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le nominatif. Je proposerois de le distinguer par l'orthographe: elpaïs, le pays, et é'l païs, dans le pays.

P. 84. M. Raynouard donne SE comme le nominatif du pronom réciproque, et il le traduit par il, elle. Cela paroît contraire à toute analogie. Le pronom réciproque n'a point de nominatif, ni dans le latin, ni dans les langues qui en sont dérivées; ce pronom, de sa nature, ne peut en avoir, puisqu'il exprime toujours une réaction sur le sujet. Ce que M. Raynouard prend pour le nominatif, est à mon avis un véritable datif (le dativus commodi des grammairiens latins) employé par pléonasme, comme il l'est quelquefois en latin, et plus souvent en italien. Par exemple: si no'l se vol entendre. M. Raynouard traduit ici se par elle; je retraduirois littéralement en latin: si non illud sıbı vult intendere. J'en dis autant de ME, que M. Raynouard compte parmi les formes du nominatif du premier pronom personnel: IEU, EU, ME, MI, je, moi. MI est quelquefois mis comme substantif, ainsi que moi en françois; mais je n'ai point trouvé d'exemple où ME ne dût être rendu par le datif, en admettant le pléonasme.

P. 91. M. Raynouard nomme pronoms affixes ΜΕ, ΜΙ, ΤΕ, TI, SE, SI, quand ils perdent leur voyelle. Ce nom ne me semble pas approprié à la chose. Les affixes sont attachés aux mots qui les précèdent par une relation grammaticale; mais ici la qualité du mot précédent est indifférente, et la liaison est purement euphonique. L'usage des élisions est si fréquent dans le provençal, que la voyelle des pronoms en question est souvent élidée, même quand le mot suivant commence par une consonne, pourvu que le mot précédent se termine par une voyelle: par exemple, No-s' côvê, au lieu de NO SE CÔVÊ, il ne convient pas; de même vos se transforme en us, et nos en NS, pour être prononcé avec la voyelle précédente. Tout cela n'affecte pas la nature des pronoms, et auroit trouvé, ce me semble, plus naturellement sa place dans le chapitre des élisions. En passant en revue les particules de diverses espèces, M. Raynouard a oublié la plus célèbre de toutes, la particule affirmative oc, dont la langue provençale a pris le nom de langue d'oc. L'étymologie que Ménage donne de ce mot, est peu satisfaisante: il y a lieu à de nouveaux éclaircissemens.

M. Raynouard, avec raison, n'entre pas dans des discussions étymologiques qui doivent être réservées pour le glossaire. Quelquefois, lorsque l'étymologie est évidente, il a mis le mot latin en regard, en distinguant les lettres élidées par des italiques. Cette méthode abrégée est fort à recommander.

La préposition romane AB, qui signifie avec, et dont ce dernier mot paroît être formé, présente une singularité. Ayant un sens tout opposé à celui de la préposition latine AB, et des prépositions synonymes dans les langues germaniques (en gothique AF, en francique AB, ABA), elle ne sauroit en être dérivée. M. Raynouard dit, p. 250: « Il seroit difficile << d'expliquer d'où vient cette préposition. Ce qu'on peut dire « de plus satisfaisant, c'est que d'AB, racine d'habere, la << langue romane a fait une préposition qui désigne la posses<< sion, l'adhérence, la manière, etc. » Il y a beaucoup d'exemples que des substantifs, des adjectifs, etc., soient devenus des prépositions; mais je n'en connois aucun où une préposition ait été formée de la racine d'un verbe, dépouillée des syllabes d'inflexion. Je pense que AB est contracté du latin arud; il s'écrit quelquefois Ar. On aura ensuite ajouté une terminaison adverbiale à cette préposition, et l'on aura dit avec d'après l'analogie d'illec, mot fort usité dans le vieux françois. De la même manière on a fait de la préposition latine SINE (en provençal senes, sans) un adverbe senuer, qui s'employoit autrefois comme le pendant d'avec. Mais je ne donne cette étymologie que comme une conjecture, et je conviens que le mot avec est un de ceux dont l'origine est très-difficile à expliquer.

M. Raynouard propose deux étymologies de gaire, guère; gran re, en roman, beaucoup; ou gar, en théotisque, entièrement. La dernière me paroît être la seule vraie; dans l'italien guari, qui répond à gaire et à guère, la racine est conservée presque sans changement.

Parmi les particules explétives destinées à être jointes à la négation, la langue provençale en a une, ges ou gens, qui n'a pas passé dans le françois. M. Raynouard, p. 333, la dérive du latin GENS. Je pense que le mot roman vient du théotisque ganz, entièrement. J'observe, en passant, que tous les mots qui servent de complément à la négation, pas, point, rien, jamais, etc., ont primitivement, et à part de la négation précédente, un sens affirmatif. C'est ce qui n'a pas été reconnu par les auteurs du Dictionnaire de l'Académie françoise, et en conséquence tous les articles relatifs à ces mots sont rédigés d'une manière très-défectueuse.

36 M. Raynouard traduit constamment lausengier et lausenjador par médisant. Cependant ces mots, d'après leur formation, ne sauroient signifier autre chose que flatteur, adulateur. En provençal, lauzar, louer, lauzenja, louange, flatterie; en italien, lusinga, lusingar; en espagnol, lisonja, lisonjear. Sans doute, les flatteurs sont d'ordinaire aussi médisans, et les Troubadours s'en plaignent sans cesse; mais c'est là une liaison morale entre les idées, et non pas le sens littéral. De même M. Raynouard traduit, p. 74, devinadors par calomniateurs, tandis que ce mot désigne des espions, des observateurs malveillans.

J'ai une remarque semblable à faire sur les mots volpil et volpillatge, que M. Raynouard traduit par lâche et lacheté. Caseneuve avoit déjà traduit de même; voyez l'article COUARD dans la seconde édition du dictionnaire de Ménage. Cependant volpil vient de VULPECULA, et, comme substantif, signifie un renard, ainsi que goupil en vieux françois. Or, cet animal, dans toutes les fables et chez tous les peuples du monde, est plus renommé pour sa ruse que pour sa lâcheté. Ainsi volpil est littéralement rusé; volpillatge, ruse, perfidie. C'étoit considéré comme une injure très-grave chez les peuples germaniques d'appeler quelqu'un renard; d'après la loi salique, on payoit cent vingt deniers d'amende pour se l'être permis. Un passage de Grégoire de Tours prouve que c'est bien sous le rapport de la ruse qu'on entendoit cette injure. Hist. L. VIII, cap. 6. Multas eis perfidias et perjuria exprobravit, vocans eos sæpius vulpes ingeniosas. Il est vrai que volpil est mis quelquefois par les Troubadours en opposition avec arditz, hardi. Ce trait est caractéristique. Les anciens chevaliers étoient si habitués à combattre leurs ennemis de front, qu'ils envisageoient l'emploi de la ruse comme un signe certain de lâcheté.

P. 15. Metge querrai al mieu albir.

M. Raynouard traduit: Médecin je chercherai au mien chagrin; mais albir ou arbir, du latin ARBITRIUM, signifie jugement, opinion, avis. Le poète désire trouver un médecin qui puisse guérir son jugement, c'est-à-dire le délivrer de son illusion.

P. 84. C'aissi com las suelh captener,

En aissi las descaptenrai.

Traduction de M. Raynouard :

Qu' ainsi comme les ai coutume obéir,

De même les désobéirai.

J'ai trouvé ces vers de Bernard de Ventadour écrits de la manière suivante dans deux manuscrits:

De las domnas mi desesper,
Jamais en lor non fizarai;
C'aissi com las suoill mantener,

En aissi las desmantenrai.

Je pense que cette variante ne change guère le sens, et que captener est à peu près synonyme de mantener, maintenir. En aucun cas, captener ne peut signifier obéir.

P. 291. M. Raynouard donne comme synonymes unca, oncas, oncques, dérivés de UNQUAM, et oan, ogan, onguan. Ces derniers mots signifient, à mon avis, dans l'année actuelle (de HODIE et ANNUS), en opposition avec antan, l'année passée. Ces mots se retrouvent dans l'espagnol, ogaño, an

taño.

J'aurois des doutes à proposer sur plusieurs passages traduits par M. Raynouard; mais comme les vers cités dans la Grammaire romane sont détachés de leur liaison, il est quelquefois difficile de deviner la pensée du poète.

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