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ver de la terre. Mais le Prophete faisant une inftance particuliere pour fçavoir ce que c'eftoit que cette quatriéme befte, qui eftoit effroyable au delà de tout ce qu'on peut dire, on luy répondit: La quatriéme befte eft le quatriéme royaume qui dominera le monde, & qui fera plus grand que tous les autres royaumes. Il devorera la terre, il la foulera aux pieds & la reduira en poudre. Les dix cornes de ce royaume font les dix Rois qui y regneront. Il s'élevera un autre Roy aprés eux plus puiffant que tous les autres. Il parlera infolemment contre le Tres-haut. Il foulera aux pieds les Saints du Seigneur. Il s'imaginera qu'il pourra changer les temps & les loix ; & les juftes feront livrez entre fes mains jufqu'à un temps, & des temps, & la moitié d'un temps: c'est à dire, un an, deux ans, & la moitié d'un an ; qui font en tout trois ans & demy. La mefme expreffion eft encore dans l'Apocalypfe. Plufieurs entendent par ces quatre royaumes, les quatre Monarchies des Affyriens, des Perfes, des Grecs, & des Romains. Mais tous s'accordent que ce dernier Roy marque visiblement le royaume de l'Ante-Christ.

Q

Chafteté de Susanne. Daniel 13.

Uoy que cette hiftoire ne foit rapportée qu'à la fin de Daniel, elle eft neanmoins arrivée avant les précedentes. Car faint Ignace & Severe Sulpice difent que ce Prophete n'avoit alors que douze ans. Il femble mefme qu'elle ait précedé le fonge de Nabuchodonofor, puis qu'il eft dit qu'alors Daniel eftoit déja regardé comme plus fage que tous les devins; ce qu'il ne pouvoit avoir acquis que par quelque

grande action comme celle-cy. Susanne eftoit fille d'Elcias & femme de Joachim. Elle avoit efté parfaitement bien élevée dans fon enfance par fes parens, non felon la vanité du monde, mais felon la verité de la Loy de Dieu. Et c'eft à cette éducation que les faints Peres attribuent toute la vertu qu'elle

fit paroiftre enfuite. Lors qu'elle vivoit dans la re putation que fa chafteté luy avoit acquife, deux Vieillards qui auroient deu le plus contribuer à la conferver, furent les feuls qui eurent affez d'impudence pour entreprendre de la corrompre. L'Ecriture marque qu'ils alloient fouvent chez Joachim fon mary, où ils la voyoient, & cette femme ayant une chafteté égale à fa beauté, ils furent plus touchez de fa beauté pour tâcher de la corrompre, que de fa chafteté pour l'imiter. La pudeur étouffa affez long-temps leur paffion criminelle. Ils eftoient tous deux bleffez, & ils rougiffoient de s'entre-avoüer la playe honteufe qu'ils nourriffoient dans leur cœur. Mais enfin ils fe découvrirent l'un à l'autre leur penfée fecrette, & ils firent un déteftable deffein entre eux pour furprendre Sufanne lors qu'elle fe baignoit feule dans fon jardin. Car s'y eftant enfermez en fecret, ils prirent l'occafion que fes fuivantes eftoient allees querir les chofes dont elle fe devoit fervir dans le bain, & ils coururent à elle dans cet entre-temps. Ils luy découvrirent leur infame paffion, & la me

nace

nacerent fi elle refiftoit, de dépofer publiquement qu'ils avoient trouvé avec elle un jeune homme pour la corrompre. Sufanne ayant les larmes aux yeux & Dieu dans le cœur, leur répondit en ces termes: Je ne voy que maux de toutes parts, Car fi je fais ce que vous defirez, je fuis morte; & fi je ne le fais pas, je n'échaperay point de vos mains. Mais j'aime mieux tomber entre vos mains eftant innocente, que de commettre un peché devant Dieu qui me voit. La honte & le dépit d'eftre méprifez fucceda à la paffion de ces Vieillards. Ils s'écrierent auffi-toft; ils ouvrirent les portes du jardin, & dirent à tous ceux qui survinrent qu'ils avoient furpris Sufanne dans l'adultere; qu'ils avoient trouvé un jeune homme avec elle; qu'ils s'eftoient efforcez de le retenir, mais qu'eftant plus fort qu'eux il s'eftoit fauvé. Et ils commanderent que le lendemain on fift paroiftre Sufanne devant cux pour eftre jugée.

Sufanne délivrée. Dan. 13.

Oute la famille de Sufanne eftoit dans les pleurs

Tla voyant accufé d'un fi grand crime. La repu

tation de fa pureté eftoit grande; mais l'innocence de fa vie eftoit accablée par l'autorité de ces Juges. Ces deux Vieillards la voyant devant eux luy firent ofter fon voile de deffus le vifage, pour fatisfaire au moins en cette maniere leur paffion infame & cruelle, qui alloit fe vanger de fa chafteté en luy faifant perdre la vie. Sufanne cependant levoit les yeux vers le ciel, & efperoit en Dieu contre l'efperance mefme. Elle le prit publiquement à témoin de fon innocence & de la malignité de fes accufateurs, & elle protefta qu'elle mouroit fans eftre coupable du crime qu'on luy impofoit. Lorsqu'on la menoit au fupplice pour eftre lapidée, Dieu fufcita le jeune Daniel âgé feulement alors de douze ans, felon les Peres, qui s'écria au milieu du peuple; qu'il n'eftoit point coupable du fang de cette innocente qu'on alloit verfer. Quoy R

qu'il

qu'il fe vift feul dans un fi grand nombre, dit faint Bernard, il ne rougit point de s'opposer à cette fauffe accufation des vieillards, dont l'autorité avoit emporté tout le peuple; & il aima mieux eftre accufé devant les hommes de temerité & de prefomption, que de fe rendre coupable devant Dieu d'avoir thrahi la verité par fon filence, & d'avoir confenti à l'oppreffion de cette innocente calomnie. Dieu qui luy donna cette force la couronna d'une heureux fuccés. La fermeté & la refiftance d'un feul fit revenir tout un peuple. L'affaire fut examinée de nouveau. Celle qui avoit efté condamnée fut trouvée tres-innocente, & fes Juges ayant efté convaincus de leur impudicité & de leurs calomnies, fouffrirent tres-juftement la mefme peine qu'ils luy vouloient faire fouffrir. Su. fanne loua Dieu, dit faint Jerôme, non pour luy avoir fauvé la vie qu'elle euft perdue heureusement eftant innocente; mais de ce qu'il luy avoit donné allez de force pour ne point fuccomber à une fi grande tentation, & de ce qu'il avoit fignalé fa gloire dans une fi miraculeufe protection de fon innocence. Les

faints Peres ont admiré avec raifon la fermeté de cette femme. Elle eft la gloire de fon fexe, comme ces déteftables vieillards fe peuvent appeller la honte des hommes. Is eftoient Juges. Ils commandoient au peuple avec une grande autorité; & ils employent toute la confideration que leur âge & leur charge leur donne pour donner du poids à leurs perfuafions infames, & pour faire tomber cette ame fi pure dans le mefme abyfme où ils s'eftoient jettez volontairement. Cependant Sufanne ne s'étonna point dans un peril fi extrême. Elle voyoit les hommes d'un cofté & Dieu de l'autre. Du cofté des hommes il fembloit qu'elle mettoit fa vie & fon honneur à couvert en fe rendant par force à cette follicitation cruelle, qui à moins qu'elle ne cedaft à la violence la menaçoit de la faire perir honteufement dar une accufation qui paroiftroit convaincante quoy qu'elle fuft fauffe. Il luy pouvoit mefme venir dans l'efprit, que fon crime feroit en quelque forte excufable; puifque la feule neceffité l'arrachoit à cet amour incorruptible qu'elle confervoit dans fon ame pour la chafteté. Mais lors qu'elle confidera que Dieu eftoit le témoin & le juge de fon action, toutes ces fauffes lueurs s'évanouirent. Elle refolut de fauver fon honneur non en apparence, als en verité; & d'affurer fa vie, non celle qui eft fi courte, mais celle qui doit durer éternellement. Ainfi Dieu luy imprima dés lors dans le cœur cette difpofition qui a fait dire depuis aux premiers Chrétiens dans la naiffance & la perfecution de l'Eglife: Il n'y a point de neceffité de pecher pour ceux qui ne reconnoiffent qu'une feule neceffité, qui eft de ne point pecher.

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