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au travail de Marthe. Cette parole que JESUS-CHRIST luy dit: Qu'il n'y avoit qu'une chose qui fuft neceffaire, a esté la devise ordinaire des plus grands Saints. Ils ont veu que le reste en quelque forte estoit superflu, & qu'on ne pouvoit presque s'y appliquer fans préjudice de cette seule chose qui est necessaire. C'est pourquoy ils ont dit que cette Sentence devoit retenir l'activité de ceux qui mettent toute leur pieté dans les actions exterieures: & quoy que ces œuvres de charité soient excellentes en elles-mesmes, ils doivent craindre neanmoins que le trouble & l'emprefsement qui les accompagne, ne nuise peu-à-peu à la pureté interieure & à l'union du cœur à Dieu, en *quoy confifte proprement cet unique necessaire que JESUS-CHRIST a voulu este preferé à toutes choses.

Folie des richesses. Luc. 12.

an

A Prés que JESUS-CHRIST nous eut appris par La mer
la réponse qu'il fit à Marthe, combien il préferoit mee
la vie paisible & toûjours appliquée à Dieu à la vie
active, toûjours occupée aux œuvres de charité, il
nous fit voir encore combien il pouvoit y avoir d'il-
lufions dans ces actions exterieures de pieté par les
reproches qu'il fit aux Pharifiens qui ne se mettoient
en peine que du dehors & qui negligeoient le dedans.
Car les faints Peres confiderant la conduite de ces
personnes & ce que JESUS-CHRIST dit dans l'Evangi-
le, ont reconnu que le Demon n'aime rien tant lors
qu'il poffede bien une ame que de luy faire faire beau-
coup de bonnes œuvres exterieures, qui éclatent aux
yeux des hommes, pourveu que pendant qu'elle don-
ne le dehorsà Dieu, il foit maistre du dedans. Que fi
ces engagemens exterieurs font toûjours à craindre à
ces fortes de personnes, JESUS-CHRIST fait voir
combien ils le font encore plus à ceux qu'il choifit
pour ses Miniftres. Car deux freres l'ayant prié de les
accorder & de faire entre eux un partage, il rejetta
affez durement cette proposition, & leur dit qu'il

n'e

n'estoit point étably pour faire ce partage entre-eux. Il montra par cette réponse qu'il ne vouloit prendre aucune part aux biens du monde ny aux affaires des hommes du monde, & qu'un vray Chreftien & principalement un ministre de J. C. doit fuir ces actions feculieres, & ne se pas laisser tromper par un pretexte de charité dont on les couvre. Il prit sujet de l'embarras de ses freres pour le partage de leur bien, d'avertir les hommes de fuir l'avarice, & de les assurer que ce n'est point de l'abondance des biens temporels que dépend la vie de l'homme. Surquoy il leur dit cette parabole. Un homme fort riche ayant recueilly une grande moisson de sa terre, se trouva en peine de cette abondance, & disoit en luy-mesme: Que feray-je maintenant puisque les greniers me manquent, & que je ne sçay où ramasser tous mes fruits? Il faut, dit-il, que j'abatte mes granges & que je les agrandiffe. J'y mettray ensuite tout ce que j'ay recueilly, & je diray à mon ame: O mon ame vous avez beaucoup de biens pour plusieurs années : tenez-vous en repos; mangez, beuvez, faites bonne chere. chere. Mais lors qu'il s'applaudissoit de la forte, Dieu luy dit: Insensé, on va vous oster vostre ame cette nuit mesme: A qui donc feront ces grands biens que vous avez amassez? JESUS-CHRIST veut que ceux qui font à luy travaillent à s'acquerir d'autres richesses que celles qui se perdent à la mort. Il veut qu'ils foient riches, mais des biens du Ciel, qui leur font aisément connoistre la vanité de ceux de la terre, pour lesquels il leur défend d'avoir le moindre empressement. Ce riche que J. C. appelle insensé ne pensoit point à s'enrichir par des voyes injustes. Sa folien'estoit qu'en ce qu'il se mettoit en peine d'avoir des biens pour plusieurs années, & qu'il est tout d'un coup surpris de la mort. Ainsi JESUSCHRIST veut que nous arrestions dans nous le defir des chofes d'icy bas, par la veuë continuelle du moment auquel nous les devons quiter. Il n'y a rien que l'homme oublie tant que sa condition morteile. Il n'y a presque personne qui y pense comme il faut, quoy que rien ne soit plus capable de nous faire renoncer à tout. J. C. qui en connoissoit l'importance nous apprend icy que nous devons fans cesse nous occuper de cette pensée; & c'est un des plus grands effets de l'humilité Chrestienne que de nourrir son ame de la meditation de la mort, & de dire souvent avec David: Les années éternelles ont esté toute l'occupation de mon esprit.

L

Enfant prodigue. Luc. 15.

E Fils de Dieu qui avoit souvent exhorté les
hommes à

La mé

la penitence, voulut encore leur me anmontrer par diverses paraboles, combien elle estoit née 32.. agreable à Dieu & aux Anges. Car il propose tantost la joye d'un Pasteur qui a retrouvé enfin une brebis qui s'estoit égarée; tantost la joye d'une femme qui aprés avoir long-temps cherché une piece de monnoye qu'elle avoit perduë, invite lors qu'elle l'a trouvée, les voifines pour s'en réjoüir avec elle. Mais la

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figure la plus touchante que le Sauveur nous ait don née fur ce sujet, eft celle de l'Enfant prodigue. Un homme, dit-il, ayant deux fils, le plus jeune des deux pria fon pere de luy donner la part qu'il pouvoit prétendre a son heritage; & s'estant retiré d'auprés deluy, il alla dans un païs éloigné où il confuma tout fon bien en vivant avec des femmes débauchées. Une grande famine estant ensuite survenuë, il en fut si pressé, que ne pouvant plus y refifter, il s'attacha au service d'un des habitans de ce pays-là, qui l'envoya dans une maison de campagne pour y paistre les pourceaux. Sa misere en cette occupation déplorable estoit fi grande, qu'encore qu'il souhaitast avec passion de manger de ce que les pourceaux mangeoient, personne neanmoins ne luy en donnoit. Estant enfin rentré en luy-mesme, il dit dans un profond ressentiment de son eftat: Helas combien de mercenaires ont maintenant du pain avec abondance dans la maison de mon pere & moy je meurs icy de faim! Et dans ce mouvement violent, il quitta le lieu où il estoit si miferable, pour aller re

trou

SIR

trouver fon pere, & luy confesser la faute qu'il avoit faite. Lors qu'il estoit encore bien loin son pere l'apperceut, estant touché de compassion, il courut à luy & l'embrassa, ne rougissant point de le reconnoistre pour son fils, & étouffant par la joye qu'il avoit de le posseder, le ressentiment de l'injure qu'il Iuy avoit faite en se séparant de luy. Ce jeune homme sentant alors plus vivement que jamais le mal qu'il avoit fait en quittant un si bon pere, luy dit avec une profonde douleur: j'ay peché, mon pere, contre le Ciel & contre vous. Je ne suis plus digne d'estre appellé vostre fils. Mais ce pere charitable voulant au-contraire le rétablir dans la condition de fils, dont il se reconnoissoit si indigne, commanda à ses serviteurs de luy apporter ses premiers habits & fes anciens ornemens. Il ordonna ensuite qu'on tuast le veau gras, & fit un festin avec tant de réjoüissance que son fils aisné mesme s'en fafcha & luy en fit quelque reproche. Mais son pere luy répondit: Qu'il estoit bien juste qu'il témoignast de la joye puis que son fils qui estoit mort estoit ressuscité. Il est difficile, disent les saints Peres, de rien ajoûter à cette parabole, puis qu'elle s'explique elle-mesme d'une maniere si vive. L'œil y voit, & le cœur y ressent ce qui est au-dessus de toutes paroles. Les marques d'une veritable converfion y font admirablement representées. Cet Enfant voit fa misere & la quitte. Il retourne à fon pere & il s'abandonne à luy. Quittons de-mesme le peche & convertissons-nous à Dieu du fond du cœur, & il n'aura pour nous que des entrailles de compassion. Ayons de la douleur comme cet Enfant d'avoir abandonné la maison de nostre pere, & tenons nous heureux d'y avoir esté receus de nouveau. Ainsi nostre penitence sera toûjours animée d'un regret meslé d'amour, & accompagnée de paix & de joye.

Le

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