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à fon Pere par trois fois d'éloigner de luy ce calice, & qu'il conclud toûjours par une humble foûmiffion à fa volonté, eft le modelle de toutes nos prieres. Aprés avoir témoigné dans toute fa vie une obeïflance parfaite pour tous les ordres de fon Pere, il semble qu'il la renouvelle à famort, & qu'il ne fe referve pour le temps de fa Paffion que la feule obeiflance. Il nous a appris ainfi, que c'eft particulierement en ce point que nous devons eftre fermes & inebranlables, & que dans les premieres attaques des afflictions, ou dans les premieres approches de la mort, nous devons travailler à vaincre toutes nos repugnances, pour nous abandonner à Dieu, & pour le prier que fa volonté fe faffe en nous, & non pas la noftre.

Prife de JESUS-CHRIST. Matth. 26.

ESUS-CHRIST fe trouvant dans la trifteffe & dans La mef

nce 33.

Fagonie du jardin, nous donna un grand exemple me and d'humilité, en venant chercher dans fes difciples quelque confolation & quelque foulagement à fes maux. Mais il ne les trouva gueres difpofez à prendre part à fes peines, parce qu'ils ettoient abattus d'un profond fommeil. Il les vint réveiller par trois fois, en leur difant ces paroles fi faintes. Veillez & priez, parce que l'efprit eft promt & la chair eft foible. Mais lors qu'il ceffa de leur parler la troifiéme fois, Judas parut avec une grande troupe de gens armez qu'il avoit eus des.Juifs & des Pharifiens. Il leur avoit donné pour fignal, , que celuy qu'il baiferoit eftoit celuy qu'il faloit prendre, qu'ils fe faififfent auffi-toft de luy, & qu'ils l'amenaflent avec fageffe, depeur qu'il ne fe fauvaft d'entre leurs mains. Il vint donc fans rien criandre trouver le Sauveur du monde, & il le baifa. JESUS-CHRIST le fouffrit avec fa douceur ordinaire, pour nous apprendre à fupporter ceux qui luy reffemblent, & à ne nous point aigrir des mauvais traitemens des amis mefme & des domeftiques. Il luy dit neanmoins en un mot: Mon

A a

amy,

amy, qu'eftes-vous venu faire? Trahiffez-vous le Fils de l'homme par un baifer? Mais c'eftoit pluftoft pour tâcher de le faire rentrer en luy-mefme, que pour se plaindre de fon ingratitude. Aprés ce baifer de Judas, JESUS-CHRIT qui avoit fuy autrefois lors qu'on vouloit le faire roy, alla au devant de ceux qui le venoient prendre, & leur demanda qui ils cherchoient, mais d'une voix fi puiffante qu'elle les renverfa tous par terre. Il voulut montrer ainfi que ce n'eftoit point par foibleffe qu'il mouroit, mais par fa feule volonté. Il s'abandonna enfuite à ces mechans, & il refpecta dans eux la puiffance que fon Pere leur avoit donnée. Saint Pierre fit quelques efforts pour le défendre. Il tira l'épée, & coupa l'oreille de Malchus ferviteur du Grand Preftre. Mais JESUS-CHRIS T bien-loin d'offenfer fes ennemis, guerit en un moment cette bleffure & reprit faint Pierre de l'avoir faite. Il luy reprefenta l'inutilité de ce remede, & il luy dit que s'il n'eftoit refolu de boire le calice que fon Pere luy prefentoit, les Anges fauroient bien le défendre de l'injuftice des hom

mes.

mes. Il fe laiffa donc lier, & il dit feulement à ces Archers qu'ils l'eftoient venus prendre comme un voleur & un fcelerat, quoy qu'il fut tous les jours avec eux dans le Temple où ils le pouvoient arrefter: & lors qu'il fut ainfi entre leurs mains, tous fes difciples s'enfuirent. JESUS-CHRIST voulut confoler alors ceux qui tomberoient par surprise entre les mains de leurs ennemis. Il fçavoit qu'on le devoit venir prendre, & il ne s'enfuit pas pour respecter l'ordre de fon Pere; afin que ceux qui tomberoient dans un eftat femblable fans le fçavoir, adorassent comme luy le pouvoir de Dieu dans les hommes, & qu'ils ne fe laiffaffent pas aller aux plaintes & aux murmures. Cartout est heureux pour celuy qui confidere qu'il ne fouffre que ce qu'un Dieu a fouffert, & à qui la loy fait bien comprendre la dignité où pluftoft la divinité de cette fouffrance.

J. C. devant Anne & Caiphe. Matth. 26.

J

me an

née 33.

ESUS-CHRIST eftant entre les mains des Juifs, on le La inėmena d'abord à Anne le beau-pere de Caiphe, qui eftoit Grand Preftre cette année-là. Anne l'interrogea touchant fes difciples & fa doctrine. J. C. luy répondit qu'il n'avoit rien dit en fecret, & qu'il pouvoit s'informer de tout le monde de ce qu'il avoit enfeigné. Mais cette liberté déplaifant à un Officier qui eftoit auprés du Sauveur, il luy donna un fouffet, en luy demandant fi c'eftoit ainfi qu'il faloit répondre au Grand Preftre. JESUS-CHRIST fouffrit cet outrage avec une patience divine, & dit feulement à cet homme, que s'il avoit dit quelque chofe de mal, il le fit voir; que s'il n'avoit rien dit que de bien il ne devoit pas le frapper. Anne enfuite l'envoya à Caiphe le Grand Preftre chez qui les Princes des Preftres s'eftoient affemblez pour trouver des faux témoins qui dépofaffent contre J. C. Mais il n'y avoit rien de folide dans toutes ces dépofitions: & un entre autres l'ayant accufé d'avoir dit qu'il pouvoit dé

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trui

truire le Temple de Dieu & le rebâtir en trois jours, le Grand Preftre fe leva & luy demanda pourquoy il ne répondoit rien à ces accufations. J. C. garda toujours un profond filence: ce qui obligea le Grand Preitre de luy faire commandement au nom du Dieu vivant, de leur dire s'il eftoit le CHRIST. Ouy je le fuis, leur dit-il, mais vous ne le croirez pas, & vous ne me laifferez pas aller. Vous verrez neanmoins bien toft le Fils de l'homme affis à la droite de Dieu qui viendra paroiftre dans les nuées. Le Grand Preftre entendant ces paroles déchira fes vêtemens, & s'écria: Il a blafphemé: Qu'est-il befoin de chercher d'autres témoins: Vous avez vous-mefmes ouy fes blafphemés.. Que vous en femble? Tous les autres répondirent qu'il meritoit la mort, parce qu'il avoit blafphemé, c'eft à dire, parce qu'il avoit dit la verité. Ce fut alors que les foldats commencerent à l'outrager. Ils luy cracherent au vifage, ils le voilerent par mocquerie, & en le frapant ils luy difoient qu'il prophetifait & qu'il devinaft qui l'avoit frappé. La nuit s'eftant paffée parmy ces outrages, lors que le

jour

jour fut venu ils le menerent à Pilate afin qu'il le condamnaft à mort. Saint Pierre qui avoit fuivy de loin J. C. dans la maison du Grand Preftre, & qui fe chauffoit avec les officiers, perdit cette ardeur qu'il avoit témoignée auparavant; & fon courage fe changeant en une timidité prodigieufe, lors qu'une fervante luy demanda s'il n'eftoit pas d'avec J. C. il luy répondit que non. Lors qu'elle luy eut fait encore un peu aprés la mefme demande, il le renonça comme il avoit déja fait, & dit qu'il ne le connoifloit pas. Enfin environ une heure s'eftant paffée un des ferviteurs du Grand Preftre, parent de celuy dont ce difciple avoit coupé l'oreille dit qu'aflurément il eftoit d'avec J.C. Et pour la troifiéme fois faint Pierre fit de grands fermens & jura qu'il ne connoiffoit point cet homme. Aufi-toft le coq chanta. Et J. C. en mefme temps regardant faint Pierre, cet Apoftre rentra en luy-mefme, fe fouvint de ce que fon Maitre luy avoit dit, fortit dehors & témoigna fon regret par une abondance de larmes. On reconnut bien alors que les ames qui fe convertiffent doivent le bonheur de leur converfion au regard favorable de J. C. Saint Pierre n'eftoit point converty au chant du coq; parce que J. C. ne l'avoit point encore regardé. Nous ne voyons rien de nos pechez ni de tout ce qu'on nous dit de bon pour nous en retirer, fi Dieu ne nous éclaire par un regard de fa grace. Ce fut par une admirable conduite que Dieu permit ce peché dans celuy qu'il avoit choifi pour eftre le chef de fon Eglife, afin qu'il apprift par fa propre experience à avoir compaffion de la foibleffe des pecheurs. Sa penitence a efté le modelle de tous les penitens. Elle n'a point de paroles, parce qu'elles font fuperflues quand les œuvres parlent. Je n'entens point la voix de fiat Pierre aprés fon peché, dit faint Ambroife, mais je voy fes larmes. Heureufes larmes qui ne demandent point le pardon, mais qui le meritent.

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