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pas tranchée. Les langues où prédomine le système synthétique ont cependant adopté, sous quelques rapports particuliers, la méthode des langues analytiques; et celles-ci, formées des matériaux que leur fournissent les langues synthétiques, ont naturellement conservé quelques traits de ressemblance avec elles.

Les langues grecque et latine sont des modèles du genre synthétique, dont on a depuis long-temps étudié et admiré les beautés. De nos jours, l'on a commencé à connoître en Europe une langue encore plus strictement synthétique : c'est la langue sacrée des Indiens. Le système grammatical de cette langue est construit, pour ainsi dire, sur une échelle plus vaste; elle dépasse surtout dans la faculté de former des mots composés, tout ce que nous avions connu jusqu'ici.

En Europe, les langues dérivées du latin, et l'anglois, ont une grammaire toute analytique, et les littératures de ces belles langues, cultivées avec tant de soins et de succès, nous montrent à peu près le degré de perfection dont ce genre est susceptible. Les langues germaniques forment une classe intermédiaire synthétiques dans leur origine et conservant toujours une certaine puissance de synthèse, elles penchent fortement vers les formes analytiques.

Et voici une observation qui ne paroîtra pas indifférente à ceux qui savent que l'histoire des langues est celle de l'esprit humain. Lorsque les langues synthétiques ont été fixées de bonne heure par des livres qui servoient de modèles, et par une instruction régulière, elles sont restées telles; mais quand elles ont été abandonnées à elles-mêmes et soumises aux fluctuations de toutes les choses humaines, elles ont montré une tendance naturelle à devenir analytiques, même sans avoir été modifiées par le mélange d'aucune langue étrangère.

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On voit, par exemple, en lisant avec attention les deux auteurs grecs les plus anciens, Homère et Hésiode, que la langue grecque primitivement n'a point eu d'articles. L'usage s'en est introduit ensuite jusqu'au pléonasme, et ce changement s'est opéré dans l'intervalle entre le siècle d'Homère et d'Hésiode, et celui des premiers écrivains en prose. Depuis ce temps la langue grecque, ayant eu une littérature qui formoit la base de l'éducation, a conservé ses formes synthétiques jusqu'à l'époque où elle a subi une espèce de décomposition par le déclin et la chute de l'empire byzantin, et s'est transformée en grec moderne.

Le plus ancien monument écrit de l'allemand est la version gothique de l'Évangile, attribuée à Ulfi

las. Elle a quatorze siècles de date; et cependant y reconnoissons les traits de notre langue maternelle. La grammaire y a des formes très-simples, mais toutes synthétiques : des désinences marquées pour les déclinaisons et les conjugaisons; un véritable passif; un emploi très-limité des articles 9; point de pronoms personnels devant les verbes; à peine quelqués légères traces de l'emploi de verbes auxiliaires.

Depuis Ulfilas, la langue allemande n'a été entièrement négligée dans aucun temps; mais pendant tout le moyen âge, elle ne reçut point une culture savante et grammaticale. Le projet conçu par Charlemagne de rédiger une grammaire de l'allemand, sa langue maternelle, et de la faire enseigner régulièrement dans les écoles, resta sans exécution 10. Les poésies nationales furent transmises de vive voix d'une génération à l'autre. Les livres écrits jusqu'au douzième siècle, pour la plupart des ouvrages théologiques, ensuite des poëmes de chevalerie, étoient trop peu nombreux, et surtout trop peu répandus, pour exercer une grande influence. Dans le treizième siècle seulement on a commencé à se servir de l'allemand dans les actes publics et dans la législation. Ainsi donc, depuis les temps les plus reculés jusqu'à l'ère littéraire de l'Allemagne,

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c'est-à-dire jusqu'à l'invention de l'imprimerie et jusqu'à la réformation, notre langue n'étant fixée par aucun moyen artificiel, a eu pleine liberté de suivre son cours naturel; et les progrès qu'elle a faits dans cet intervalle vers les formes analytiques, en perdant une partie de ses anciens modes de synthèse, sont immenses.

Mais cette transition au système analytique a lieu bien plus rapidement, et, pour ainsi dire, par secousses, lorsque, par l'effet de la conquête, il existe un conflit entre deux langues, celle des conquérans et celle des anciens habitans du pays. Voilà ce qui a eu lieu dans les provinces de l'empire occidental, conquises par les peuples germaniques, et en Angleterre lors de l'invasion des Normands. De la lutte prolongée de deux langues, dont l'une étoit celle de la grande masse de la population, l'autre celle de la nation prépondérante, et de l'amalgame final des langues et des peuples, sont issus le provençal, l'italien, l'espagnol, le portugais, le françois et l'anglois.

On pourroit dire que, dans les langues modernes de l'Europe méridionale, le fond est latin, et la forme germanique; mais cet énoncé auroit plus d'apparence que de solidité. Le fond de ces langues

est en effet latin, à l'exception des mots allemands qui s'y sont introduits dès l'origine, et dont le nombre monte, sinon à des milliers, au moins à des centaines. Dans l'espagnol et le portugais l'on doit encore décompter les mots arabes. Mais, pour soutenir dans toute son étendue cette thèse que la forme est germanique, il faudroit partir d'une comparaison avec la grammaire actuelle de l'allemánd. Or, pour déterminer au juste l'influence que les dialectes germaniques peuvent avoir eue dans la formation des langues latines mixtes, il faut examiner ces dialectes dans l'état où ils étoient pendant les premiers siècles après la conquête. Les plus anciens monumens écrits de la langue francique datent du huitième et du neuvième siècle. Le dialecte y est fort différent de celui d'Ulfilas, mais les formes grammaticales se rapprochent encore beaucoup des siennes 11. L'on ne peut donc considérer la grammaire analytique comme une invention déjà toute faite, qui auroit été simplement adaptée à la langue latine. Au contraire, cette grammaire s'est développée simultanément, et peut-être plutôt dans les pays de langue romane que dans les pays de langue théotisque pure. Et voici la plus grande. singularité que nous présente la formation des langues latines mixtes: du concours de deux langues

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