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Cheute d'Adam. Genef. 3.

Avant

ORS qu'Adam & Eve commençoient à ouir Lo des délices du paradis;le demon qui étoit dé 1. C. ja tombé par fon orgueil; & qui ne pouvoit fouf4004. frir la fidelité de ces deux innocentes creatures ans. qu'il voioit plus foûmises à Dieu dans un corps tiré de la terre,qu'il ne l'avoit été dans le ciel & dans P'excellence de fa nature fpirituelle, refolut de les attaquer,& de perdre dans la tige tous les hommes qui naittoient d'eux. Il fe fervit pour ce fujer du ferpent le plus fin de tous les animaux, & croiant qu'il furmonteroit plus facilement la femme, il s'adreffa d'abord à elle & lui dit: Pourquoi Dieu ne vous a-t-il pas permis de manger indifferemment de tous les fruits de ce jardin? Eve au lieu de rejetter cette voix empoisonnée, & de ne pas même l'écouter pour témoigner à Dieu combien elle lui étoit fidelle,répondit à ce feducteur & lui dit:Nous avons la liberté de manger de tous les arbres de ce lieu;mais Dieu nous a defendu de toucher au fruit de cet arbre, de peur que nous ne mourious. Le demon aiant ainfi trouvé entrée dans cet efprit,ofa raflurer contre la parole formelle de Dieu que ce la ne feroit pas. Il eut même la hardieffe d'attri buer cette défefe de Dieu à une baffe jaloufie.Dieu fçait,dit-il, qu'au même jour que vous mangerés de ce fruit, vos yeux feront ouverts,& que vous ferez comme des Dieux. Eve fe laiffa feduire par fes promeffes artificieufes,& commençant de tomber déja dans le cœur, elle acheva tout-à-fait de fe perdre en s'arrêtant trop à confiderer ce fruit. Car au lieu d'é retirer fes yeux comme d'une chofe qui lui étoit interdite,elle vît au contraire avec plaifir qu'il étoit agreable à la veuë: & ne doutant poine

qu'il ne fût auffi tres delicieux au goût,elle y porta la main,elle en prit & en magea. Ce fut ainfi que felon l'Ecriture,le peché entra dans le monde par une femme, car aprés avoir mangé de ce fruit elle en donna à Adam, qui ne fut point seduit par les efperances du demon,mais qui fe laiffa emporter à une molle complaifance,& n'eut pas la même force dans le Paradis, comme remarquent les faints Peres que Job eut depuis fur fon fumier, puis qu' Adam aima mieux ne pas caufer de la douleur à fa femme par un refus, que de lui refifter pour demeurer attaché à la loi de Dieu. Ce fut là la chute qui a eu depuis & qui aura jufqu'à la fin du monde de fi effroyables fuites. Ce fut là ce peché que les Saints apellent ineffable dans fa grandeur, qui faifant mourir tous les enfans dans le pere, fait que nous fommes dévoüés à la mort & au demon, avant même que de naître : puis que le demon aiant rendu Adam fon efclave, a un droit legitime fur tous les enfans qui fortent de lui. Cette plaie profonde nous montre que nous. ne pouvons affez admirer la grace de celui qui l'eft venu reparer. Le reffentiment continuel que nous en devons avoir, nous doit faire rejetter avec horreur les tentations du demon, qui ne pouvant oublier fes premiers artifices qui lui ont fi bien reüffi, tache encore tous les jours de nous perfuader en mille manieres que nous pouvons faire innocemment ce que Dieu même nous a défendu. Mais comme Eve a reconnu que les menaces de Dieu étoient vraies, & les promeffes du demon fauffes, nous devons de même reconoître que les menaces que Dieu nous fait encore aujourd'hui, font tres veritables, & que les fauffes interpretations dont le demon les colore pour les éluder, ne font que de vains artifices par lefquels il tache de furprendre les enfans comme il a furpris le pere.

A

Punition d'Adam. Genef. 3.

ans.

DAM & Eve êtant tombez d'une cheute fi fu- Avant nefte,commencerent à fentir le premier effet 1. C. de leur faute en voiant qu'ils étoient nuds. Leur 4004. nudité ne leur paroiffoit pas auparavant dans leur innocece,parce qu'ils étoient purs alors comme des Anges,& que leurs corps étoient parfaitement fou mis à l'efprit. C'eft pourquoi ils commencerent à rougir auffi-tôt aprés leur cheute, & pour fe cou vrir ils prirent des feuilles de figuier. Aiant enfuite entendu la voix de Dieu qui fe promenoit dans le paradis, au lieu d'en être ravis de joie,comme ils avoient fait jufques alors, ils s'enfuirent de devant lui,& fe cacherent. Dieu apela Adam & lui deman da où il étoit.Il lui repondit qu'il craignoit de paroître devant lui à caufe de få nudité. Et Dieu lui aiant reproché fa defobeïflance qui feule lui avoit fait connoitre qu'il étoit nud, il s'excufa cruellement en accufant fa femme,& en difant que c'étoit elle qui lui avoit donné ce fruit, Dieu demanda à la femme pourquoi elle avoit fait cela. La femme s'excufa de même fur le ferpent. Mais Dieu ne recevant point d'excufe dans un fi formel violement de fa loi maudit d'abord le ferpent qui avoit été le premier auteur de ce mal; le condamna à ramper fur fon ventre & à manger la terre, & lui prédit que comme il avoit feduir la femme, la femme un jour lui écraferoit la tête. Il prononça enfuite l'arrêt à ces deux coupables.Il condamna chacun d'eux à des peines qui ne ne s'éprouvent que trop veritables encore aujourd'hui. Il dit à la femme qu'il multiplieroit fes peines, qu'elle enfanteroit avec douleur,& qu'elle feroit affujettie à l'homme. Il dit à Adam que puis qu'il avoit preferé la voix de fa femme à la voix de Dieu,la terre feroit maudite, qu'elle lui produiroit des épines & des ronces, &

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qu'il mangeroit fon pain à la fueur de fon vifage, jufqu'à ce qu'il retournât dans la terre d'ont il avoit été tiré, Il leur donna enfuite des habits de peaux de bêtes, & ajoûtant la raillerie & l'infulte à ces juftes châtimens il dit : Enfin Adam eft devenu comme un de nous,& il connoit le bien & le mal. Empêchons donc qu'il ne mange du fruit de vie,& qu'il ne vive éternellement. C'est pourquoi illes chaffa du paradis terreftre; & mit à la porte un Cherubin avec une épée de flâme pour garder l'arbre de vie. C'eft ainfi qu'ils fortirent de ce lieu de délices pour aller pleurer leur peché & leur effroyable mifere dans le refte de la terre qui n'avoit pour eux que des épines, & où ils voyoient par tout des traces fanglantes de leurs peché. Ils fe fouvenoient des biens ineffables qu'ils avoient goûtés d'abord, & pour lefquels ils avoient été créés ; & reffentant les maux qu'ils s'étoient attirez eux-mêmes cette trifte comparaifon qu'ils pouvoient faire infiniment mieux que nous par l'experience & la lumiere qui étoit en eux & qui ne peut tomber dans aucun des hommes, les abima dans une profonde douleur. La veuë de tant d'enfans qui alloient fortir d'eux & dont eux-mêmes avoient été les parricides,leur perça le cœur, & s'ils ont été les premiers auteurs du peché ils ont été auffi les premiers modéles de peniten ce, qu'ils ont faite d'une maniere qui nous eft: incomprehenfible. Mais on en parle peu afin de ne pas donner lieu de croire que la fanctification foit venue de la même fource d'où le peché eft forti. Tous les hommes font infiniment obligez au Sauveur qui a reparé ce mal d'une maniere fi avantageufe,que l'Eglife puifle maintenant apeler le peché d'Adam un peché neceffaire, & fa faute une faute bien-heureuse.C'est la veue de cette reparation future qui a été l'unique confolation d'Adam & d'Eve dans leur douleur.

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Uda

Meurtre d'abel, Genef. 4•

L'an du M.

128.

Avant

N des effets les plus funeftés du peché d'Adam fut la mort de fon fils Abel. Le demon ne pouvant être content de ce qu'il avoit dé a fait à l'homme en le perdant dans l'ame, voulut encore j. c. le détruire dans le corps. Comme il vit qu'Abel 3876. fervoit Dieu fidellement, il alluma dan le cœur aus. de Caïn fon frore une cruelle envie contre lui. Abel qui étoit pasteur de troupeaux offroit à Dieu en facrifice ce qu'il avoit de meilleur & de plus gras dans fes étables,& Caïn qui s'occupoit á cultiver la terre,lui prefentoit de fes fruits. Mais comme Dieu voioir das le cœur de ce dernier l'envie dont il étoit ulceré contre son frere, il eut horreur de fon facrifice & eut agreable au contraire celui d'Abel. Cependant plus Dieu temoignoit fe plaira en lui, plus Caïn en concevoit d'averfion, & on vit alors la premiere figure de ce qui devoit arriver dans toute la fuite de l'Eglife, où ! les bons feroient obligés de vivre parmi les mé-chans,& de fouffrir leurs averfions & leurs injuf. tices. Dieu voulut lui-même par fa parole guerit ce cœur empoifonné par l'envie. Il demanda a Cain pourquoi il fe laifloit abattre par un chas grin qui le deffeichoit,puis que s'il faifoit le bie, il en recevroit le fruit; & que s'il faifoit le mal, fon peché feul lui nuiroit fans que le bien ou le mal des autres le regardât en aucune forte. Mais S. Gregoire remarque fort bien que la parole de Dieu même eft inutile aux ames frappées d'envie; & que ce remede fouverain qui guerit les autres maux, ne fait qu'aigrir celui.ci. La ? paffion de Cain contre fon frere s'augmenta.quoi qu'il ne vit en lui que du bien; & feignant da vonloir fe promener avec lui, il lui dit Sorrons de--

A

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