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Moyfe de l'aller encore trouver de fa part, & de luy commander de nouveau qu'il laiffaft aller fon peuple. Moyfe vint au devant de luy fur le bord du Nil, fans fe mettre en peine des menaces qu'il luy avoit faites; & luy parlant avec une liberté toute fainte qu'il accompagnoit toûjours neanmoins de fa douceur & de fon humilité ordinaire, il le pria de luy permettre de mener le peuple de Dieu dans le defert pour luy offrir un facrifice. Et comme il le refufa, Moyfe commanda à Aaron d'étendre fa verge fur le Nil auprés duquel ils eftoient, & en un moment toutes les eaux de ce fleuve, & en general toutes les eaux de l'Egypte furent' changées en fang, & tous les poiffons moururent. Ce fut la la premiere playe de l'Egypte, qui figuroit la playe dont Dieu frapperoit dans toute la fuite des fiecles ceux qui feroient incredules à fa parole, lors qu'au lieu des plus pures eaux de fa verité ils ne trouveroient que du fang, c'eft à dire des opinions toutes terreftes & toutes charnelles. On ne peut trop admirer l'endurciffement de Pharaon qui ne s'étonnoit point de ce prodige. Il eft vray que fes enchanteurs y contribuerent beaucoup, en contrefaifant d'abord ce que Dieu faifoit par Moyfe, & donnant ainfi un prétexte fpecieux à cePrince qui ne travailloit qu'à s'aveugler luymefme. Mais néanmoins il n'eftoit pas excufable, puifque fes enchanteurs ne pouvoient que faire le mal fans pouvoir le reparer. 11s pouvoient bien comme Moyfe changer l'eau en fang; mais ils ne pouvoient pas changer ce fang comme Moyfe, & faire qu'il redevint eau. Ainfi quoy que les playes dont Moyfe frappoit ce Prince, le deuffent perfuader de la verité, il devoit neanmoins en eftre perfuadé davantage par la ceffation de ces mefmes playes, à la priere de celuy qui les avoit faites. Mais tout eft inutile à un efprit qui eft une fois frappé d'aveuglement, & rien n'eft capable fur la terre d'amollir un cœur qui s'endurcit comme le fer aux coups mefmes qu'il reçoit du ciel, & que Dieu a abandonné à fa propre malice par un juste jugement.

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Les playes de l'Egypte. Exod. 8.

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A premiere playe, qui eftoit le changement des eaux en fang, ayant efté inutile, Dieu envoya les fuivantes.

La feconde playe fut celle des grenouilles qui remplirent toute l'Egypte & cette playe, felon faint Auguftin, marquoit celle dont Dieu frappe maintenant les hommes lors qu'ils fe répandent en paroles, & qu'ils mettent toute la piete en de vains diicours.

La troifiéme fut celle des petits infectes piquans, qui marquoient la playe dont l'Eglife feroit affligée par les difputes & les diffentions de ceux qui aimeroient à troubler fon repos & à inquieter les ames.

La quatriéme fut celle des mouches tres-importumes; qui marquoient la playe dont les hommes font frappez lors qu'ils font livrez à des inquietudes d'efprit, qui les empefchent de goûter la douceur d'une veritable paix.

La

La cinquiéme fut la pefte qui extermina toutes les beftes, & qui marquoit que tous ceux qui dans l'Eglife vivroient comme des animaux fans raifon, feroient frappez d'une pefte invifible qui feroit mourir leur ame quoy qu'elle épargnaft leur corps.

La fixiéme playe paffa des beftes aux hommes mefme, & les remplit d'ulceres & de puftules enflées, qui marquoient une malice noire, qui eft dans l'ame ce qu'eft dans le corps le pus d'un ulcere. Ces puftules enflées & toutes en feu marquoient admirablement la playe de ceux que Dieu abandonne à l'orgueil & à la colere.

La feptiéme eft la grefle, qui brifa tout ce qui fe trouva exposé à fa violence, qui figuroit les injuftices & les emportemens de ceux qui ruinent par envie les travaux des autres, & qui periffent eux-mefmes par le mal qu'ils font, comme la grefle fe fond aprés les ravages qu'elles a caufez fur la terre.

La huitiéme arriva vers le huitiéme jour. Ce fut celle des fauterelles, qui dévorerent tout ce qui eftoit refté de verd dans la campagne. Cette playe reprefente les maux que font dans l'Eglife les faux témoignages, parce que les fauterelles, comme les faux témoins, ne nuifent que par leur bouche.

La neufiéme eft celle des ténebres, qui figuroit cet effroyable obfcurciffement qui eft dans l'ame des méchans, pendant que les bons joüiffent d'une lumiere tres-pure. Et il faut remarquer icy ce qui eft dit dans le livre de la Sagefle, que Dieu ne punit la dureté de Pharaon, que par partie; & non tout d'un coup, pour faire voir fa douceur dans fa colere mefme, & le defir qu'il a que fes punitions plus legeres faffent éviter les plus importantes. Quand Dieu veut punir en Dieu, il ne fe fert pas de mouches ny de grenouilles. Il luy eftoit auffi facile, comme dit le Sage, d'envoyer tout d'un coup des lions pour exterminer les Égyptiens, que de les avertir d'abord par des mouches de penfer à eux. Mais il fe retient par la veuë de la foibleffe des hommes, & il veut bien fe contenter d'une playe plus douce, afin que les

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hommes tremblans aux premiers coups qu'il leur fait fentir, jugent de ce qu'il fera lors qu'il les punira dans toute l'effufion de fa colere. Car Dieur veut qu'on fçache qu'il doit eftre craint; & quand il trouwe des Pharaons, c'est à dire, des cœurs endurcis à tout, il déploye fon bras contre eux; & aprés les avoir fait paffer par tous les degrez de fa colere fans les avoir pû fléchir, il eft forcé en quelque forte d'en venir aux extrémitez où le reduit l'impenitence de ces ames inconvertibles, & d'eftre auffi ferme dans fa justice, qu'elles le font dans leur opiniaftreté.

L'Agneau de Pafque. Exod. 12.

Ors que les neuf premieres playes de l'Egypte ne pouvoient vaincre l'opiniaftreté de Pharaon, Dieu avant la dixiéme voulut que toutes les familles des Juifs immolaffent l'Agneau, qu'il leur avoit commandé de tenir preft dés le dixième du mesme

mois, c'eft à dire avant la playe des tenebres. Il ordonna auffi la maniere dont ils le devroient manger, fçavoir qu'ils fe tinffent debout, qu'ils euffent un baston à la main, & qu'ils fuflent prefts à partir comme des perfonnes qui font voyage. Mais l'ordre le plus formel fut qu'en chaque maifon où l'on immoleroit cet agneau on euft foin de mettre de fon fang fur le haut de la porte, afin que l'Ange qui frapperoit toutes les autres maifons, épargnaft celles qu'il verroit teintes de ce fang. Les enfans d'Ifraël firent ce que Dieu leur commanda. Et lors que le quinziéme de ce mefme mois ils fe furent assemblez par familles fur le foir, pour manger l'agneau qu'ils avoient immolé, Dieu au milieu de la nuit frappa tous les premiers nez d'Egypte, depuis le premier né de Pharaon, qui eftoit affis fur fon thrône, jufqu'au premier né de la derniere des efclaves, & jufqu'aux premiers nez mefme des beftes, fans toucher aux premiers nez dés Ifraelites. Pharaon fe leva au milieu de la nuit saifi de la mort fi furprenante de fon fils; & chaque maifon fe trouvant auffi frappée de la mefme playe, la frayeur remplit toute l'Egypte, & chacun craignit pour luy-mefme ce qu'il voyoit eftre arrivé au plus cher de ses enfans. On reconnut bien sensiblement en cette rencontre, que Dieu difpofe comme il veut des hommes, & qu'il les contraint enfin de faire tout ce qu'il luy plaift, Pharaon qui avoit jufqu'alors refifté aux ordres de Dieu & à Moyfe, fut le premier à prier les Ifraëlites de s'en aller. Il ne mit aucune borne au pouvoir qu'il leur donnoit, & il leur permit d'emmener avec eux tous leurs enfans & tous leurs troupeaux. Il ne leur demandoit qu'une grace, qui eftoit de se hafter, & tous les Egyptiens leur firent auffi la mefme priere. Ils partirent donc le lendemain L'An de la Pafque, le mefme jour que furent accomplies les 430. années que Dieu avoit predit à Abraham que Avant fa pofterité feroit estrangere & mal-traitée fur la ter-J.C. re, eftant au nombre de fix cens mille combattans, fans les femmes & les enfans. Mais avant que de s'en aller, ils avoient fait ce que Dieu leur avoit com

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mandé,

du M.

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