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printemps, le chant des rossignols, les fleurs, quelquefois la chevalerie et la guerre, sont les sujets communs à tous les deux; mais un autre caractère domine dans l'expression des mêmes sentimens. Le parallèle des Troubadours avec les chantres d'amour, leurs contemporains en Allemagne, pourroit être fait d'une manière piquante.

Lorsque je soutiens l'originalité de notre poésie du moyen âge, je ne veux parler que du genre lyrique. Les romans françois de chevalerie ont eu un grand succès sur l'autre rive du Rhin: ils ont été imités plus ou moins librement par nos poètes du treizième siècle. Mais, à côté de ces fictions étrangères, nous avons en abondance des poésies héroïques indigènes, fondées sur les plus anciennes traditions nationales.

L'on cite par mi les protecteurs des Troubadours l'empereur Frédéric-Barberousse. Jean de NotreDame lui attribue un couplet en langue provençale. M. Ginguené reproche à Voltaire de s'être trompé en donnant Frédéric II pour auteur de ces vers: je crois, au contraire, que Voltaire a rectifié une erreur. Nous n'avons pas d'autres garans de ce petit fait que les anciens biographes des Troubadours, auteurs du quatorzième siècle, dont les récits ne sont que trop souvent suspects. Si ce couplet, assez insignifiant, est en effet d'un empereur allemand, il ne peut avoir été fait que par Frédéric II. FrédéricBarberousse ne savoit qu'imparfaitement la langue romane, et il ne l'aimoit pas; d'ailleurs, ces vers ne sont pas dans son caractère. Mais Frédéric II étoit né en Sicile; il a passé sa vie dans les pays de langue romane, et il accueilloit tous les divertissemens favoris de son siècle. Au reste, les princes de la maison de Hohenstaufen, quoiqu'ils régnassent en Italie, ont toujours conservé de la prédilection pour leur langue maternelle. Nous avons des chansons d'amour composées en allemand par l'empereur Henri VI et par l'infortuné Conradin. Mainfroi, fils naturel de Frédéric II, étoit tellement passionné pour la poésie nationale, qu'au fond de l'Italie et à la veille d'ètre attaqué par Charles d'Anjou, il avoit son camp rempli de ménétriers et de poètes allemands, dont les chants amoureux contrastoient avec le bruit des armes et la trompette guerrière.

Les recueils publiés par M. Raynouard donneront matière à des recherches sur la littérature provençale perdue. Il est certain que ce qui nous en reste n'est que la moindre partie. Jean de Notre-Dame fait mention de beaucoup d'ouvrages des Troubadours, d'après leurs anciens biographes; mais, dans cette énumération, je ne vois point de romans de chevalerie; car il paroît que le récit des amours d'André de France, composé par Pons de Brueil, n'en étoit pas un. L'histoire de cet homme, devenu éperdument amoureux de la reine de France, qu'il n'avoit jamais vue, doit avoir été plutôt un roman dans l'acception moderne de ce mot; la peinture d'une passion malheureuse sans mélange d'aventures chevaleresques. Cependant il y a eu des romans de chevalerie en langue provençale. On en connoît encore trois aujourd'hui le roman de Jaufre et celui de Gerard de Roussillon, en vers, et Philomena, en prose. D'après un passage du Dante, il paroîtroit qu'Arnaud Daniel avoit composé des romans:

Versi d'amore, e prose di romanzi
Soverchiò tutti.

Toutefois, il se pourroit que le Dante eût compris sous la dénomination de romans, tous les écrits quelconques composés en langue vulgaire. Les Troubadours font souvent allusion aux fictions chevaleresques: mais il ne s'ensuit pas qu'ils les aient lues ou entendu réciter dans leur langue; ils pouvoient les connoître par les originaux françois. Je crois cependant que la plupart des romans de chevalerie, composés d'abord en françois, ont été traduits ou imités en langue provençale. Dans un fameux passage de

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son poëme, le Dante fait dire à Francesca di Rimini:

Noi leggevamo un giorno per diletto
Di Lancilotto, come amor lo strinse.

En quelle langue Francesca lisoit-elle l'histoire de Lancelot? On n'a aucune connoissance de traductions aussi anciennes des romans de chevalerie en italien. Le françois étoit alors peu connu en Italie, le provençal en revanche y étoit fort répandu. Il est donc probable que le livre dont le charme séducteur, devint si funeste aux deux amans, étoit écrit en cette langue.

On a pu facilement traduire en provençal les romans de chevalerie françois; ce n'est pas là le point essentiel de la question. Mais il seroit intéressant de savoir si le midi de la France a produit des fictions originales en ce genre. La vraie pépinière des romans de chevalerie, c'étoient la Normandie et les provinces voisines. Les traditions fabuleuses d'Artus et de la Table ronde ont été rapportées d'Angleterre par les Normands établis en ce pays par la conquête. Le grand mérite des romans de chevalerie est dans l'invention: un merveilleux gigantesque, des situations frappantes, des caractères fortement tracés, une grande profondeur, une noble persévérance dans les sentimens passionnés des principaux acteurs, voilà ce qui distingue ces poëmes, remarquables par leur puissante réaction sur l'esprit du moyen âge dont ils étoient le reflet. Ce mérite de la fiction est encore peu connu en France, parce que M. de Tressan et d'autres littérateurs, en donnant des extraits des romans de chevalerie, ne sont presque jamais remontés aux véritables originaux. Les romans versifiés des douzième et treizième siècles sont déjà fort imparfaits dans l'exécution; ils rebutent par les longueurs d'un style lâche et trop peu élevé au-dessus de la prose. Il faut, comme les amateurs de médailles, savoir reconnoître la belle empreinte sous cette rouille. Le défaut général des romans de chevalerie est une narration traînante, défaut qui devient insupportable dans les romans en prose, composés vers le quinzième siècle. Il y a dans ces gros in-folio tant de coups d'épée et de lance, que le chevalier le plus insatiable en fait de combats devoit y trouver de quoi se satisfaire pendant toute sa vie. Les fictions originales y sont fort altérées aussi, ou du moins noyées dans la multiplicité des aventures.

Je crois qu'on ne sauroit refuser aux poètes du midi l'invention de plusieurs fables chevaleresques, quoique le nord de la France ait été plus fécond en ce genre; et je vais faire connoître le nom d'un

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