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legitime sur tous les enfans qui sortent de luy. Cette playe profonde nous montre que nous ne pouvons affez admirer la grace de celuy qui l'est venu reparer, Le ressentiment continuel que nous en devons avoir, nous doit faire rejetter avec horreur les tentations du Demon, qui ne pouvant oublier ses premiers artifices qui luy ont fi bien réüssi; tasche encore tous les jours de nous perfuader en mille manieres que nous pouvons faire innocemment ce que Dieu mesme nous a défendu. Mais comme Eve a reconnu que les menaces de Dieu estoient vrayes, & les promesses du Demon fausses, nous devons de mesme reconnoistre que les menaces, que Dieu nous fait encore aujourd'huy, font tres-veritables, & que les fausses interpretations dont le Demon les colore pour les éluder, ne sont que de vains artifices par lesquels il tasche de surprendre les enfans comme il a furpris le pere.

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Punition d'Adam. Genef. 3.

Dam & Eve estant tombez d'une cheute fi funef- Avant te, commencerent à sentir le premier effet deJ. C. leur faute en voyant qu'ils estoient nuds. Leur nudité ans. ne leur paroissoit pas auparavant dans leur innocence, parce qu'ils estoient purs alors comme des Anges, & que leur corps estoit parfaitement soumis à l'esprit. C'est pourquoy ils commencerent à rougir aussitost aprés leur cheute, & pour se couvrir ils prirent des feuilles de figuier. Ayant ensuite entendu la voix de Dieu qui se promenoit dans le paradis, au lieu d'en estre ravis de joye, comme ils avoient fait jusques alors, ils s'enfuirent de devant luy & se cacherent. Dieu appella Adam & luy demanda où il estoit. Il luy répondit, Qu'il craignoit de paroistre devant luy à cause de sa nudité. Et Dieu luy ayant reproché sa desobeïssance qui seule luy avoit fait connoistre qu'il estoit nud, il s'excusa cruellement en accusant sa femme, & en disant que c'estoit elle qui luy avoit donné ce fruit. Dieu demanda à la femme pourquoy elle

avoit

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avoit fait cela. La femme s'excusa de mesme sur le serpent. Mais Dieu ne recevant point d'excuse dans un fi formel violement de sa loy, maudit d'abord le serpent qui avoit estê le premier auteur de ce mal, le que condamna à ramper sur son ventre & à manger la του terre, & luy prédit que comme il avoit seduit la femme, la femme un jour luy écraseroit la teste. Il prononça ensuite l'arrest à ces deux coupables. Il condamna chacun d'eux à des peines qui ne s'éprouvent que trop veritables encore aujourd'huy. Il dit à la femme qu'il multiplieroit ses peines, qu'elle enfanteroit avec douleur, & qu'elle feroit assujettie à l'homme. Il dit à Adam que puis qu'il avoit préferé la voix de sa femme à la voix de Dieu, la terre feroit maudite, qu'elle luy produiroit des épines & des ronces, & qu'il mangeroit fon pain à la fueur de fon visage, jusqu'à ce qu'il retournast dans la terre dont il avoit efté tiré. Il leur donna enfuite des habits de peaux de bestes, & ajoûtant la raillerie & l'insulte à ces justes chastimens il dit: Enfin Adam est devenu comme un de

Var

de nous, & il connoist le bien & le mal. Empeschons donc qu'il ne mange du fruit de vie, & qu'il ne vive eternellement. C'est pourquoy il les chassa du paradis terrestre, & mit à la porte un Cherubin avec une épée de flame pour garder l'arbre de vie. C'est ainsi qu'ils fortirent de ce lieu de délices pour aller pleurer leur peché & leur effroyable misere dans le reste de la terre qui n'avoit pour eux que des épines, & où ils voyoient par tout des traces sanglantes de leur peché. Ils se souvenoient des biens ineffables qu'ils avoient goûtez d'abord, & pour lesquels ils avoient esté créez; & reffentant les maux qu'ils s'estoient attirez euxmesmes, cette triste comparaison qu'ils pouvoient faire infiniment mieux que nous par l'experience, & la lumiere qui estoit en eux & qui ne peut tomber dans aucun des hommes, les abysma dans une profonde douleur. La veuë de tant d'enfans qui alloient fortir d'eux & dont eux-mesmes avoient esté les parricides, leur perça le cœur, & s'ils ont esté Jes premiers auteurs du peché, ils ont esté aussi les premiers modelles de penitence, qu'ils ont faite d'une maniere qui nous est incomprehenfible. Mais on en parle peu, afin de ne pas donner lieu de croire que la sanctification soit venuë de la mesme source đoù le peché est sorti. Tous les hommes font infiniment obligez au Sauveur qui a reparé ce mal d'une maniere si avantageuse, que l'Eglise puiffe maintenant appeller le peché d'Adam un pechenecessaire, & fa faute une faute bienheureuse. C'est la veuë de cette reparation future qui a esté l'unique confolation d'Adam & d'Eve dans leur douleur.

U

Meurtre d'Abel. Genef. 4.

Nodes effets les plus funestes du peché d'Adam An da fut la mort de fon fils Abel. Le Demon ne pou-Avant vant estre content de ce qu'il avoit déja fait à l'hom-382 me en le perdant dans l'ame, voulut encore le dé-ans.

M. 128.

truire

truire dans le corps. Comme il vit qu'Abel servoit Dieu fidellement, il alluma dans le cœur de Cain fon frere une cruelle envie contre luy. Abel qui estoit pasteur de troupeaux offroit à Dieu en sacrifice ce qu'il avoit de meilleur & de plus gras dans ses étables, & Cain qui s'occupoit à cultiver la terre, luy presentoit de ses fruits. Mais comme Dieu voyoit dans le cœur de ce dernier l'envie dont il estoit ulceré contre son frere, il eut horreur de son sacrifice & eut agreable au contraire celuy d'Abel. Cependant plus Dieu témoignoit se plaire en luy, plus Caïn en concevoit d'aversion; & on vitalors la premiere figure de ce qui devoit arriver dans toute la suite de l'Eglife, où les bons feroient obligez de vivre parmy les mechans, & de souffrir leurs aversions & leurs injuttices. Dieu voulut luy-mesme par sa parole gue rir ce cœur empoisonné par l'envie. Il demanda à Caïn pourquoy il se laissoit abbattre par un chagrin qui le dessechoit, puisque s'il faisoit le bien, il en recevroit le fruit; & que s'il faisoit le mal, fon peché seul luy nuiroit fans que le bien ou le mal des autres le regardast en aucune forte. Mais saint Gregoire remarque fort bien que la parole de Dieu mesme eft inutile aux ames frapées d'envie; & que ce remede souverain qui guerit les autres maux, ne fait qu'aigrir celuy-cy. La passion de Caïn contre fon frere s'augmenta, quoy qu'il ne vist en luy que du bien; & feignant de vouloir se promener avec luy, il luy dit: Sortons dehors, & allons dans la campagne. Abel le suivit avec un esprit de paix; & il estoit trop doux pour s'imaginer de fi furieux tranfports de colere dans son frere. Mais lors qu'ils estoient tous deux dans un champ, Cain s'eleva contre luy & le tua. Son crime ne luy ouvrir point les yeux, & lors que Dieu luy demanda où estoit Abel, il luy répondit avec audace, Qu'il ne sçavoit où il estoit, & qu'il n'en estoit pas le gardien. Mais Dieu voulut dans ce premier exemple du sang injustement répandu apprendre à tous les fiecles à venir qu'il feroit le vengeur des innocens injustement perfecutez par leurs freres. Il reprocha avec force à Caïn le crime qu'il avoit commis; & il luy dit que la voix du fang de fon frere s'élevoit jusques au ciel. Il protesta qu'il feroit maudit fur la terre, que sa main avoit foüillée du sang d'Abel, & qu'il y feroit fugitif & vagabond toute fa vie. Les faints Peres ont toujours regardé la mort d'Abel comme la figure de la mort de JESUS-CHRIST & des Chreftiens perfecutez par leurs propres freres. Ils ont admire que Caïn qui est le premier des enfans d'Adam ait donné cette grande instruction à tous ceux qui l'ont suivy, qui leur apprend que s'ils ne craignent pas Dieu, ils doivent craindre au moins d'imiter l'envie & la haine de Caïn en perfecutant leurs freres, puis qu'ils ne laisseront pas d'estre homicides dans -leur cœur par leur seule aversion, comme dit l'Apoftre, quoy qu'ils ne trempent pas leurs mains dans leur fang. Et s'ils font vrais disciples de JESUSCHRIST, ils ne craindront point d'estre exposez dans ce monde à la persecution & à l'injustice, puis

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B

que

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