Imagens das páginas
PDF
ePub

toute la pensée du manger, tant ils eftoient appliquez à ce qu'ils entendoient & à ce qu'ils voyoient. Et trois jours s'eftant déja paffez depuis qu'ils avoient quitté les villes pour fuivre JESUS-CHRIST dans la folitude, le Sauveur fut touche de compaffion en voyant ces perfonnes, & il parla à fes difciples pour voir avec eux comment il leur donneroit à manger. Ils luy répondirent que le lieu où ils eftoient eftoit defert, éloigné des villes, & qu'ils n'avoient point d'autre provifion avec eux que cinq pains d'orge & quelques petits poiffons. JESUS-CHRIST leur ordonna de faire afleoir ce peuple par diverfes bandes; & lors que cela fut fait,il leva les yeux au ciel & benit ces pains qu'il donna enfuite aux difciples afin de les prefenter au peuple. Ces pains fe multiplierent entre les mains du Sauveur. Tout le monde mangea & fut raffafié, & J. C. commanda à fes Apoftres de ramafer tous les reftes avec un grand foin, dont on remplit douze corbeilles.Les faints Peres ont toûjours regardé ces cinq mille hommes qui fuivirent alors J. C. comme la figure des Chreftiens qui quittent le monde au moins de cœur pour fuivre J. C. dans le defert de cette vie. On voit dans toute leur conduite une excellente image de l'Eglife. Ils font attentifs à la parole du Sauveur, & n'attendant aucun foulagement fur la terre que de fa feule bonté. Ils ne paroiffent tous que comme un feul homme. Ils n'ont tous que les mefmes affections, les mefmes defirs & la mefme fin où ils tendent par les mefmes moyens. Ils perfeverent dans ce defert, & ne s'ennuyent point avec le Sauveur. Ils y perfiftent jufques à la défaillance, & fans demander de la nourriture, Aufli JESUS-CHRIST Voyant leur grande foy attend jufqu'au troifiéme jour à les nourir; & quoy que fa charité fuft fi grande, il ne voulut pas neanmoins le faire des le premier. Il fit voir alors ce combat de pieté qui fe trouve fouvent entre Dieu & fes élûs, lors que d'un cofté Dieu ne veut pas encore les fecourir dans leurs maux, parce que fes momens ne font pas venus, & que de l'autre fes élûs trouvant leur repos & leur joye dans l'accompliffement de fa volon

té, s'y tiennent fermes fans defirer d'en fortir. L'oraifon dans toutes les autres rencontres eft l'effet de la foy; mais c'est l'effet d'une foy encore petite, lors qu'elle fe hafte avec trop d'empreffement de demander à Dieu qu'il la délivre des maux. Il fuffit que Dieu compte luy-mefme les jours & tous les momens, luy qui nous affure qu'il a compté jufqu'au moindre cheveu de noftre tefte. On le doit laiffer agir: & le meilleur moye en alors d'obtenir fa mifericorde, eft de s'abandonner entierement à luy, & de demeurer en paix en l'eftat où il nous a mis, fans en vouloir fortir que dans le moment qu'il a marqué.

Saint Pierre marche fur l'eau. Matth. 14.

A Prés que JESUS-CHRIST eut fait le grand La met

mc an

miracle de la multiplication des pains, le peuple voulut prendre le Sauveur & le faire Roy. Mais J. C. c. 32. qui fe prefenta depuis luy-mefme fi volontairement à la mort, s'enfuit lors qu'on voulut luy offrir cette

dignité pour apprendre à fes difciples à fuir la royale puiffance de l'Eglife quand les hommes la leur prefenteroient, afin de ne la recevoir que de Dieu feul, comme JESUS-CHRIST ne l'a voulu recevoir que de fon Pere & non pas des hommes. Lors que la nuit fut arrivée il vint retrouver fes difciples au lieu où cette multiplication s'eftois faite : & pour leur faire perdre l'idée de ce miracle qui pouvoit les avoir élevez, il les fit monter dans un vaifleau & paffer la mer, afin que la tempefte qui s'éleva auffi-toft par fon ordre les fift rentrer dans le fentiment de l'impuiffance où ils fe trouvoient en l'absence de leur Maistre, & que la connoiffance de leur propre foibleffe les confervaft dans l'humilité, qui eftoit comme le fondement fur lequel il vouloit élever cette vertu folide qui les devoit rendre les colomnes de l'Eglife. Il les laiffa donc pendant quelque temps au milieu des flots, & ils demeurerent toute la nuit battus de la tempefte, fans qu'il fe haftaft de les aller fecourir Mais lors que le jour approchoit il alla vers eux en merchant deffus les eaux, & vint affez prés du vaiffeau où ils eftoient. Lors qu'ils le virent marcher ainfi fur la mer comme fur la terre ferme, ils crurent voir un fantôme, & la crainte dont ils furent faifis leur fit jetter un grand cry. Mais J. C. leur parla pour les raffurer, & leur dit feulement ces paroles: Ne craignez point, c'eft moy. Saint Pierre fut le premier de tous qui fentit l'efficace de cette parole divine; & ayant le cœur plein d'une confiance qui le mettoit au deffus de la crainte du peril, il dit à JESUS-CHRIST: Sic'est vous, Seigneur, commandez que j'aille à vous en marchant fur l'eau. JESUS-CHRIST luy dit qu'il vinst le trouver. Saint Pierre se jetta auffi-toft dans la mer. & marcha fur l'eau avec une hardieffe qu'on ne peut affez admirer, & qui marquoit déslors que Dieu rendoit à l'avenir fon Eglife victorieuse de tout le monde, & qu'elle fouleroit aux pieds tout ce qui s'éleveroit contre elle. Mais lors qu'il alloit ainfi pour fe joindre à J. C. un grand vent qui furvint l'étonna. La crainte le faifit & fa foy s'affoibliffant, il commen

çoit à enfoncer. Alors il eut recours à celuy qui luy
avoit deja donné ce pouvoir : Sauvez-moy, Seigneur,
luy dit-il. Et JESUS-CHRIST étendant fa main,
le prit & luy dit en le foûtenant: Homme de petite
foy, pourquoy avez-vous douté? Et lors qu'ils fu-
rent entrez dans le vaiffeau, le vent ceffa tout d'un
coup & ils fe trouverent au bord. Les faints Peres qui
ont toûjours regardé les actions & les paroles du Sau-
veur comme toutes pleines de myfteres, ont admiré
comment il permit que faint Pierre fuft en danger
d'eftre fubmergé, aprés mefme qu'il luy avoit com-
mandé de fa propre bouche de marcher fur l'eau. Il
voulut, difent-ils, convaincre ce faint difciple par
fa propre experience, que c'eft luy feul qui fauve, de
peur que fa hardieffe naturelle ne luy donnaft de la
vanité. Les craintes dans le fervice de Dieu font bon-
nes lors qu'elles font moderées. Elles nous avertiffent
de noftre foibleffe, & elles nous perfuadent que fi
nous réüffiffons, c'eft Dieu feul qui fait tout en nous.
Il n'y a gueres de fidelles dans l'Eglife pour qui Dieu.
ne faffe plus qu'il ne fit icy pour faint Pierre. Il y a
d'autres abyfmes & d'autres tempeftes dont il les a
tirez & d'où il les tire encore à toute heure par fa feule
grace: & ils ne peuvent manquer à la reconnoiffance
qu'ils doivent avoir d'une fi fenfible protection, fans
tomber dans un orgueil ingrat & infupportable.

J

La Chanance. Matth. 15.

née. 32.

ESUS-CHRIST s'eftant retiré du lieu où il avoit La mef nouri miraculeusement une fi grande multitude me an de perfonnes, le peuple fut bien en peine le lendemain pour fçavoir ce qu'il eftoit devenu. Ils fçavoient qu'il n'y avoit eu en ce lieu qu'une feule barque, & ils avoient veu que J. C. n'y eftoit point entré avec fes difciples. C'est pourquoy ne le trouvant plus fur ce bord, & ayant repaflé l'eau pour aller à Capharnaum, ils luy demanderent lors qu'ils l'y eurent retrouvé, quand & comment il y eftoit venu. Mais J. C. fans

1

répondre à leur demande curieufe, & leur celant la maniere fi divine dont il avoit marché fur les eaux, le contenta d'avertir ces perfonnes qui témoignoient tant de zele pour le trouver, que leur recherche eftoit intereffée, puis qu'ils ne le recherchoient que parce qu'ils avoient mangé de ce pain miraculeufement multiplié dans le defert. Il prit de là occafion de les exhorter à chercher un autre pain, & il leur fit un admirable difcours de la fainte Euchariftie, qui en fcandalifa beaucoup & mefme d'entre fes difciples. Lors qu'ils s'en alloient, J. C. fans s'étonner de fe voir abandonné de fes difciples, s'adreffa aux douze Apôtres, & leur demanda s'ils vouloient s'en aller auffi. Saint Pierre luy répondit avec fon zele ordinaire: Seigneur, à qui irions-nous; C'est vous qui avez les paroles de la vie eternelle. Et J. C. montra bien qu'il ne faloit pas s'étonner que plufieurs des difciples l'euffent abandonné, puifque des douze mefme qu'il avoit choifis pour Apoftres, il y en avoit un qu'il leur affura eftre un Demon.Il quitta donc alors la Judée pour fuir la haine de fes ennemis, qui commençoient à fe dé

cla.

« AnteriorContinuar »