il encouragea aprés luy le peuple par fes inftructions, qui font non feulement pleines d'un zele divin, comme celles de Jeremie, mais encore d'une humilité profonde. Car voicy la maniere dont il parle à Dieu : Seigneur, exaucez nos prieres, & tirez-nous de captivité pour vous-mefme; afin que toute la terre fçache que vous eftes le Seigneur noftre Dieu. Seigneur, jettez les yeux fur nous du haut de vostre maison fainte; dai-、 gnez nous entendre, & exaucez-nous. Ouvrez vos yeux & confiderez; parce que les morts qui font dans le fepulchre, dont l'ame a efté arrachée des entrailles de leur corps ne rendront point l'honneur & la gloire au Seigneur: mais ce fera l'ame qui s'attrifte de la grandeur des maux qu'elle a faits, qui va toute courbée & accablée de langueur. Ce font les yeux languiffans, & ce fera l'ame preffée de la faim qui vous rendra gloire, ô Seigneur, & qui reverera voftre juftice. Ce faint Prophete aprés avoir reprefenté les diverfes playes dont Dieu avoit frappé fon peuple, ajoûte auffi-toft: La juftice eft au Seigneur noftre Dieu, & pour nous il ne nous refte que la confufion fur noftre vifage. Il apprend ainfi aux Chreftiens, qui font les difciples, non feulement des Prophetes, mais d'un Dieu crucifié; que ce n'eft rien de fouffrir conftamment, fi on ne fouffre humblement ; & que fi la patience eft la perfection de la charité, l'humilité eft la fanctification de la patience, & rend invincible cette vertu qui eft le soutien de toutes les autres. |