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enfans des le ventre de leur mere. Esai en vendant fon droit d'aînesse pour un peu de lentilles, doit bien faire trembler ceux qui se hastent d'estre heureux des biens fi méprisables de ce monde, & qui au lieu de les abandonner de bon cœur comme Jacob, renoncent au contraire aux biens du ciel afin de les posseder. Mais ceux qui font en cet eftat ne se pleurent point euxmesmes; & comme il est marqué d'Esai qu'il se mettoit peu en peine d'avoir vendu son droit d'aînesse, de mesme ces personnes qu'il figuroit font fort infenfibles à la perte qu'ils font des biens éternels, pourveu qu'ils puiffent fatisfaire leurs passions en joüiffant des plaisirs du monde qui ne durent qu'un moment.

Isaac benit Jacob. Genef. 27.

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E

Saü ayant vendu à Jacob son droit d'aînesse, Rebecca mere des deux freres qui aimoit tendrement Jacob luy assura cet avantage plusieurs années aprés,

aprés, par une adresse toute sainte & toute pleine de L'an de mysteres. Car Ifaac se sentant fort vieux, & voulant M.2245 benir fes enfans avant que de mourir, appella son fils J. c. Esaü qu'il aimoit, luy commanda d'aller à la chasse 1759. pour avoir dequoy manger, afin qu'il le benist enfui-lan te. Rebecca avertit promtement Jacob de ce qui se âge de paffoit, & luy commanda d'aller prendre deux che-137. vreaux dans le troupeau. Lors qu'il les eut donnez à quoy fa mere, elle en prépara à Ifaac ce qu'elle sçavoit qu'il qu'il en aimoit. Elle revêtit Jacob des habits d'Efau qu'elle core gardoit, & couvrit ses mains & fon cou de la peau des vecu. chevreaux, afin que son pere qui ne voyoit plus pûst 44. en entendant la parole de Jacob, croire au moins par le poil de ses mains que c'estoit Efau fon frere. Ifaac en effet ayant esté surpris de sa voix qu'il croyoit estre la voix de Jacob, le fit approcher de luy, & ayant touché le poil des peaux dont il s'estoit couvert les mains; il dit que la voix à la verité estoit la voix de Jacob, mais que les mains estoient les mains d'Esai. Aprés qu'il eut mangé, & qu'il eut senti en baisant Jacob l'odenr de ses habits parfumez, il le benit & luy fouhaita la rofée du ciel & la fecondité de la terre. II l'établit le maistre de tous ses freres, & finit fa benediction par ces paroles, dont faint Bernard dit que les vrais Chrêtiens ont tant de sujet de se consoler: Que celuy qui vous maudira soit maudit luy-mesme; & que celuy qui vous benira soit comblé de benediction. A-peine Ifaac avoit achevé ces paroles, qu'Esaü entre & apporte à manger de ce qu'il avoit pris à la chaffe, afin que son pere le benist ensuite. Ce faint Patriarche fut furpris d'un étonnement incroyable lors qu'il reconnut ce qui venoit de se passer. Mais bien loin de retracter ce qu'il avoit fait, il le confirma au contraire, parce qu'il voyoit trop sensiblement le doigt de Dieu dans cette conduite. Esaü alors jetta des rugissemens, comme marque l'Ecriture, & accufant hautement la tromperie de son frere, il demanda à fon pere s'il n'avoit qu'une seule benediction; eftant en ce point, comme remarquent les saints Peres, l'image de ceux qui estant bien-aises d'allier Dieu

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avec le monde, veulent joüir tout ensemble des con folations du ciel & de celles de la terre. Ifaac touché des cris d'Efau le benit enfin, mais en l'assujettissant à fon frere: ce qui luy fit concevoir une haine fi envenimée contre Jacob, qu'il n'attendoit plus que la mort de fon pere pour le tuer. Cette histoire fi myfterieuse nous marque partout JESUS-CHRIST revêtu de l'apparence exterieure du pecheur, comme Jacob de l'apparence d'Efau; & elle est, selon les faints Peres, une figure admirable de la reprobation des Juifs qui ne souhaitoient que lesbiens d'icy-bas, & de l'élection de l'Eglise qui ne demande à Dieu, comme David, qu'une feule chose, & qui ne veut qu'une benediction. Nous devons bien prendre garde, comme dit faint Paul, de ne pas imiter Efau, qui ayant vendu à son frere son droit d'aînesse, & qui defirant depuis d'avoir, comme estant le premier heritier, la benediction de fon pere, en fut rejetté sans pouvoir porter Ifaac à revoquer ce qu'il avoit fait pour Jacob, quoy qu'il l'en eust conjuré en fondant en pleurs. Car comme il avoit méprifé Dieu, Dieu méprisa aussi ses cris & ses larmes, parce qu'elles ne fortoient point d'un repentir fincere, ny d'un veritable changement de cœur..

Echelle de Jacob. Genef. 14.

la benediction de son pere; estoit trop visible M.2245 pour eftre inconnueà Rebecca, & cette mere avoit Avant trop detendresse pour ne pas tacher d'en prévenir les J.C. mauvais effets. C'est pourquoy elle crut qu'il estoit Jacob bon que Jacob cedaft à fon frere pendant quelque ayant temps, & qu'il adoucist sa colere par fon éloignedeja 77. ment. Elle aima mieux se priver de la veuë de celuy

ans.

qui luy estoit si cher, afin de procurer plustost la feureté de son fils, que sa fatisfaction particuliere. Pour faire agréer ce conseil à Ifaac, elle prit occafion du mariage de Jacob. Elle dit qu'elle ne pouvoit souffrir

que 55

que Jacob prist une femme en ce païs de Chanaan, & qu'il imitast Esaü fon frere, qui en avoit pris deux du mesme païs, sans se mettre en peine de l'aversion qu'en avoient fon pere & sa mere. Elle pria donc Ifaac de l'envoyer en Mefopotamie chez Bathuël, afin qu'il se mariast encepais-là. Ifaac y confentit, & en y envoyant Jacob, il luy renouvella toutes les benedictions qu'il luy avoit déja données. Jacob auffi-toft quitta son pais, plustost en fugitif qui évitoit la colere d'un frere envenimé contre luy, que comme une personne riche, qui allast chercher une femme avec P'appareil ordinaire aux gens du monde: & lors que dans cette pauvreté, qui figuroit fi admirablement la pauvreté chrêtienne & religieuse, il se fut arresté en un lieu de la campagne apres le soleil couché, il mit une pierre sous sa teste & s'endormit. Mais il eut en dormant une vision qui luy fit bien voir, que Dieu se laisse trouver à ceux qui font pauvres & persecutez injustement de leurs freres, & que c'est de ces personnes qu'il prend un foin particulier. Car ce faint homme

en

en dormant vit une échelle dont le pied estoit sur la terre & qui alloit jusqu'au ciel. Elle estoit pleine d'Anges qui montoient & qui descendoient, & Dieu eftoit au haut qui s'y tenoit appuyé, & qui dit à Jacob : Je suis le Dieu d'Abraham & le Dieu d'Ifaac. Je vous donneray cette terre où vous dormez. Vos enfans y feront en aussi grand nombre que la pouffiere de la terre, & tous les peuples du monde feront benis en celuy qui sortira de vostre race. Il luy promit de l'accompagner par tout où il iroit, & de le faire revenir enfuite dans cette terre qu'il quittoit, où il accompliroit toutes ses promesses. Jacob se réveilla comme d'un profond sommeil; & estant effrayé de ce qu'il venoit de voir, il dit en s'écriant, que ce lieu estoit terrible, puis que le Seigneur y estoit. Cette vision & cette échelle fi mysterieuse, dont les faints Peres ont dit tant de choses, marquoit deslors le soin que la providence de Dieu prendroit de tous ceux qui seroient à luy dans la suite de tous les siecles, qu'il se trouveroit present avec eux dans le temps de leur affliction & dans le lieu de leur exil, & que les Anges leur feroient presens pour offrir à Dieu leurs besoins & leurs prieres, & pour leur apporter du ciel les graces & les confolations de Dieu: Qu'ainsi ils ne devoient pas craindre la colere des hommes ny les conspirations de leurs propres freres, puis qu'elles ne servoient qu'à leur faire trouver Dieu plus present & plus appliqué à les secourir. Cette parole que Jacob dit en se réveillant : Que ce lieu est terrible, c'est la maison de Dieu & la porte du ciel mesme, a depuis esté appliquée à la fainteté de nos Eglises, qui ont present sur nos autels le mefme Dieu qui remplissoit alors Jacob d'une si sainte frayeur: & les faints Peres ont souhaité que les Chref tiens en y entrant eussent dans la bouche & dans le cœur ces paroles de Jacob, & qu'ils fussent saisis comme luy d'une crainte profonde devant la majesté de celuy que leur foy les assure y estre present.

Ra

J

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