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Depuis nombre d'années, M. de Pougens a préparé un grand travail étymologique ; et M. de Pougens possède beaucoup de connoissances qui manquoient à Ménage. Le Trésor des origines de la langue françoise, dont l'auteur a eu la bonté de me communiquer quelques articles en manuscrit, est presque un répertoire universel d'étymologie; car, d'une part, M. de Pougens rapporte les opinions de ses prédécesseurs; de l'autre, il ne s'arrête pas à la langue dont chaque mot françois est immédiatement dérivé il remonte aux langues les plus anciennes dont nous ayons connoissance. L'évidence des étymologies vraiment historiques est peut-être compromise, si on les range sur la même ligne avec des étymologies hypothétiques, et qui se lient à des questions plus générales sur l'affiliation des langues. Toutefois la comparaison d'un grand nombre de langues entre elles offre souvent des rapprochemens curieux. L'entreprise de M. de Pougens est d'autant plus méritoire, qu'ayant eu le malheur de perdre la vue de bonne heure, il lui a fallu une persévérance et un amour de l'étude à toute épreuve pour achever un travail de cette espèce.

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35 GRAMMAIRE ROMANE, p. 15. M. Raynouard donne comme des formes de l'article masculin au datif du singulier al, EL, ▲ Lo; mais EL ne sauroit être admis dans cette classe, puisqu'il est contracté de EN EL, tandis que la préposition A est toujours la marque distinctive du datif. On a dit en vieux françois de la même manière ès au lieu de en les : ès jours, ès arts, etc. Cet el cause quelquefois de l'obscurité dans les Troubadours, puisque, dans l'ancienne manière d'écrire, il se confond avec

le nominatif. Je proposerois de le distinguer par l'orthographe: el païs, le pays, et é 'l païs, dans le pays.

P. 84. M. Raynouard donne se comme le nominatif du pronom réciproque, et il le traduit par il, elle. Cela paroît contraire à toute analogie. Le pronom réciproque n'a point de nominatif, ni dans le latin, ni dans les langues qui en sont dérivées; ce pronom, de sa nature, ne peut en avoir, puisqu'il exprime toujours une réaction sur le sujet. Ce que M. Raynouard prend pour le nominatif, est à mon avis un véritable datif (le dativus commodi des grammairiens latins) employé par pléonasme, comme il l'est quelquefois en latin, et plus souvent en italien. Par exemple: si no'l se vol entendre. M. Raynouard traduit ici se par elle; je retraduirois littéralement en latin: si non illud SIBI vult intendere. J'en dis autant de ME, que M. Raynouard compte parmi les formes du nominatif du premier pronom personnel: IEU, EU, ME, MI, je, moi. Mi est quelquefois mis comme substantif, ainsi que moi en françois; mais je n'ai point trouvé d'exemple où ME ne dût être rendu par le datif, en admettant le pleonasme.

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P. 91. M. Raynouard nomme pronoms affixes ME, MI, TE, TI SE, SI, quand ils perdent leur voyelle. Ce nom ne me semble pas approprié à la chose. Les affixes sont attachés aux mots qui les précèdent par une relation grammaticale; mais ici la qualité du mot précédent est indifférente, et la liaison est purement euphonique. L'usage des élisions est si fréquent dans le provençal, que la voyelle des pronoms en question est souvent élidée, même quand le mot suivant commence par une consonne, pourvu que le mot précédent se termine par une voyelle: par exemple, No-s' côvÊ, au lieu de NO SE CÔVÊ,

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il ne convient pas; de même vos se transforme en us, et Nos en Ns, pour être prononcé avec la voyelle précédente. Tout cela n'affecte pas la nature des pronoms, et auroit trouvé, ce me semble, plus naturellement sa place dans le chapitre des élisions. En passant en revue les particules de diverses espèces, M. Raynouard a oublié la plus célèbre de toutes, la particule affirmative oc, dont la langue provençale a pris le nom de langue d'oc. L'étymologie que Ménage donne de ce mot, est peu satisfaisante : il y a lieu à de nouveaux éclaircissemens. M. Raynouard, avec raison, n'entre pas dans des discussions étymologiques qui doivent être réservées pour le glossaire. Quelquefois, lorsque l'étymologie est évidente, il a mis le mot latin en regard, en distinguant les lettres élidées par des italiques. Cette méthode abrégée est fort à recommander. La préposition romane AB, qui signifie avec, et dont ce dernier mot paroît être formé, présente une singularité. Ayant un sens tout opposé à celui de la préposition latine AB, et des prépositions synonymes dans les langues germaniques (en gothique AF, en francique AB, ABA), elle ne sauroit en être dérivée. M. Raynouard dit, p. 250: « Il seroit difficile d'expliquer d'où vient cette préposition. Ce qu'on peut dire <«<de plus satisfaisant, c'est que d'aв, racine d'haвere,

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la

langue romane a fait une préposition qui désigne la posses«sion, l'adhérence, la manière, etc. » Il y a beaucoup d'exemples que des substantifs, des adjectifs, etc., soient devenus des prépositions; mais je n'en connois aucun où une préposition ait été formée de la racine d'un verbe, dépouillée des syllabes d'inflexion. Je pense que AB est contracté du latin arud; il s'écrit quelquefois AP. On aura ensuite

ajouté uné terminaison adverbiale à cette préposition, et l'on aura dit avec d'après l'analogie d'illec, mot fort usité dans le vieux françois. De la même manière on a fait de la préposition latine SINE (en provençal senes, sans) un adverbe senuec, qui s'employoit autrefois comme le pendant d'avec. Mais je ne donne cette étymologie que comme une conjecture, et je conviens que le mot avec est un de ceux dont l'origine est très-difficile à expliquer.

M. Raynouard propose deux étymologies de gaire, guère; gran re, en roman, beaucoup ; ou gar, en théotisque, entièrement. La dernière me paroît être la seule vraie; dans l'italien guari, qui répond à gaire et à guère, la racine est conservée presque sans changement.

Parmi les particules explétives destinées à être jointes à la négation, la langue provençale en a une, ges ou gens, qui n'a pas passé dans le françois. M. Raynouard, p. 333, la dérive du latin GENS. Je pense que le mot roman vient du théotisque ganz, entièrement. J'observe, en passant, que tous les mots qui servent de complément à la négation, pas, point, rien, jamais, etc., ont primitivement, et à part de la négation précédente, un sens affirmatif. C'est ce qui n'a pas été reles auteurs du Dictionnaire de l'Académie françoise, et en conséquence tous les articles relatifs à ces mots sont rédigés d'une manière très-défectueuse.

connu par

36 M. Raynouard traduit constamment lausengier et lausenjador par médisant. Cependant ces mots, d'après leur formation, ne sauroient signifier autre chose que flatteur, adulateur. En provençal, lauzar, louer, lauzenja, louange, flatte

rie;

en italien, lusinga, lusingar; en espagnol, lisonja, lisonjear. Sans doute, les flatteurs sont d'ordinaire aussi médisans, et les Troubadours s'en plaignent sans cesse; mais c'est là une liaison morale entre les idées, et non pas le sens littéral. De même M. Raynouard traduit, p. 74, devinadors par calomniateurs, tandis que ce mot désigne des espions, des observateurs malveillans.

J'ai une remarque semblable à faire sur les mots volpil et volpillatge, que M. Raynouard traduit par lâche et lâcheté. Caseneuve avoit déjà traduit de même; voyez l'article COUARD dans la seconde édition du dictionnaire de Ménage. Cependant volpil vient de VULPECULA, et, comme substantif, signifie un renard, ainsi que goupil en vieux françois. Or, cet animal, dans toutes les fables et chez tous les peuples du monde, est plus renommé pour sa ruse que pour sa lâcheté. Ainsi volpil est littéralement rusé; volpillatge, ruse, perfidie. C'étoit considéré comme une injure très-grave chez les peuples germaniques d'appeler quelqu'un renard; d'après la loi salique, on payoit cent vingt deniers d'amende pour se l'être permis. Un passage de Grégoire de Tours prouve que c'est bien sous le rapport de la ruse qu'on entendoit cette injure. HIST. L. VIII, cap. 6. Multas eis perfidias et perjuria exprobravit, vocans eos sæpius vulpes ingeniosas. Il est vrai que volpil est mis quelquefois par les Troubadours en opposition avec arditz, hardi. Ce trait est caractéristique. Les anciens chevaliers étoient si habitués à combattre leurs ennemis de front, qu'ils envisageoient l'emploi de la ruse comme un signe certain de lâcheté.

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P. 15. Metge querrai al mieu albir.

M. Raynouard traduit: Médecin je chercherai au mien cha

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