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Annonciation de la Vierge. Luc. 1.

L'an du

M.3999 Avant l'Ere

L

Es oracles des Prophetes eftant accomplis, & le temps que Dieu avoit marqué pour répandre fa mifericorde fur les hommes, & pour donner un Saucommu- veur au monde estant arrivé, l'Ange Gabriel fut enne de voyé de Dieu premierement vers Zacharie lors qu'il J.C.S. offroit les encenfemens dans le Temple pour luy annoncer qu'il auroit un fils qui s'appelleroit Jean, dont la naissance feroit la joye & la benediction de tout lfraël. Six mois aprés Dieu envoya le mefme Ange vers la fainte Vierge Marie en Nazareth où elle demeuroit d'ordinaire. Elle eftoit mariée à faint Jofeph que Dieu luy avoit donné pour eftre le gardien & le protecteur de fa pureté; s'eftant mariez tous deu, comme dit faint Auguftin, dans un deffein reciproque de n'eftre jamais unis enfemble que par lefprit. Dieu qui agiffoit invisiblement dans leurs ames, les porta par une loy fecrette & interieure à embraffer cette

Vertu de la virginité, dont il n'y avoit encore eu aucun exemple fur la terre; & à vouloir bien en s'époufant l'un l'autre époufer en mefme temps l'opprobre de la fterilité. Mais Dieu honora ce mariage angelique du fruit le plus divin qui pouvoit jamais paroistre fur la terre: & ce fut dans ce deffein qu'il envoya l'Ange Gabriel vers la fainte Vierge. Il la trouva feule, comme remarque faint Ambroife. Il la falua l'appellant pleine de grace, en ayant efté remplie dés le ventre de fa mere, & cette plenitude s'eftant toûjours augmentée en elle fans aucune interruption dans toute la fuite de fa vie. Les louanges que luy donna l'Ange en la faluant, la troublerent d'abord, comme marque l'Evangile Elle apprehendoit ces Anges de tenebres qui fe transforment en Anges de lumiere; elle penfoit en elle-mefme à ce qu'elle voyoit & à ce qu'elle entendoit; & elle apprit ainfi aux ames faintes à ne rien precipiter & à prendre du temps pour bien difcerner toutes chofes. L'Ange reconnut fon trouble, & pour l'appaifer il luy dit: Ne craignez point, Marie; car vous avez trouvé grace devant Dieu. Et luy déclara enfuite le fujet de fon ambaffade. Elle entendit fans fe troubler qu'elle enfanteroit un fils qu'elle nommeroit JESUS, qui feroit grand, qui regneroit dans la maifon de Jacob, qui feroit affis fur le thrône de David for pere, & dont le royaume n'auroit point de fin. Elle demanda feulement à l'Ange comment ce qu'il luy difoit pourroit s'accomplir, parce qu'elle ne connoiffoit point d'homme. Elle luy fit cette demande fans hefiter dans la foy & fans curiofité, afin de s'affujettir à la volonté de Dieu & de fuivre ponctuellement fes ordres. L'Ange l'affura que les hommes n'auroient point de part à cet ouvrage, mais que le faint Esprit formeroit luy-mefme en fon fein l'enfant dont elle feroit la mere. Il luy découvrit en mefme temps ce qui eftoit arrivé à fainte Elifabeth, & l'affura que cette fainte femme qui paffoit pour fterile dans le monde, eftoit déja groffe de fix mois, par un effet de la vertu toutepuiflante de Dieu à qui rien n'eftoit impoffible. Lors

La mef

me an

nce.

que la fainte Vierge eut receu de l'Ange l'éclairciffement qu'elle luy avoit demandé, & qu'elle eut fceu la maniere en laquelle Dieu avoit refolu d'operer en elle un fi grand myftere, elle ne fe crût plus obligée a autre chofe qu'à témoigner à Dieu fon parfait aflujettiffement. Ce qu'elle fit par ces paroles fi humbles, & qui marquoient admirablement la difpofition continulle de fon cœur: Je fuis la fervante du Seigneur, qu'il me foit fait felon voftre parole. L'Ange auffi-toft fe fepara d'elle, la laiffant dans la mefme humilité au dedans, fans que ces grandes nouvelles l'euffent élevée, comme il la laiffoit au dehors dans la mefme pauvreté. Ce fut en ce moment que le Fils de Dieu s'incarna dans fon chafte fein, & ce moment eft un des momens que l'Eglife a fujet d'honorer dans toute la fuite des ficcles, pour n'oublier jamais qu'il a efté pour elle la fource de toutes les graces, & le principe de tous les myfteres.

Vifitation de la fainte Vierge. Luc. r.

A

Prés

que la fainte Vierge fe fut humiliée devant Dieu de la grace finguliere qu'elle venoit d'en recevoir par l'incarnation de fon Fils, elle apprit en s'humiliant enfuite devant les hommes que ceux que Dieu favorife davantage font plus obligez à eftre humbles, & que toute faveur nouvelle de Dieu porte avec foy une nouvelle tentation d'orgueil, à-moins qu'on ne s'y oppofe d'abord par un abaiffement du fond du cœur. Car fans s'arrefter à confiderer cette haute qualité où elle venoit d'eftre élevée, elle entreprit au-contraire un voyage affez penible pour aller vifiter fa coufine Elifabeth, & luy témoigner fa joye de ce que Dieu l'avoit enfin favorablement regardée en la délivrant de l'opprobre d'une longue fterilité. JESUS-CHRIST qu'elle voyoit déjà humilié dans fes entrailles, fembloit luy apprendre à dire deflors ce qu'il a dit depuis luy-mefme ; Qu'il faloit qu'elle accomplist toute juftice, & qu'elle fe foûmist à tous

Jes

les devoirs de l'humilité. Mais lors qu'elle ne penfoit qu'à s'abaiffer profondement fans rien découvrir à fa coufine de la grande grace qu'elle avoit receue, Dieu fit luy-mefme ce que fa modeftie & fon amour pour le filence n'avoit pas voulu faire. La prefence de J. C. qu'elle portoit dans fon fein, agit fi puiffamment fus faint Jean, qu'il témoigna qu'avant que de naiftre, il eftoit déja capable non feulement de raison, mais mefme d'adoration. Car eftant devenu le premier a2 dorateur de J. C. il luy rendit ce culte interieur avec un treffailement d'allegreffe, qui ayant produit la mefme impreffion dans fa mere, le fit entrer deflors dans l'exercice de fa charge de Precurfeur du Sauveur du monde. Sainte Elifabeth s'écria de joye, & fe fentant confuse de voir venir à elle celle qu'elle com mençoit à regarder comme la mere de fon Seigneur, elle luy donna des grandes louanges, & elle admira la fermeté de fa foy. Mais la Vierge qui ne s'eftoit pas élevée de ce que l'Ange luy avoit dit, ne s'éleva pas non plus de ce que luy dit fa coufine, elle regarda s

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Dieu

Dieu comme l'auteur de fes biens, & fon humilité comme le canal qui les avoit attirez; & elle prononça cet excellent Cantique, qu'on peut appeller la gloire des humbles & la confufion des fuperbes. La fainte Vierge eftant ainfi devenue la mere de faint Jean Baptifte, plus qu'elle ne le fut enfuite de faint Jean l'Evangelifte, & l'ayant fanctifié & comme engendré fpirituellement dans le ventre de fa mere par fa parole, animée du Verbe qu'elle portoit en fon fein, elle demeura trois mois entiers avec fainte Elifabeth pour donner lieu aux operations de J. C. dans faint Jean, & pour faire croiftre en luy de plus en plus cette premiere infufion de la grace qui le difpofaft peu-à-peu à cette vie fi divine qu'il mena depuis dans les deferts, & à cette fidelité avec laquelle aprés avoir adoré J. C. en fecret dans le ventre de fa mere, il l'adora enfuite devant les hommes, & mit toute fa joye à s'humilier en fa prefence. Ces trois mois eftant accomplis & la naiffance de faint Jean eftant proche, la fainte Vierge fe retira, lors qu'il fembloit qu'elle eust dû venir si elle euft efté abfente, afin de participer à cette grande joye que cette naiffance caufa dans le monde, & dont P'Eglife encore aujourd'huy conferve de fi grandes marques. Mais la fainte Vierge fit voir alors qu'elle fuivoit en toutes chofes les mouvemens de l'Esprit de Dieu: & comme elle eftoit venue chez fainte Elifabeth dans le moment qu'il avoit marqué, elles s'en retourna de mefme lors qu'il le vouloit, fans prendre garde aux couftumes des hommes, dont les loix font Louvent oppofées à celles de Dieu, Elle nous apprit encore par cette conduite à nous retirer & à nous ca cher aprés les grandes oeuvres de charité que nous avons faites en faveur de noftre prochain, & à defirer de paroiftre n'y avoir eu aucune part; afin de rendre à Dieu tout ce qui eft à luy, & de ne prendre pour nous que l'humilation & la confufion de n'avoir pas efté un canal de fes graces qui fuft affez pur pour n'y rien mêler d'étranger, lors qu'aprés ettre defcendues de luy dans nous, elles ont paffe de nous dans les autres.

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