1 , ques il mangeoit l'agneau avec eux seuls, & qu'ainsi ils eftoient témoins, non seulement de ses actions & de ses predications publiques, mais encore de fa vie cachée & des secrets qu'il leur découvroit en particulier, aprés avoir prêché aux autres en parabole. JESUS-CHRIST prévint le choix qu'il fit de ces douze par beaucoup de prieres dans lesquelles il passa mefme la nuit, pour apprendre à son Eglise ce qu'elle devoit faire à l'avenir dans l'élection de ses Ministres, fi elle vouloit bien connoistre ceux que Dieu avoit choisis. Aussi-tost qu'il eut fait ce choix il les mena sur une montagne estant suivi d'une grande foule de peuple; & ce fut alors qu'il leur fit ce grand Sermon qu'on appelle d'ordinaire le Sermon sur la montagne, qui contient tout l'Evangile, & toutes les regles de la conduite tant des Pasteurs que du commun des fidelles. Aprés avoir dés le commencement de ce discours renversé tous les jugemens des hommes, & toutes les lumieres de la raison naturelle, en appellant heureux ceux que les hommes estiment malheureux; il fit voir ensuite combien les ordonnances de la loy des Juifs estoient peu de chose en comparaison de ce qu'il demandoit de ceux qui feroient à luy, disant clairement qu'il exigeoit d'eux une abondance de justice qui n'avoit point esté dans les Scribes & dans les Pharifiens, fans laquelle il déclara qu'on n'entreroit point dans le royaume des cieux. Il nous apprit par ces paroles qu'il ne se contente pas que nous nous abstenions des chofes exterieurement mauvaises; & qu'il ne nous fuffit pas d'avoir l'apparence des bonnes œuvres, ou la scienee de la vertu qui éclate parmi les hommes, comme l'avoient alors les Pharifiens & les Scribes. C'est pourquoy il ordonne dans la fuite de će Sermon, que nous n'amassions des tresors que dans le ciel, afin que noftre cœur y soit toûjours ainsi que nostre tre for. Que l'œil de nostre intention foit pur & fimple, afin qu'il fanctifie tout le corps de nos actions, Que nous n'ayons qu'un seul maistre, pour ne nous point partager entre JESUS-CHRIST & le monde; & 1. que nous ne cherchions que le royaume & de la justice de Dieu, afin que tout le reste nous foit donné comme par furcroîft. Ce qui nous fait voir clairement que la fin de la loy nouvelle est de donner un cœur nouveau à l'homme nouveau, parce que le dehors se doit regler felon Dieu par le dedans, & que le ruifseau ne peut eître pur qu'à porportion que la source eft pure. Ne point juger les autres. Matth. 6. La mef. me an A Prés les maximes generales que JESUS-CHRIST établit d'abord fur la montagne où il instruifoit nee 31. le peuple, il defcendit aux avis particuliers, & il témoigna que pour fatisfaire à cette abondance de justice qu'il exigeoit de ses difciples, il ne se contentoit pas qu'ils obfervassent le Decalogue qui défend les grand crimes, mais qu'il vouloit qu'ils évitassent jusqu'aux premiers commencemens du peché. Il fit voir que fon dessein estoit de regler principalement le 1 Te dedans, & de le mettre en tel estat que le moindre peché interieur fust aussi éloigné de nous que les plus grands crimes. C'est pourquoy aprés avoir défendu les plus petits mouvemens de colere dans le cœur, il défendit ensuite les moindres paroles injurieuses; parce que la douceur du cœur & la retenuë de la langle font les principales marques de la justice interieure du Chreftien. Les Juifs ne pensoient qu'à fatisfaire les yeux des hommes; mais les Chreftiens pensent à plaire aux yeux de Dieu qui ne regarde que le cœur. Ainfi JESUS-CHRIST supposant le Decalogue, qu'il semble appeller du nom de petits commandemens, il donne le nom de grands commandemens à cette retenue du cœur & de la langue, qui étouffe tous les mouvemens de colere & toutes les paroles de mépris. JESUS-CHRIST sous la défense de deux chofes fi petites cache toute la grandeur du Chriftianisme. Il semble qu'il estime peu de ne tuer point, parce que cela se peut faire fans aucune vertu interieure, & que des raisons toutes humaines l'empeschent affez. Mais de ce qu'il estimoit, estoit de ne point murmurer dans fon cœur contre fon frere, parce que cela ne se peut fans une grande vertu. Aussi le commencement des grands pechez vient de ces petits commencemens qu'on neglige; estant certain que celuy qui craint de bleffer un homme par la moindre parole injurieufe, est incapable de tomber dans l'homicide. C'est pourquoy JESUS-CHRIST recommande tant dans la fuite P'amour de fes ennemis, par lequel il dit que nous devenons semblables à fon Pere, qui fait lever fon foleil fur les méchans comme sur les bons, & répand ses faveurs sur les plus ingrats. Mais un des commandemens fur lequel JESUS-CHRIST s'arreste le plus dans ce Sermon, où tout eft confiderable, est la défense qu'il fait de juger de nostre frere. Comme il voyoit dans le fond du cœur de l'homme une inclination naturelle à juger des autres, il arreste cette liberté, en difant que par les jugemens temeraires nous sommes semblables à un homme qui ayant une poutre dans son œil, voudroit arracher une paille de X 2 l'œil La mel me an l'œil de fon frere Le monde est plein de scandales en ce point, disent les Peres. Mais le plus grand remede qu'ils y ont trouvé est d'estre bien humbles, parce que cette humilité nous empeschera d'avoir de mauvais sentimens des autres. Ainsi il faut ou que la charité ou que l'humilité supprime dans nous tous ces jugemens temeraires; ou que fi ni l'une ni l'autre ne le peut faire, la crainte au moins les étouffe, lors qu'on pense au jour auquel JESUS-CHRIST viendra juger les moindres defauts qui se trouveront dans nos meilleures œuvres, & dans cette justice apparente qui trompe souvent noftre ignorance & celles des autres. Il nousaffure luy-mesme qu'il gardera alors envers nous le mesme poids & la meime mesure dont nous aurons usé envers les autres. Celuy qui pense serieusement à ce jugement, disent les faints Peres, ne pense guere à juger fon frere, & encore moins à s'entretenir de fes defauts. La charité fait qu'il interprete tout en bonne part, & qu'il prend plaifir à pratiquer la parole d'un faint Evefque, qui dit que fi une action avoit cent visages, il faudroit toûjours la regarder par celuy qui est le plus beau. J Le Lepreux & le Centenier. Matth. 8. ESUS-CHRIST estant descendu de cette montagne où il avoit établi les regles de toute la Morale Chrênec. 31. tienne, fit deux miracles que l'Evangile rapporte. Le premier fut la guerison d'un lepreux, qui dans la maniere dont il s'approcha de J. C. nous donne un parfait modelle de la priere. Car aussi-tost qu'il l'eut apperceu, il le reconnut pour son Sauveur, & dans cette ferme foy il luy dit avec une humilité interieure qu'il témoigna au dehors par ses prosternemens: Seigneur, vous pouvez me guerir si vous le voulez; montrant d'un costé quelle estoit sa foy, & de l'autre quelle estoit sa soûmission à la volonté de Dieu. J. C. eut pitié de luy; & étendant sa main pour le toucher, il luy dit : Je le veux, foyez gueri. Comme pour approuver ce que 1 ما que cet homme avoit déclaré, & pour nous apprendre que sa volonté seule est la source des graces que reçoivent ceux qu'il a aimez d'un amour eternel, lors qu'il ne voyoit encore dans eux que des crimes. Mais aprés qu'il eut gueri cet homme & qu'il luy eut défendu de rien dire d'une guerison si miraculeuse (ce qui nous apprend à cacher les graces secretes qu'ils nous fait)dés qu'il fut entré dans Capharnaüm, un Centenier qui eftoit extrémement affligé de la maladie d'un serviteur qu'il avoit & qui estot prest de mourir, envoya quelques-uns des Juifs le prier de venir guerir ce serviteur malade. Les Juifs vinrent faire cette priere au Sauveur, & le presserent mesme en loüant la bonté de ce Centenier qui leur avoit bâti une Synagogue. J. C. se rendit à leur demande, & il alloit avec eux au logis où estoit ce malade. Mais lors qu'il estoit proche, ce Centenier qui avoit une foy bien plus vive & bien plus respectueuse que tous les Juifs, envoya ses amis plus intimes au Sauveur pour le prier dene se pas donner la peine de venir en fon logis, parce qu'il n'en estoit pasdigne. Il luy dit que c'estoit pour cela mesme qu'il n'avoit X3 |