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dont le corps eftoit abbattu par tant de travaux fuccomboit fous un auffi grand fardeau qu'eftoit la croix qu'ils luy avoient impofée, ils engagerent un homme nommé Simon à la porter derriere le Sauveur, qui marcha ainfi jufqu'au Calvaire parmy les infultes de tout un peuple qui le fuivoit. JESU SCHRIST fouffrit jufqu'à l'abattement, pour nous apprendre à ne nous décourager point dans des fouffrances beaucoup moindres, & à perfeverer jufqu'à la fin. Sa croix eft portée par luy & par Simon; Et ce myftere eft une inftruction & une confolation admirable pour tous les fidelles. Car cela nous fait voir que la croix ainfi que le joug de JESUS-CHRIST eft toÛjours portée par deux, par Jesus-CHRIST mefme & par le Chreftien qui fouffre pour luy. On donne icy un homme au Fils de Dieu pour le foulager; mais c'eft Dieu mefme qui nous foulage. Et comme dans la figure de Simon le Cyrenéen foulageoit JesusCHRIST en apparence; & que c'eftoit neanmoins JESUS-CHRIST qui portoit le plus grand poids de la croix, parce qu'il avoit une force divine qui ne laifA a 6

foit

foit affoiblir fon corps qu'autant qu'il vouloit; ainsi c'eft nous qui paroiffons porter la croix que Dieu nous impofe, mais fi nous fouffrons par l'Esprit de J. C. c'eft luy en effet qui la porte & qui nous empefche d'y fuccomber en la proportionnant à noftre foibleffe. Le Fils de Dieu nous affure que quiconque ne porte pas fa croix aprés luy eft indigne de luy, & il l'a portée luy-mefme le premier, aha que fon exemple nous perfuadaft, fi fes paroles ne nous touchent point. Les faintes femmes qui avoient fuivy J. C. & qui l'avoient affifté de leur bien pendant fes prédica tions, l'accompagnent lors qu'il porte ainfi fa croix au Calvaire, & elles témoignent par leurs larmes & par leurs foûpirs combien elles prennent de part à ce qu'il fouffre. Auffi le Fils de Dieu n'est attentif qu'à elles, & il leur dit cette admirable parole. Filles de Jerufalem, ne pleurez point fur moy, pleurez fur vous-mefmes. Il ne veut point eftre plaint, luy qui en eftoit fi digne, il nous enfeigne combien nous devons prendre garde dans nos maux, ou grands ou petits, de ne nous plaindre point nous-mefmes, & de ne vouloir point que d'autres nous plaignent. Il ajoûte; Car il va venir un temps auquel on dira: Heureufes les fteriles, & les entrailles qui n'ont point porté d'enfans. Ils diront alors aux montagnes: Tombez fur nous. Car file bois verd eft ainfi traité, que ferace du bois fec? Si quelque chofe eft capable d'arrefter l'impatience du cœur humain, ce doit eftre cette derniere parole de J. C. Qui eft le Chreftien qui ne s'abaiffe profondement fous la main de Dieu qui le frappe, s'il confidere ce qu'eftoit J. C., & ce qu'il eft; ce qu'il a fouffert, & ce qu'il fouffre? Il faut que l'homme avoue aprés cette verité, que s'il tombe alors dans l'impatience & dans le murmure, ce ne peut eftre que par un orgueil qui tient quelque chofe de l'extravagance, qui dément ce que nous croyons, & qui fait injure aux fouffrances du Fils de Dieu.

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Crucifiement. Matth. 27.

J

me an

née 33.

ESUS-CHRIST eftant arrivé fur le Calvaire où fe Lamef devoit offrir ce grand facrifice qui avoit efté figuré dés la creation du monde, & dont la vertu efficace 13 devoit paffer jufques dans la fuite de tous les fiecles, Avril. on luy donna d'abord à boire du vin de myrrhe meflé avec du fiel. Mais lors qu'il en eut goufté il ne voulut point en boire. On luy ofta enfuite fes veftemens, & on l'attacha fur la croix entre deux voleurs que l'on avoit menez avec luy, afin qu'il paffaft auffi luy-mefme pour un fcelerat. JESUS-CHRIST comme un agneau qui demeure muet devant celuy qui l'égorge, ne s'eftant plaint d'aucune de ces cruautez, & n'ayant jetté aucun cry dans fes douleurs violentes, n'ouvrit la bouche que pour prier fon Pere de pardonner ce crime à fes perfecuteurs, parte qu'ils ne fçavoient ce qu'ils faifoient. Mais lors qu'il n'avoit que des fentimens de douceur pour fes ennemis, ils

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luy

luy infultoient en cet eftat mesme, & luy difoient en branlant la tefte: Toy qui détruis le Temple de Dieu & qui le rebaftis en trois jours, fauve toy toy-mefme. Si tu es Fils de Dieu defcends de la croix. Tout le peuple auffi le regardoit en feraillant de luy. Les Princes des Preftres l'outrageoient encore davantage en l'accufant de foibleffe, & luy reprochant d'avoir pû fauver les autres & de ne pouvoir fe fauver luymefme. Les foldats auffi mefloient leurs infultes à celles des autres, & outre les paroles de mocquerie, ils luy presentoient du vinaigre à boire. Il n'y eut pas mefme jufqu'aux larrons qui eftoient crucifiez avec luy qui ne luy infultaffent; & un d'eux le blafphemant luy dit: Si tu es le Chrift fauve toy toy-mefme, & fauve nous auffi avec toy. Mais l'autre eftant tout d'un coup éclairé dans l'ame & changé dans le cœur, par une converfion qui a efté la confolation de bien des ames, & un fujet de ruïne pour beaucoup d'autres, foûtint J. C. contre fon compagnon, & dit hautement: Que pour eux ils n'avoient que ce qu'ils avoient merité, mais que JESUS-CHRIST eftoit innocent. Et s'adreffant à JESUS-CHRIST qu'il reconnoiffoit autrement Roy que n'avoit fait Pilate par le titre qu'il avoit fait mettre fur la croix, il le pria de fe fouvenir de luy lors qu'il feroit dans fon royaume. Et J. C. luy promit de l'y faire entrer dés ce jour-là mefme, faisant deflors l'office de juge, & fauvant l'un de ces deux voleurs pendant qu'il laiffoit l'autre dans fon impenitence. J. C. ayant veu la fainte Vierge au pied de fa croix avec faint Jean, luy dit en luy montrant ce Difciple: Femme, voilà voftre fils. Et il dit à faint Jean en luy montrant la fainte Vierge: Voilà votre mere. Il jetta un peu aprés un grand cry & dit à fon Pere: Mon Pere, pourquoy m'avez-vous abandonné? Enfin fçachant qu'il avoit accomply jufqu'à la moindre circonftance de tout ce qui avoit efté marqué de luy par les Prophetes, pour achever le refte, il dit, J'ay foif. Et aprés avoir pris un peu de vinaigre, & recommandé foname à fon Pere, il baiffa la tefte,

& expira. Les faints Peres nous enfeignent qu'il n'y a que les Saints qui puiffent bien comprendre le mystere de JESUS-CHRIST crucifié. C'eft de ce myftere qu'on peut dire : Que les chofes faintes font pour les faints. Il faut que ce foit le faint Efprit qui ofte luy-mefme le voile de deffus nos yeux, pour nous donner entrée dans ce mystere impenetrable à toute la fageffe humaine, felon cette parole excellente de faint Bernard: JESUS-CHRIST meurt fur une croix, & il merite d'eftre aimé. Il donne enfuite fon Efprit, qui le fait aimer. Mais fi le faint Efprit n'eft donné à l'homme, il verra J. C. crucifié, & il ne l'aimera point. Quelle confufion pour un Chreftien, de voir JESUS-CHRIST MOUrant & de le voir avec des yeux ingrats, fans eftre touché d'amour pour celuy qui luy donne fon fang & fa vie!

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JESUS-CHRIST au tombeau. Matth. 27.

nce. 3'.

Ors que JESU S-CRHIST eut accomply fon La mef. facrifice fur la croix, & qu'il eut efté obeiflant me an jufqu'à la mort, il arriva beaucoup de chofes qui firent connoiftre qui il eftoit, & qui pûrent faire comprendre aux Juifs quel eftoit le crime qu'ils avoient commis. Les tenebres couvrirent le ciel durant trois heures; le voile du Temple fe déchira en deux depuis le haut jufqu'en bas; la terre trembla ; les pierres fe fendirent; les fepulchres s'ouvrirent; les morts reffufciterent, fortirent de leurs tombeaux, vinrent à Jerufalem, & apparurent à plufieurs. Tant de fignes extraordinaires firent dire à un Centenier qui commandoit les foldats, que cet homme crucifié eftoit Fils de Dieu. Les autres gardes effrayez de ces prodiges en parloient de mefme; & cette grande foule de peuple qui estoit venu à ce fpectacle voyant des chofes fi terribles, changerent leurs infultes en des foùpirs, & s'en retournerent en fe frappant la poictrine. Cependant les juifs toujours fcrupuleux dans

des

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