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rien se trouve, il saura tirer bon parti des matériaux que lui aura préparés le savant éditeur des Troubadours. Il y puisera les teintes locales les plus vraies et les plus frappantes de son tableau.

Quand même les poésies provençales ne contiendroient que quelques détails historiques, inconnus d'ailleurs, encore faudroit-il recourir aux textes originaux ; car, dans tout ce qui doit servir de preuves en fait d'histoire, l'on ne sauroit se contenter de traductions. On s'est bien donné la peine d'imprimer avec une scrupuleuse exactitude, même de faire graver des diplomes écrits dans un latin barbare, et de les commenter amplement. Au moyen de ces diplomes, la critique historique a constaté des faits que l'on n'auroit pu découvrir par aucune autre voie. Les poésies provençales exigent une étude infiniment moins pénible, et offrent dans leur ensemble une récolte plus abondante de connoissances détaillées du moyen âge.

Ensuite l'étude de la langue provençale est trèscurieuse en elle-même, sous le triple rapport de la théorie générale des langues; de l'étymologie de la langue françoise et des autres idiomes dérivés du latin; enfin, de ses propres beautés et de ses qualités distinctives.

Le premier point de vue tient à un sujet si vaste, que je dois une borner ici à l'effleurer légè

rement.

Les langues qui sont parlées encore aujourd'hui et qui ont été parlées jadis chez les différens peuples de notre globe, se divisent en trois classes: les langues sans aucune structure grammaticale, les langues qui emploient des affixes, et les langues à inflexions 6.

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Les langues de la première classe n'ont qu'une seule espèce de mots, incapables de recevoir aucun développement ni aucune modification. On pourroit dire que tous les mots y sont des racines, mais des racines stériles qui ne produisent ni plantes ni arbres. Il n'y a dans ces langues ni déclinaisons, ni conjugaisons, ni mots dérivés, ni mots composés autrement que par simple juxta-position, et toute la syntaxe consiste à placer les élémens inflexibles du langage les uns à côté des autres. De telles langues doivent présenter de grands obstacles au développement des facultés intellectuelles; leur donner une culture littéraire ou scientifique quelconque, semble être un tour de force; et si la langue chinoise présente ce phénomène, peut-être n'a-t-il pu être réalisé qu'à l'aide d'une écriture syllabique très-artificiellement compliquée, et qui supplée en quelque façon à la pauvreté primitive du langage.

Le caractère distinctif des affixes est, qu'ils servent à exprimer les idées accessoires et les rapports, en s'attachant à d'autres mots, mais que, pris isolément, ils renferment encore un sens complet. Les langues, dont le système grammatical est fondé sur les affixes, peuvent avoir de certains avantages, malgré leurs imperfections 7. Je pense, cependant, qu'il faut assigner le premier rang aux langues à inflexions. On pourroit les appeler les langues organiques, parce qu'elles renferment un principe vivant de développement et d'accroissement, et qu'elles ont seules, si je puis m'exprimer ainsi, une végétation abondante et féconde. Le merveilleux artifice de ces langues est, de former une immense variété de mots, et de marquer la liaison des idées que ces mots désignent, moyennant un assez petit nombre de syllabes qui, considérées séparément, n'ont point de signification, mais qui déterminent avec précision le sens du mot auquel elles sont jointes. En modifiant les lettres radicales, et en ajoutant aux racines des syllabes dérivatives, on forme des mots dérivés de diverses espèces, et des dérivés des dérivés. On compose des mots de plusieurs racines pour exprimer les idées complexes. Ensuite on décline les substantifs, les adjectifs et les pronoms, par genres, par nombres et par cas; on conjugue les verbes par voix, par modes, par temps, par nombres et par personnes, en employant de même des désinences et quelquefois des augmens qui, séparément, ne signifient rien. Cette méthode procure l'avantage d'énoncer en un seul mot l'idée principale, souvent déjà très-modifiée et très-complexe, avec tout son cortége d'idées accessoires et de relations variables.

Les langues à inflexions se subdivisent en deux genres, que j'appellerai les langues synthétiques et les langues analytiques. J'entends par langues analytiques celles qui sont astreintes à l'emploi de l'article devant les substantifs, des pronoms personnels devant les verbes, qui ont recours aux verbes auxiliaires dans la conjugaison, qui suppléent par des prépositions aux désinences des cas qui leur manquent, qui expriment les degrés de comparaison des adjectifs par des adverbes, et ainsi du reste. Les langues synthétiques sont celles qui se passent de tous ces moyens de circonlocution.

L'origine des langues synthétiques se perd dans la nuit des temps; les langues analytiques, au contraire, sont de création moderne: toutes celles que nous connoissons, sont nées de la décomposition des langues synthétiques 8.

La ligne de division entre les deux genres n'est pas tranchée. Les langues où prédomine le système synthétique ont cependant adopté, sous quelques rapports particuliers, la méthode des langues analytiques; et celles-ci, formées des matériaux que leur fournissent les langues synthétiques, ont naturellement conservé quelques traits de ressemblance avec elles.

Les langues grecque et latine sont des modèles du genre synthétique, dont on a depuis long-temps étudié et admiré les beautés. De nos jours, l'on a commencé à connoître en Europe une langue encore plus strictement synthétique : c'est la langue sacrée des Indiens. Le système grammatical de cette langue est construit, pour ainsi dire, sur une échelle plus vaste; elle dépasse surtout dans la faculté de former des mots composés, tout ce que nous avions connu jusqu'ici.

En Europe, les langues dérivées du latin, et l'anglois, ont une grammaire toute analytique, et les littératures de ces belles langues, cultivées avec tant de soins et de succès, nous montrent à peu près le degré de perfection dont ce genre est susceptible. Les langues germaniques forment une classe intermédiaire : synthétiques dans leur origine et conservant toujours une certaine puissance de synthèse, elles penchent fortement vers les formes analytiques.

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