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de nous, & il connoift le bien & le mal. Empefchons donc qu'il ne mange du fruit de vie, & qu'il ne vive eternellement. C'eft pourquoy il les chafla du paradis terreftre, & mit à la porte un Cherubin avec une épée de flame pour garder l'arbre de vie. C'eft ainfi qu'ils fortirent de ce lieu de délices pour aller pleurer leur peché & leur effroyable mifere dans le refte de la terre qui n'avoit pour eux que des épines, & où ils voyoient par tout des traces fanglantes de leur peché. Ils fe fouvenoient des biens ineffables qu'ils avoient goûtez d'abord, & pour lefquels ils avoient efté créez; & reffentant les maux qu'ils s'eftoient attirez euxmefmes, cette trifte comparaifon qu'ils pouvoient faire infiniment mieux que nous par l'experience, & la lumiere qui eftoit en eux & qui ne peut tomber dans aucun des hommes, les abyfma dans une profonde douleur. La veuë de tant d'enfans qui alloient fortir d'eux & dont eux-mefmes avoient esté les parricides, leur perça le cœur ; & s'ils ont efté les premiers auteurs du peché, ils ont efté auffi les premiers modelles de penitence, qu'ils ont faite d'une maniere qui nous eft incomprehenfible. Mais on en parle peu, afin de ne pas donner lieu de croire que la fanctification foit venuë de la mefme fource d'où le peché eft forti. Tous les hommes font infiniment obligez au Sauveur qui a reparé ce mal d'une maniere fi avantageufe, que l'Eglife puiffe maintenant appeller le peché d'Adam un peché neceffaire, & fa faute une faute bienheureuse. C'est la veuë de cette reparation future qui a efté l'unique confolation d'Adam & d'Eve dans leur douleur,

Meurtre d'Abel. Genef. 4.

l'An da

UN.des effets les plus funeftes du peché d'Adam M. 113.

128.

fut la mort de fon fils Abel. Le Demon ne pou-Avant vant eftre content de ce qu'il avoit déja fait à l'homme en le perdant dans l'ame, voulut encore le dé

truire

3872

ans.

truire dans le corps. Comme il vit qu'Abel fervoit Dieu fidellement, il alluma dans le cœur de Cain fon frere une cruelle envie contre luy. Abel qui eftoit pafteur de troupeaux offroit à Dieu en facrifice ce qu'il avoit de meilleur & de plus gras dans fes étables, & Cain qui s'occupoit à cultiver la terre, luy prefentoit de les fruits. Mais comme Dieu voyoit dans le cœur de ce dernier l'envie dont il estoit ulceré contre fon frere, il eut horreur de fon facrifice & cut agreable au contraire celuy d'Abel. Cependant plus Dieu témoignoit fe plaire en luy, plus Caïn en concevoit d'averfion; & on vit alors la premiere figure de ce qui devoit arriver dans toute la fuite de l'Eglife, où les bons feroient obligez de vivre parmy les mechans, & de fouffrir leurs averfion; & leurs injuftices. Dieu voulut luy-mefme par fa parole gue rir ce cœur empoifonné par l'envie. Il demanda à Cain pourquoy il fe laiffoit abbattre par un chagrin qui le deffechoit, puifque s'il faifoit le bien, il en

rece

recevroit le fruit; & que s'il faifoit le mal, fon peché feul luy nuiroit fans que le bien ou le mal des autres le regardaft en aucune forte. Mais faint Gre goire remarque fort bien que la parole de Dieu mefme eft inutile aux ames frapées d'envie; & que ce remede fouverain qui guerit les autres maux, ne fait qu'aigrir celuy-cy. La paffion de Caïn contre fon frere s'augmenta, quoy qu'il ne vist en luy que du bien; & feignant de vouloir fe promener avec luy, il luy dit: Sortons dehors, & allons dans la campagne. Abel le fuivit avec un efprit de paix; & il eftoit trop doux pour s'imaginer de fi furieux tranfports de colere dans fon frere. Mais lors qu'ils eftoient tous deux dans un champ, Cain s'eleva contre luy & le tua. Son crime ne luy ouvrir point les yeux, & lors que Dieu luy demanda où eftoit Abel, il luy répondit avec audace, Qu'il ne fçavoit où il eftoit, & qu'il n'en eftoit pas le gardien. Mais Dieu voulut dans ce premier exemple du fang injuftement répandu apprendre à tous les fiecles à venir qu'il feroit le vengeur des innocens injuftement perfecutez par leurs freres. Il reprocha avec force à Caïn le crime qu'il avoit commis; & il luy dit que la voix du fang de fon frere s'élevoit jufques au ciel. Il protefta qu'il feroit maudit fur la terre, que fa main avoit fouillée du fang d'Abel, & qu'il y feroit fugitif & vagabond toute fa vie. Les faints Peres ont toûjours regardé la mort d'Abel comme la figure de la mort de JESUS-CHRIST & des Chreftiens perfecutez par leurs propres freres. Ils ont admiré que Cain qui eft le premier des enfans d'Adam ait donné cette grande inftruction à tous ceux qui l'ont fuivy, qui leur apprend que s'ils ne craignent pas Dieu, ils doivent craindre au moins d'imiter l'envie & la haine de Caïn en perfecutant leurs freres, puis qu'ils ne laifferont pas d'eftre homicides dans leur coeur par leur feule averfion, comme dit l'Apoftre, quoy qu'ils ne trempent pas leurs mains dans leur fang. Et s'ils font vrais difciples de JESUSCHRIST, ils ne craindront point d'eftre expofez dans ce monde à la perfecution & à l'injustice, puis

B

que

que comme dit faint Gregoire, ce luy-là refufe d'eftre Abel, qui ne veut pas fouffrir la haine & la violence de Caïn.

L'Arche de No?. Genef. 6.

M.1536

An du E mefme efprit qui avoit porté Caïn à tuer fon frere, ne differa pas longtemps à fouiller toute J. C. la terre par mille fortes de crimes. A mefure que les 2408. hommes fe multiplioient, l'impieté croiffoit auffi

Avant

dans le monde; & à peine Adam eftoit-il mort, que la malice de fes enfans eftoit déja montée à un tel excés que Dieu ne la pouvoir plus fouffrir. Il vit avec une douleur profonde,comme marque l'Ecriture, que tous les hommes ne penfoient qu'au mal, & ne reconnoiffant prefque plus dans eux aucune trace de fon ouvrage, il fe repentit d'avoir fait l'homme qui deshonoroit la terre par fes vices, au lieu qu'il avoit efté creé pour en eftre la gloire & le principal ornement. II

refo

Avant

refolut donc enfin d'exterminer l'homme & avec luy tous les animaux de la terre qui avoient esté infectez en quelque forte par la contagion de fon peché. Mais dans ce déluge de crimes il fe trouva un jufte qui s'eftoit confervé dans l'innocence. Noétrouva grace devant le Seigneur, & lors que Dieu eftoit le plus irrité contre le monde, il en devint le reconciliateur, comme parle l'Ecriture, & fut deftiné pour empefcher que le monde ne perift entierement. Dieu luy declara donc qu'il avoit refolu de punir la terre par un deluge viverfel: mais que comme il avoit reconnu qu'il eftoit jufte, il vouloit le feparer de la punition des autres hommes comme il s'eftoit feparé luy mefme de leur malice. Il luy ordonna de fe faire une arche, l'An du & luy marqua tres-exactement toutes les mesures & M.1556 toutes les proportions qu'elle devoit avoir, afin que j. c. lors que le temps du deluge feroit arrivé, il y entraft 2448. avec fa famille & y fauvaft le refte des animaux. Noé fit tout ce que le Seigneur luy avoit commandé. 11 s'appliqua à la conftruction de l'arche qui dura cent ans à baftir; & l'infenfibilité que les hommes de ce temps-là témoignerent lors qu'ils voyoient faire ce baftiment, & qu'ils fçavoient le fujet pour lequel on le faifoit, fans fe mettre en peine de fe corriger de leurs defordres, eft felon JESUS-CHRIST la figure de l'infenfibilité des Chreftiens,qui fçachant les maux dont Dieu les menace dans fon jugement, & qui neanmoins ne fe corrigeant pas de leurs crimes, feront furpris de Dieu comme les hommes le furent alors par le deluge. Dieu qui ne punit les hommes qu'à regret, fait toûjours voir quelques traces de fa bonté dans fa plus grande colere: & on voiticy qu'il n'avertit les hommes fi long-temps avant leur uine, qu'afin de les porter à la prevenir. Il fait encore tous les jours la mefme chofe en menaçant les hommes de la rigueur de fon jugement à venir. Que s'ils méprifent fes avertiffemens, comme on les méprifa alors, le grand nombre de coupables n'empefchera pas qu'il ne les puniffe. Il fait voir affez fenfiblement dans ce deluge qu'il n'épargne pas les pecheurs quand tout le B 2

mon

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