Imagens das páginas
PDF
ePub

leurs befoins; ce Prince les renvoya à Jofeph qui écoutoit favorablement leurs demandes & ne rebutoit perfonne: La terre de Chanaan né fut pas épar L'an- gnée dans cette fterilité fi extraordinaire. C'est pourquoy Jacob fçachant que l'on vendoit du blé en fuivan- Égypte, dit à fes enfans qu'ils y allaffent pour en acheter. Jofeph les reconnut auffi-toft, mais il ne fe

neć.

to.

fit

t pas connoiftre; & dans la crainte qu'ils n'euffent traité le petit Benjamin comme ils l'avoient traité luy-mefme, il fit femblant pour en éclaircir qu'il les prenoit pour des efpions. Pour fe juftifier de ce reproche, ils dirent qu'ils eftoient tous fils d'un mefme pere, qui eftoit en Chanaan avec le plus jeune de leurs freres. Jofeph leur dit que pour eftre affuré que cela eftoit vray, ils luy aiffaffent un d'entre eux en oftage & qu'ils luy amenaffent ce jeune frere dont ils luy parloient. Ce fut alors que l'extremité où ils fe virent reduits les fit fouvenir du mal qu'ils avoient fait à Jofeph & comme ils s'en plaignoient entre eux dans la langue de leur pays, Jofeph en fut touché

juf

jufqu'au fond du cœur & fe détourna d'eux pour pleurer. Il revint enfuite, & fe contentant de retenir Simeon prifonnier, il renvoyales autres, & ordonna qu'on emplift leurs facs de blé, & qu'on y remist leur argent. Lors qu'ils furent revenus chez leur pere, Jacob ne pût le confoler de l'engagement où ils s'étoient expofez de luy arracher Benjamin. Il fe fouvint de la douleur que luy avoit autrefois caufée la perte de Jofeph, & il dit refolument qu'il ne laifferoit point aller ce dernier & le plus cher de ses enfans. Les faints Peres ne fe laffent point d'admirer dans toute la fuite de cette histoire la providence avec laquelle Dieu gouverne toutes chofes, & aux ordres de laquelle nul homme ne peut refifter. Tout ce que les freres de Jofeph avoient apprehendé, leur arrive. Ils l'avoient vendu pour empefcher fa grandeur qui avoit efté prédite par fes fonges; & il devind grand, parce qu'ils l'avoient vendu. Il faloit qu'ils l'humiliaffent afin qu'il fuft élevé, & fa gloire avoit befoin de leur haine. Dieu a voulu marquer ces hiftoires dans fon Ecriture, afin de convaincre les plus incredules, que c'eft luy qui regle tout dans le monde, que les hommes ne peuvent s'oppofer à fa volonté, qu'il furprend les plus habiles dans leurs adreffes; & que comme a dit le plus fage de tous les Rois, il n'y a point de fageffe, ny de prudence, ny de confeil qui puiffe luy refifter; puis qu'il fe fert de la refiftance mefme des hommes pour accomplir fes deffeins, & pour faire par eux & malgré eux tout ce qu'il luy plaift avec une facilité toute-puiffante.

[ocr errors]

Jofeph reconnu de fes freres. Genef. 45.

L'an du M. 2298.

A famine qui croiffoit de jour en jour fit bien-toft refoudre Jacob à laiffer aller Benjamin en EgypAvant te, de peur de voir mourir de faim celuy dont il crai7.C gnoit que l'abfence ne le fit mourir. Judas aida beau

coup à arracher ce confentement de Jacob, & il luy promit avec toute la certitude poffible de luy répondre de Benjamin & de le luy ramener. Ils partirent donc avec des presens pour Jofeph, qui ayant veu fes freres & le petit Benjamin, donna ordre qu'on les fift entrer, & qu'on préparaft un feftin. Ils ne comprirent pas la raison de ce traitement. La crainte les faifit d'abord à caufe de l'argent qu'ils avoient trouvé la premiere fois dans leurs facs; & pour prévenir la prifon, ils dirent à l'Intendant de Jofeph qu'ils rapportoient cet argent. Lors que cet Intendant les confoloit & qu'il leur eut fait voir Simeon leur frere, Jo

feph

feph entra pout fe mettre à table. Ils l'adorerent & luy offrirent leurs prefens que Jofeph receut de bon cœur. Il leur parla avec douceur, & il leur demanda des nouvelles de leur pere. Mais la veuë de fon jeune frere qui eftoit comme luy fils de Rachel, le toucha fenfiblement; & aprés luy avoir fouhaité les benedictions du ciel, les larmes qui témoignoient fa tendreffe l'obligerent de fe retirer pour pleurer avec plus de liberté. Eftant rentré auffi-toft avec un vifage ouvert, il fe mit à table & y fit mettre fes freres. Ce jour fe paffa dans la joye, & lors que les freres de Jofeph eftoient prefts de s'en retourner, Jofeph fit emplir leurs facs de blé, & remettre leur argent comme la premiere fois. Mais il commanda qu'on mift fa coupe dans le fac de Benjamin. A-peine eftoient-ils partis qu'il fit courir aprés eux l'Intendant de fa maison, qui fe plaignit de ce qu'ils luy rendoient le mal pour le bien ayant volé la coupe de fon maiftre. Ils s'excuferent tous de ce crime, & ils confentirent que celuy qui fe trouveroit coupable de ce vol, demeurait prifonnier. On vifita leurs facs & on trouva enfin cette coupe dans le fac de Benjamin. Tous les autres furent alors dans une étrange confternation. Ils s'offrirent tous de demeurer prifonniers au lieu du petit Benjamin. Judas fit plus d'inftances que les autres. Il reprefenta hardiment à Jofeph la promeffe qu'il avoit faite à fon pere de luy ramener Benjamin, & il affura qu'il ne pourroit apprendre qu'un fils qui luy eftoit fi cher fuft demeuré captif, fans qu'il fuft en danger de perdre la vie. Enfin Jofeph ne pouvant plus fe retenir il commanda à tout le monde de fortir: & eftant feul avec fes freres il jetta un grand cry & leur dit qu'il eftoit Jofeph. Ils furent auffi-toft remplis de frayeur & d'étonnement; mais Jofeph pour les confoler leur dit que c'eftoit par un ordre particulier de Dieu qu'ils l'avoient traité de la forte, & qu'il eftoit venu dans ce pays pour les fauver de la famine. Il les embraffa tous & leur dit qu'ils fe haftaffent de porter cette nouvelle à leur pere, afin de le faire venir avec toute fa famille dans des chariots que Pharaon ravy de joye

de

de ce qui eftoit arrivé leur fit donner avec une mag nificence digne d'un Prince qui reconnoiffoit l'obligation qu'il avoit à un fi fage Miniftre. Cette hiftoire fait voir d'elle mefme, comme difent les faints Peres, quelle eftoit la douceur de ce faint Patriarche, & combien il doit apprendre aux Chreftiens à oublier les injures. Il excufe luy-mefme ceux qui l'avoient offenfé; & bien loin de leur en faire le moindre reproche, il travaille à diffiper la frayeur dont la veuë de leur crime les rempliffoit. Ayant une fouveraine puiffance pour les punir, il ne l'employe que pour leur faire du bien, & au lieu d'un vifage de colere ils ne voient en luy que des marques de tendreffe. La charité de ce Saint a efté une admirable figure de cette prodigieufe bonté de JESUS -CRHIST qui ayant efté vendu par fes propres freres, non feulement leur a pardonné une mort fi cruelle, mais a rendu encore le fang mefme qu'ils avoient verfé, le prix de leur redemption & la guerifon de leurs playes.

Jacob va en Egypte. Genef. 46.

Uffi-toft que les freres de Jofeph furent retourAnezen Chunaan & qu'ils eurent dit à Jacob que Jofeph fon fils vivoit & qu'il eftoit tout-puiffant en ce royaume, ce faint homme entra comme dans un profond affoupiffement. Lors qu'il en fut revenu & qu'il eut appris plus en particulier la conduite que Dieu avoit tenue fur fon fils, il ne penfa plus qu'à l'aller trouver, afin de mourir content aprés l'avoir veu. Il fufpendit un peu le deffein de tranfporter toute fa famille en Egypte, à caufe des promeffes que Dieu luy avoit faites de luy donner cette terre de Chanaan. Il craignit que fa race eftant comme charmée des delices de l'Egypte ne penfaft plus à retourner en ce lieu, & qu'elle ne préferaft le plaifir qu'elle trouveroit dans une terre étrangere au bonheur que Dieu luy refervoit dans ce pays qui devoit eftre fa veritable patrie. Mais Dieu luy ofta cette peine dans

unc

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »