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Laban: J'ay fouffert le froid & le chaud pour conduire voftre troupeau. Je ne me fuis donné du repos ny jour ny nuit, & le fommeil a fuy de mes yeux. Je n'ay perdu aucune de vos brebis: le voleur n'en a point dérobé, la befte farouche n'en a point dévoré; il n'y en a point eu de fterile, & pour recompenfe des bons fervices que j'ay toûjours tâché de rendre aux hommes, je n'en ay receu que de l'ingratitude & des mauvais traitements.

Retour de Jacob. Genef. 31.

du M.

3265.

A benediction que Dieu répandit fur Jacob & fur L'AK tout ce qui luy appartenoit, ayant excité l'envie de Laban; ce faint Patriarche vit qu'il eftoit de la pru- Avant dence de quitter la Mefopotamie, par la mefme raifon J. C. qu'il avoit quitté autrefois la terre de Chanaan. Lors Jacob qu'il eftoit dans ces pensées fans qu'il ofaft les execu- ayant ter; parce qu'il craignoit de rien faire par fon efprit 104 ans,

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pro

1739.

propre; Dieu luy commanda luy-mefme de retour ner dans la terre de fa naiffance, & luy promit de le défendre d'Efau fon frere. Jacob penfa auffi-toft à accomplir cet ordre fort fecretement, & à fortir de la Mefopotamie comme il y eftoit venu, c'est à dire en fugitif. Il appella fes deux femmes Rachel & Lia. II leur découvrit fon deffein qu'elles approuverent toutes deux, & elles confentirent de le fuivre. Lors donc que Laban eftoit abfent, Jacob partit fans luy dire adieu,& emmena avec luy tout ce qui luy appartenoit. Laban fut averti d'un départ fi foudain, & apprenant qu'on luy avoit en mefme temps emporté fes idoles, il pourfuivit Jacob durant fept jours avec une étrange colere, & l'attrapa auprés de la montagne de Galaad. Comme il eftoit preft de le joindre Dieu luy apparut durant la nuit, & luy défendit de faire aucun mal à Jacob. Dés qu'il l'apperceut de loin, il fe plaignit en criant, de ce qu'il emmenoit ainfi fes filles comme des captives qu'il auroit prifes des ennemis. Il luy dit qu'il avoit eu tort de luy celer fon deffein: Quil l'auroit accompagné luy-mefme avec honneur, & qu'il auroit eu la confolation de dire les derniers adieux à fes filles: Qu'il ne defapprouvoit pas qu'il vouluft retourner à la terre de fes Dieux, mais qu'il ne devoit pas luy avoir volé les fiens. Jacob l'interrompit à cette parole; & aprés s'eftre excufé du fecret de fon voyage, il nia ce vol de fes Dieux dont il l'ac cufoit, & confentit mefme qu'il fift mourir celuy qu'il trouveroit les avoir pris: ce qu'il difoit hardiment, parce qu'il ne fçavoit pas que Rachel euft emporté ces idoles. Laban les ayant donc cherchez avec un foin tres-exact; lors qu'il entra dans la tente de Rachel pour les chercher, efle les cacha promtement fous la litiere des chameaux; & s'eftant affife deffus, elle pria Laban de l'excufer de ce qu'elle ne fe levoit pas pour le faluer, parce qu'elle fe trouvoit incommodée. Ainfi la recherche de Laban ayant efté inutile, Jacob commença à fe plaindre à fon tour du traitement fi injufte qu'il luy faifoit. Mais enfin leurs efprits s'eftant adoucis, ils fe reconcilferent l'un avec l'autre, & fe

fe

feparerent en s'entrejurant une amitié eternelle. Saint Ambroife admire icy Jacob comme un modelle parfait de la juftice & de la fageffe qu'il faut garder en vivant avec le monde. Il avoit foin de n'y pofféder que ce qu'il pouvoit emporter avec luy, afin de ne dépêndre de perfonne. Il ne perd rien de ce qui luy appartenoit, & il n'a rien de ce qui appartenoit a un autre. Il s'eftoit enrichi non feulement fans faire tort aux autres, mais mefme en procurant leurs avantages particuliers. Laban qui le traitoit fi fervilement, qui ne luy vouloit point de bien, & qui ne cherchoit qu'à luy nuire,ne peut le faire neanmoins. Il ne peut empescher qu'il ne fe retire d'auprés de luy avec de grandes richeffes: & toute fa mauvaise humeur cede lors qu'il agit avec un homme qui joignoit par tout la juftice avec la fageffe, & qui fe conduifoit en toutes chofes par l'Efprit de Dieu. Heureux, dit ce faint Pere, qui peut comme Jacob dire au Demon & au monde : Voyez s'il y a rien dans moy qui vous appartienne, & reprenezle: Et bien heureuse Rachel qui fuit d'une maison idolatre & foule aux pieds les idoles de fon pere. Elle apprend aux filles chreftiennes de ne pas fuivre la paffion de leurs peres, qui fouvent les veulent facrifier à l'idole de la vanité & du fiecle; mais qu'elles peuvent alors fe dérober de leur maison pour chercher une terre fainte, de peur de fe rendre indignes de Dieu en aimant plus leurs peres que Dieu.

Reconciliation d'Efau avec Jacob. Genef. 33.

Acob eftant délivré des mains de Laban, ne penfa La mé

commença par luy envoier de fes gens pour luy donner avis qu'ils retournoit de Mefopotamie en Chanaan, j& pour le prier d'agréer fon retour. Mais fes gens revenant & luy ayant rapporte qu'Efau s'eftoit auffi-toft mis en chemin avec quatre cens hommes, il fut faifi d'une extrême frayeur, qui luy fit jetter de grands cris vers Dieu, pour le prier de le délivrer de la colere d'Efau fon frere. Aprés avoir ainfi mis fon principal

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appuy

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appuy en Dieu; il ufa enfuite de toute fa prudence naturelle, & crut qu'il devoit penfer à fléchir fon frere en quelque maniere que ce fuft. Les prefens luy parurent eftre pour cela la meilleure voye. C'est pourquoy feparant une partie de fes troupeaux, il les fit marcher devant luy avec des diftances égales, afin qu'Efau les rencontrant les uns aprés les autres, fon efprit s'adoucift peu à peu par la veuë de tant de dons, & par la foûmiffion de ceux qui les luy offroient. Jacob ayant donné ces ordres lors qu'il devoit les executer le jour fuivant, il eut fur la fin de la nuit une vifion d'un homme qui luita contre luy jufqu'au matin, & qui luy touchant le nerf de la cuiffe la fit auffi-toft fecher. Mais Jacob prenant de nouvelles forces d'une fi heureuse bleffure, dit à celuy qui l'avoit bleffé & qui vouloit fe retirer, qu'il ne elaifferoit point aller qu'auparavant il ne l'euft beni. L'Ange luy demanda fon nom, & luy donna celuy d'Ifrael, qui depuis eft devenu fi fameux. Il l'affura que s'il avoit efté fort en combattant contre Dieu mefme, il ne devoit point

crain

craindre les hommes, & que fon frere ne luy feroit aucun mal. Auffi-toft aprés Jacob vit de loin Efau qui venoit à luy accompagné de quatre cens hommes; & ayant fait demeurer derriere luy fes femmes & fes enfans, il marcha le premier devant Efau & s'abaiffa profondement devant luy par fept differentes fois Efau adoucy de tant de foûmiffions, courut à Jacob & l'embraffa trés-étroitement. Il vit avec plaifir les enfans & les femmes que Dieu luy avoit données, & eut peine à recevoir les prefens qu'il luy avoit fait offrir. Comme ils vouloit achever enfemble ce qui reftoit du voyage, Jacob luy répresenta la neceffité où il eftoit de marcher lentement,afin de s'accommoder au pas de fes enfans & à la foibleffe de fes troupeaux. Mais il le pria d'aller devant luy à Seïr, & l'affura qu'il iroit l'y trouver. C'eft ainsi qu'il évita la colere d'un frere qui avoit juré fa perte. Il ne s'arrefta point à confiderer fon innocence, & que c'eftoit Efau qui eftoit coupable. Il effaça de fon cœur tous les reffentimens qu'il pouvoit avoir contre fon frere, & s'il eftoit fâché de fes emportemens, c'eftoit plus comme dit faint Ambroife, pour les interests d'Efau mefme,que pour les fiens propres. Il joignit la force avec la douleur, & fa foy s'élevant au déflus dé tant de fujets qu'il avoit de craindre un ennemy qui paroiffoit irreconciliable, il porta un efprit de pa au milieu des armes & des gens de guerre, & demeura inébranlable dans le peril prefent d'une mort visible. Mais enfin eftant devenu par fes foûmiffions victorieux de la fierté de fon frere, il fit voir que tout cede à la pieté, aprés qu'elle-mefme a cedé à la violence, & que Dieu qui regle avec une admirable fageffe la qualité & la durée des maux de ceux quil n'afflige que parce qu'il les aime, change en leur faveur, quand il luy plaift, les ennemis les plus déclarez, & amollit les cœurs les plus endurcis.

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