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fon Pere à Pharaon pour le faluer; & comme il fouhaittoit qu'ils demeuraffent tous dans un païs de l'Egipte fepaté des Egiptiens,il ne rougit point dans fa grandeur de porter fon pere & fes freres à declarer devant le Roi qu'ils étoient d'une condition que les Egiptiens ne regardoient qu'avec horreur,c'est à dire qu'ils étoient pasteurs. Aiant donc obtenu du Roi la terre de Geffen pour y habiter, ils ne fentirent aucun mauvais cffet de la famine; & ce grand peuple d'ifrael qui étoit alors renfermé en foixante & dix perfonnes, fut fauvé par la providence & par la bonté de Jofeph. C'eft ainfi, comme remarque faint Chrifoftome, que Dieu regle les chofés à l'égard des élus, & qu'il fair que dans leur vie les évenemens heureux & malheureux fe fuccedent les uns aux autres avec une admilable varieté. Il les afflige depeur qu'une felicité continuelle ne les éleve; & il les confole de peur qu'ils ne fuccombent fous le poids des maux. Il fut avantageux alors à Jacob d'avoir perdu durant quelque tems fon fils Jofeph, & à Jofeph d'avoir été feparé d'avec fon pere? puis qu'ils receurent dans cette réunion un comble de joie qui effaça toutes leurs douleurs paflées.Mais fi au contraire les enfans de Jacob ont été bien traitez quelques tems par les Egiptiens, ce peuple infidelle leur fera éprouver enfuite tout ce quel'inhumanité peut infpirer à des hommes barbares & ennemis de Dieu. Car l'Egipte, comme difent les faints Peres, c'eft-à dire le monde eft toûjours à craindre aux vrais Ifraelites. Quelques careffes qu'ils leur témoignent d'abord ils ne doivent jamais s'y fier. Ils reconnoiffent toûjours tôt ou tard qu'il leur eft fâcheux d'y être venus, lors même qu'ils y ont été contraints par des neceffités inévi tables; & ils trouvent comme dit faint Bernard, que la faim qui contraint d'aller en Egipte eft toûjours à craindre.

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L'an.

du M.

2315.

mourir il fit venir fon fils Jofeph, & le conjura qu'aprés fa mort il le transfportât das le tombeau Avát de fes peres. Il benit enfuite fes enfans, & mourut j.C. âgé de cent quarante-fept-ans.Jofeph, dit l'Ecri- 1689 ture, fe jetta fur fon vifage & repandit beaucoup de larmes. Il fit enbaumer fon corps;& aprés l'avoir pleuré plusieurs jours, il fit prier Pharaon par ceux qui l'aprochoient de plus piés,d'agréer qu'ilportât le corps de fon pere dans la terre de Chanaan. Lesplus confiderables de l'Egypte l'acompanerét dans cette põpe funebre,& aprés que Jofeph eut mis le corps de Jacob avec celui d'Abraham & d'Ifaac, il retourna en Egipte où il demeura toûjours dans la même autorité, parce qu'il en ufoit L'an. avec tant de prudence, tant de bonté & de defin- du M. teressement, qu'il ne fe croïoit élevé dans cette Avat gradeur que pour l'avantage des autres. Lors qu'il C. fent it approcher la fin de fa vie, il demanda à fes 2655. freres la même grace que Jacob fon pere lui avoit demandé, & les pria qu'ils euffent foin de tranf- Raporterfes os dans la terre de Chanaan. Ils le lui mefpromirent, & il mourut enfuite âgé de cent dix fez ans en aiant comandé 80.à toute l'Egypte.Ils emMia

J.

mam

l'an

baumerent fon corps qu'ils mirent en dépôt dans qui un des tombeaux d'Egipte. Plufieurs années aprés regna la mort de Jofeph,la face des chofes chagea beau- 68. coup en ce pais la. Un nouveau Roi ennemi des deHebreux appellé auffi Pharaon, qui étoit le nom puis des Rois d'Egipte, bien loin d'avoir pour eux la du M. même déference que fes predeceffeurs, eur au con- 2427traire de la jaloufie de ce qu'ils fe multiplioient fi juffort. Il refolut donc de les perdre,mais fagement. ques Il commença par engager ce peuple en des travaux penibles de brique & de terre.Mais cette oppref- 2494

fon le faifant croître davantage pour marquer par avance que les afflictons du monde ne ferviroient qu'à multiplier l'Eglife, Pharao prit une autre voJe qui étoit de faire mourir tous leurs en fans mâles C'est pourquoi ce Prince ordonna aux fages femmes que lors qu'e les accoucheroient les femmes Ifraëlites, elles étouffaffent leurs petits en fortant du fein de la mere. Les fages femmes eurent horreur d'un ordre fi barbare. Elles craignirent Dieu & refuferent d'obeir à ce commandement cruel? pour épargner ces innocens qu'on leur comandoit de tuer.Pharaon fut irrité qu'on refiftât â fes ordres. Il ordonna à fon peuple de prendre ces petits enfans mâles & de les jetter dans le Nil & il fr de feveres reprimandes aux fages-femmes de ce qu'elles n'avoient pas accópli fes ordres.Mais Dieu dit l'Ecriture approuva la conduite de ces fagesfemmes,& recompenfa même leur picufe defobeiffance,en établissant leurs maifons. Et quoi qu'il n'aprouvât pas le menfonge dont elles s'étoiet fervies pour s'excufer,il benit neanmoins la tendreffe qu'elles témoignerent pour fon peuple dans une oppreffion fi injufte. Il femble que toute l'humanité étoit alors renfermée dans ce peu de femmes. Ec lorsque tout un peuple & tout un Royaume obeïffoit fans difcernement aux ordres d'un Prince cruel, elles feules preferent Dieu aux hommes, & la crainte de fa justice à la crainte de Pharaon. Trop heureufes,dit S. Anguftin, fi ajoûtant encore l'amour de la verité à cette compassion fi louable, elles fe fuflent expofées de bon cœur plûtôt à mourir que de fauver leur vie par un menfonge,& fi aprés s'être mife au hazard de perdre la vie pour la fauver à des innocens, elles fe fussent enco e expofées une autrefois à mourir plûtôt qu'à fe retirer de ce peril en bleffant la verité.Elles euflent pû dire, dit ce faint Pere, voir leur maifon fe détruire fur la terre; Mais Dieu leur en eût donné une éternelle dans le ciel.

Moyfe

Moyfe fauvé des eaux. Exod. 2.

Avat

1. C.

& 41

Tri

LORE ORS que le peuple d'Ifraël fouffroit dans l'E- L'A gypte une perfecation injufte,& qu'un Roi in- da grac vouloit éteindre une race à laquelle fes mode predeceffeurs étoient redevables de leur royaume& de 2433 leur vie, un homme de la Tribu de Levi nommé Amram eut de Jocabel fa femme un fils parfaites 18 ment beau.Sa mere touchée d'une fi grande beauté. fic un c <ffort pour le cacher durant trois mois. Mais an comme les ordres de Pharaon s'executoient feve- aprés rement elle fut obligée d'abandonner fon fils, dela peur de fe perdre elle même. Elle fit donc comme bu de un petit berceau de jones entrelaffez,& y aiant mis Levi. ce petit enfant,elle l'expofa fur le bord du Nil.Elle commanda à la Sœur de l'enfant de fe tenir prés du fleuve pour favoir ce que deviendroit fon frere. La fille de Pharaon vint alors au Nil pour fe laver, accompagnée de toutes les fervantes. Dés qu'elle apperçût cette corbeille de joncs, fa curiofité voulut auffi-tôt s'inftruire de ce que c'étoit,& elle envoia une de fes filles pour l'apporter. Quand elle eut veu ce petit qui crioit dans le berceau,elle en eut compaffion; & la beauté de l'enfant augmentant encore fa tendreffe,elle refolur de le fauver. La fœur de l'enfant qui voyoir ce qui fe pafloit s'approcha, & pria la fille de Pharaon d'agréer qu'el Mol le allât chercher une femme des Hebreux pour le em fervir de nourice à ce petit. Elle fit promptement lanvenir fa mere même à qui la fille de Pharaon com-gue manda de nourrir cet enfant,& lui en promit bon. Egyne recompenfe. Lors qu'il fut grand,fa mere l'alla porter à la fille de Pharaon qui l'adopta & qui le gnifle confidera toûjours comme fon fils propre, luifeau. dennant le nom de Moyfe, parce qu'elle l'avoit

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fauvé des eaux, Les Saints Peres ont admiré comment ce faint homme qui étoit le miniftre de l'ancienne loi, que comme J. C. a été le. difpenfaceur de la loi nouvelle, fut fa figure même dés fa naiflance en fe fauvant fi divinement du carnage de tant d'enfans. Dieu fit voir fenfiblement dans ces rencontres qu'il eft le maître des hommes & des plus puifans d'entre les hommes, & que toutes leurs refolutions font vaines lors qu'elles font contraires à fes defleins éternels, il femble qu'il s'oppofe avec plus d'éclat & avec plus de force à ceux qui l'attaquent par une guerre plus ouverte, & on ne peut affez s'étonner ici comment fa fageffe fe joue du Roi Pharaon, qui veut exterminer tous les enfans des Hebreux, & qui malgré lui éleve dans fon palais & careffe comme fon petit fils,celui qui devoit retirer d'entre les mains des Egyptiens le peuple qu'il perfecutoit. Sa mere qui l'avoit abandonné par crainte en re prend le foin, & on lui paie un fervice qu'elle eut voulu acheter de tout l'or du monde. Ce fut l'expofition même de cet enfant qui fut le principe de fon agrandiffement, & Dieu le fauve ici des caux d'un fleuve, afin de faire un jour fubmerger à fon commandement au milieu des eaux de la le fils du Prince qui l'avoit voulu faire perir de la même mort, & qui eut pour compagnons de fon fupplice; les principaux de fes fujets qu'il avoit rendu les executeurs de fes ordres fi barbares. Aprés cela il faut avoir bien peu de foy & de fens, fi la vûe de ces merveilles ne nous force à reconnoître que Dieu est tout, que les hommes quelque puiflans qu'ils paroiffent ne font rien, & qu'on ne fçait fi on doit admirer davantage ou l'impieté, ou l'extravagance de ceux qui ofenc combattre contre Dieu même.

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