Imagens das páginas
PDF
ePub

uns & accufé l'ingratitude des autres, il fera paffer les bons dans la vie éternelle, & precipitera les autres dans les tourmens eternels. JESUS-CHRIST nous fait comprendre par ces paroles, qu'il y aura bien du monde furpris à ce jugement, & qu'on reconnoistra alors combien nous nous trompons fouvent dans les penfées de noftre falut. Car il eft visible de ce que le Sauveur dit aux bons & aux méchans, qu'il ne fuffit pas de fuir feulement le mal, mais qu'il faut faire le bien, puifque JESUS-CHRIST condamnant les méchans ne leur reproche point de crimes, máis feulement d'avoir manqué à la charité. Ainfi, felon que les faints Peres l'ont rémarqué par ces paroles de JESUS-CHRIST, une des plus grandes confiances qu'on puiffe avoir en la mifericorde de Dieu eft l'exercice de la charité envers le prochain, dans toutes les rencontres qui s'en prefentent à nous. Ceux qui s'appliquent ferieufement à leur falut les reconnoiffent fans peine. Leur foy leur rend les pauvres & chers & venerables, aprés que JESUS-CHRIST s'en eft voulu revêtir luy-mefme, & ils n'ont garde de fe diffimuler les occafions de les fecourir, puifque l'omiffion feule qu'ils en pourroient faire doit entre un jour fi feverement punie.

La mefme an

La Cene. Joan. 13.

Prés toutes les prédications que JESUS-CHRIST fit au peuple depuis fon entrée à Jerufalem, comme il ne reftoit plus que deux jours jufqu'à la fefte de Pafques, il ordonna à fes difciples de préparer toutes choses. Lors que tout eftoit difpofé, & que Judas avoit déja arrefté avec les Juifs de leur livrer fon Maiftre, le Sauveur entra dans une grande falle bien ornée, qu'il avoit marquée à fes Apoftres pour y faire la Cene enfemble; & il leur déclara d'abord qu'il avoit toûjours eu un grand defir de 'celebrer cette Pafque avec eux, comme s'il n'euft rien compté tout ce qu'il avoit fait jufques-là pour fes

[ocr errors]

difciples, & voulant porter jufqu'au bout les marques & les effets de fon amour. Aprés qu'il eut mangé l'Agneau avec eux, felon l'ordonnance de la loy, avant que d'établir fon Sacrement divin, il fe rabaiffa jufques aux pieds de fes difciples, & prenant de l'eau dans un baflin pour les laver, il les effuya d'un linge dont ils s'eftoit ceint, finiffant cette action d'une humilité fi prodigieufe par ces paroles qui regardent tout le monde: Je vous ay donné l'exemple afin que vous faffiez tous les uns aux autres ce que je vous ay fait moy-mefme. Il reprit enfuite fes habits, & s'eftant remis à table, il prit du pain, le benit & le rompit, & le donna à fes difciples, en leur difant: Cecy eft mon corps. Il fe donna à eux de fes propres mains, & il ne refufa pas cette grace à Judas quoy qu'il con nuft fa perfidie, parce qu'il ne vouloit pas le découvrir aux autres, afin que la douceur dont il ufoit envers luy fit quelque impreffion fur la dureté de fon cœur. Mais il fut le premier exemple qui nous montra que ce Sacrement adorable que le Fils de Dieu inftituoit alors pour la confolation & le falut des fidel

les,

les, ne feroit que la condamnation de ceux qui le recevroient indignement, & que le Demon entroit dans leurs ames lors que JESUS-CHRIST entroit dans leurs corps. Ce difciple doublement coupable du Corps & du Sang du Fils de Dieu, témoigna fon endurciffement jufqu'au bout; & lors que chacun des difciples épouvantez demandoit à JESUS-CHRIST s'il le trahiroit; il eut la hardiesse de demander auffi luy-mefme à JESUS-CHRIST commes les autres, fi ce feroit luy qui feroit le traiftre, Et au mefme moment il fortit pour aller faire cette action déteftable où fon avarice l'avoit peu à peu conduit. La perfidie de ce difciple a fait admirer aux faints Peres la bonté du Sauveur qui ne laiffe pas de fe donner à luy comme aux autres, & qui fouffre qu'il reçoive fon facré Corps, avec la mefme patience qu'il fouffrit un peu aprés fon baifer parricide. L'Eglife dans tous les fiecles a toûjours gemi en fçachant que fon Epoux celefte fouffroit encore tous les jours le mefme outrage à l'Autel dans fon Sacrement divin qu'il fouffrit alors. Elle a témoigné fa douleur profonde de fe voir obligée de donner la chair fi pure du Sauveur à des ames impures, & elle a admiré l'humilité de JESUS-CHRIST, qui ne fort ni du ciel ni de fon autel pour fe vanger de ceux qui l'outragent. Il veut eftre encore aujourd'huy fur nos Autels comme le modelle de noftre patience; & fi nous luy fommes fidelles nous devons travailler en le recevant à nous rendre les imitateurs de fon ineffable humilité, & pleurer le malheur de ceux qui le deshonorent par tant de communions facrileges.

JE

JESUS-CHRIST. au jardin. Matth. 26.

A

née 3.

Prés que Judas fut forti d'avec JESUS-CHRIST Lamef pour executer le deffein qu'il avoit concerté me anavec les Juifs, le Sauveur fit aux Apoftres un admirable difcours, & nous apprit en joignant la parole avec fon corps, qu'elle eft auffi la nourriture de nos ames, & que nous les devons allier enfemble comme J.C. l'a fait luy-mefme. Il dit en mefme-temps à faint Pierre que le Demon avoit demandé de le tenter, mais qu'il avoit prié fon Pere pour luy. Cet Apoftre au-lieu de s'humilier de ces paroles & de cette promeffe du Fils de Dieu, s'en éleva comme il parut auffi-toft aprés. Car J. C. luy prédifant formellement qu'il le renonceroit par trois fois avant que le coq chantaft, il luy répondit hardiment qu'il ne le feroit jamais, & que bien-loin de le renoncer, il eftoit prest d'aller avec luy en prifon & mefme à la mort. Ainfi n'ayant pû eftre humilié par la terrible

pré

prédiction de fa cheute, il falut qu'il le fuft bien-toft aprés par la cheute mefme. Aprés donc que JESUSCHRIST eut dit à fes difciples ces veritez admirables contenues dans ce dernier Sermon, il leur commanda de prendre avec eux de épées, & il pafla ainfi le torrent de Cedron, pour aller felon fa coûtume fur la montagne des Olives, Ses difciples l'y fuivirent, & lors qu'ils furent en un lieu nommé Gethfemani, il les y fit demeurer, afin qu'il allast seul dans un jardin qui eftoit proche pour y prier, comme il faifoit fort fouvent, & qui pour ce fujet eftoit connu de Judas. Il prit feulement avec luy Pierre, Jacques & Jean, qui luy eftoient les plus chers entre fes difciples, & qui ne quittoient gueres le Sauveur. Eftant avec eux, il leur dit qu'il eftoit dans une trifteffe mortelle, & il les exhorta à veiller avec luy pendant qu'il prieroit. Il s'éloigna d'eux enfuite d'un jet de pierre, & fe mettant à genoux il pria fon Pere de ne luy point faire boire ce calice: que neanmoins fa volonté fe fift & non pas la fienne. Il parut en mefme temps un Ange pour le fortifier; & JESUS CHRIST entrant dans l'agonie tomba le vifage en terre, & il fortit une fueur de fang qui couloit de tout fon corps. Cet étrange affoibliffement du Fils de Dieu a efté l'admiration des faints Peres, qui comparant J. C. en cet eftat avec tant de Saints qui ont efté fi gayement à la mort, ont reconnu combien cette trifteffe, cette crainte & cette foibleffe eftoit mysterieuse, puis qu'ainfi qu'ils le remarquent tres-fagement, les malades n'ont pas pû eftre plus forts que leur medecin, ni les membres que leur chef. Mais J. C. a voulu prendre fur luy tous les effets de l'infirmité humaine, pour la confolation des foibles d'entre les Chreftiens lors qu'ils fe trouveroient dans cette difpofition aux approches des maux & de la mort. Il nous a donné lieu de juger quels effets doit produire la gloire de fa refurrection & la vertu de fa grace en nous, puifque fa foibleffe mefme est noftre force, fon trouble noftre affurance, & fa triftesse noftre confolation & noftre joye. La priere qu'il fait

à fon

« AnteriorContinuar »