quelque foin que JESUS-CHRIST ait pris d'inftruire fes Apoftres durant fa vie, en les rendant fpectateurs non feulement de fes actions publiques mais encore de fa vie fecrette & cachée, & en leur découvrant les myfteres & les paraboles qu'il difoit en public, ils n'ont rien dit neanmoins de JESUSCHRIST & de fes veritez faintes dont ils eftoient fi parfaitement informez, qu'aprés avoir efté renouvellez par le faint Efprit, & eftre devenus en quelque forte des hommes divins, comme les appelle faint Chryfoftome, pour tenir fur la terre la place de JESUS-CHRIST. Ce qui nous découvre une grande inftruction, qui eft que rien ne devroit eftre dit ny écrit de la verité Evangelique que par des hommes qui euffent efté remplis de l'Esprit de Dieu. Saint Marc a écrit fon Evangile la troisième année de Claude, c'est à dire le 43. de JESUS-CHRIST, & dix ans aprés fa mort.

De l'Evangelifte faint Luc.

l'an 56.

paffion.

Aint Luc eftoit d'Antioche qui eft la Metropole SLIC & de Syrie. Saint Paul nous apprend qu'il a efté Me-efcrit decin, felon qu'il l'appelle luy-mefme. Il n'a point de l'Ere efté du nombre des douze Apoftres, non plus que commu faint Marc, mais l'un de leurs difciples. Ainfi il n'a 25. ne de J. pas écrit ce qu'il avoit veu luy-mefine comme faint ans Matthieu & faint Jean, mais ce qu'il avoit appris prez f de ceux qui l'avoient veu, felon qu'il le témoigne à l'entrée de fon Evangile Car c'eft par un confeil de la Sageffe de Dieu, dit faint Auguftin, & par un ordre du faint Efprit, que des quatre Evangeliftes deux ayant efté Apoftres, les deux autres ne l'ont pas efté, afin qu'on ne crût pas que pour écrire l'Evangile il y euft quelque difference entre ceux qui ont veu les actions de JESUS-CHRIST de leurs propres yeux, & ceux qui les ont écrites fur le rapport fidelle de ceux qui les avoient veues. Dieu nous a voulu ainsi

T

faire

faire voir, que la certitude de l'hiftoire Evangelique ne vient feulement de ce que ceux qui l'ont pas faite, rapportent les chofes qu'ils ont veuës euxmefmes, ce qui fe trouve dans beaucoup d'hiftoires dont la certitude n'eft qu'humaine & morale: mais qu'elle eft fondée fur l'affiftance particuliere du faint Efprit qui a formé toutes les paroles des Evangeliftes: ce qui fe trouve également ou dans Saint Matthieu & faint Jean qui ont efté Apoftres, ou dans faint Marc & faint Luc qni ont efté les difciples des Apoftres. Car comme faint Marc a efté difciple de faint Pierre, faint Luc l'a efté auffi de faint Paul. C'eft ce qui a fait dire à Tertulien que l'Evangile de faint Luc s'attribuë d'ordinaire à faint Paul, & faint Paul rend à faint Luc un admirable témoignage, felon la remarque de plufieurs Peres, & particulierement de faint Ambroife, lors qu'il dit de luy: Qu'il eft loué pour fon Evangile dans toutes les Eglifes. A quoy faint Ambroise ajoûte: Qu'elle louange ne merite point celuy qui en a receu une fi grande par la bouche du Docteur de toutes les Nations? Saint

.. Luc,

Luc, dit Eufebe, rapporte luy-mefme au commencement de fon Evangile, le fujet qu'il a eu de l'écri re, en difant que plufieurs ayant entrepris temerairement d'écrire l'hiftoire Evangelique, il avoit crû le devoir faire aprés en avoir efté informé tres-exactement par ceux qui en avoient efté eux-mefmes les difpenfateurs & les miniftres; c'est à dire, par les Apoftres & par faint Paul, auquel Dieu l'avoit uny tres-particulierement, pour empefcher que la parole de l'Evangile ne fuft alterée par le mélange de l'erreur & du menfonge. L'Evangile de faint Luc eft écrit plus purement que celuy de Saint Marc & de Saint Jean, parce qu'il fçavoit bien la langue Grecque, comme remarque Saint Jerôme; Ce qui paroift auffi dans le ftile du livre des Actes. Il a écrit fon Evangile environ l'an de JESUS-CHRIST 56. vingt-cinq ans aprés fon Afcenfion. Le mefme Pere témoigne que faint Luc eft toûjours demeuré dans le celibat, & qu'il a vécu jufqu'à quatre vingt quatre ans Et l'Eglife dit de luy qu'il a fans ceffe porté fur fon corps la mortification de la croix. C'eft pourquoy fifa mort n'a pas efté honorée par le martyre, ce qui paroift avoir efté douteux parmy les faints Peres, on peut dire neanmoins, felon l'expreffion de faint Jerôme, que fa vie a efté un long

martyre.

Szi

De l'Evangelifte faint Jean.

Ian 95.

nede J.

C. 65.

Aint Jean eftoit de la ville de Bethfaïde, fils de s. Jean Zebedée, & frere de faint Jacques appellé le Ma- écrit jeur. Il fut appellé fort jeune & vierge à l'Apoftolaft, de l'Ere dit faint Jerôme, & il demeura toûjours dans cet commu eftat faint. C'eft pour cette raison, ajoûte le mefme Pere, qu'il fut le bien-aimé du Sauveur, que dans la Cene il repofa fur fon fein; & que JESUS-CHRIST pres la eftant à la croix le traita comme un autre luy-mefme, en voulant qu'il fuft le Fils de Marie, & recommandant fa Mere vierge au Difciple vierge. Aprés la

T 2

def

ans a

pallien

defcente du faint Efprit il prefcha la foy dans l'Afie, dont il fonda, dit le mefme faint Jerôme, & conduifit les Eglifes, & fut Evefque de celle d'Ephese. Il fut condamdé à Rome par l'Empereur Domitien à eftre jetté dans l'huile bouillante; mais en estant forty, dit Tertullien, plus fain & plus fort qu'il n'y eftoit entré, il fut relegué en l'ifle de Pathmos, où il écrivit fon Apocalypfe. Aprés la mort de Domitien il revint à Ephefe, où il fut obligé d'écrire fon Evangile, environ l'an de JESUS-CHRIST 96. foixante-cinq ans aprés la Paffion. Saint Jerôme rapporte la maniere en laquelle il y fut engagé. Car Cerinthe & Ebion publiant leur herefie, par laquelle ils foûtenoient que JESUS-CHRIST n'eftoit qu'un homme & qu'il n'eftoit point avant Marie; prefque tous les Evefques d'Afie & plufieurs autres qui avoient efté députez par les Eglifes, obligerent faint Jean de parler plus hautement de JESUS-CHRIST que n'avoient fait les trois autres Evangeliftes, & d'établir particulierement fa divinité. Saint Jean ne pouvant refifter aux prieres inftantes de tant d'Evef

d'Evefques, répondit qu'il fe rendroit à ce qu'ils demandoient de luy, pourveu qu'on imploraft le fecours du ciel par un jeûne & par des prieres publiques. Aprés cela eftant plein de Dieu il établit la divinité du Verbe par les premieres paroles de fon Evangile. Saint Auguftin fait des remarques bien édifiantes fur l'Evangile de faint Jean. Il dit que faint Jean a efté choifi particulierement pour reprefenter la divinité de JESUS-CHRIST. C'eft pourquoy les trois autres Evangeliftes marchant en quelque forte fur la terre avec JESUS-CHRIST homme & rapportant les actions de fa vie mortelle; faint Jean au-contraire s'éleve comme un Aigle au deflus des nues de l'infirmité humaine, & va découvrir jufque dans le fein du Pere, le Verbe Dieu égal à Dieu, fans que fes yeux foient éblouis par l'éclat de cette gloire. Il s'applique plus que les autres à décrire les inftructions du Fils de Dieu, & particulierement celles qui font les plus élevées. Et au-lieu que les autres Evangeliftes s'arreftent davantage aux actions de JESUS-CHRIST dans lesquelles il nous donne un modelle pour le reglement de nos mœurs, & pour la conduite de noftre vie ;. faint Jean au-contraire ayant voulu fuppléer à ce qui manquoit aux autres, s'applique davantage à rapporter les veritez plus fpirituelles qui marquent le mystere de la Trinité, l'égalité des Perfonnes, & la gloire de la vie future. Et il est bien remarquable, comme ajoûte faint Auguftin, que cet Evangelifte qui parle des veritez plus hautement que les trois autres, eft celuy qui nous recommande auffi plus fortement l'amour de nos freres; Et que reprefentant principalement J. C. comme Dieu; il eft le feul auffi qui nous le reprefente dans une humilité profonde en lavant les pieds à fes Difciples, pour nous apprendre qu'on doit croiftre d'autant plus en humilité, qu'on s'éleve davantage dans les connoiffances les plus fublimes.