d'introduction. Dans le premier, l'auteur remonte à l'origine de la langue romane, en rassemblant toutes les traces éparses qui nous en restent. Dans le second, il la saisit, pour ainsi dire, au moment même d'une formation plus régulière, et analyse les monumens les plus anciens conservés jusqu'à nos jours. Dans la grammaire enfin il développe les inflexions, les règles, les idiotismes de cette langue, telle qu'elle a été parlée et écrite à son époque la plus florissante, c'est-à-dire dans le douzième et le treizième siècle. Le second volume de ce recueil, sous le titre de Monumens de la langue romane, contiendra les plus anciens textes originaux, soit en vers, soit en prose, accompagnés d'une traduction et de notes. Dans le troisième, qui s'imprime actuellement, et qui paroîtra en même temps avec le second, seront réunies les poésies amoureuses des Troubadours: dans la première moitié du quatrième, les sirventès et les tensons; en général, les pièces satiriques, politiques, morales et religieuses. La seconde moitié de ce volume renfermera les variantes, les vies des poètes, telles qu'elles se trouvent dans les manuscrits, et quelques morceaux que l'éditeur n'a pas jugé à propos de placer dans les recueils précédens. Dans le cinquième volume, un tableau comparatif des langues de l'Europe latine, et d'autres recherches philologiques serviront d'introduction à un glossaire de la langue romane, réservé pour les derniers volumes. L'érudition de M. Raynouard est aussi étendue que solide; mais ce qui est bien plus admirable encore, c'est la critique lumineuse, la méthode vraiment philosophique qu'il apporte dans toutes ses recherches. Il n'avance rien sans avoir les preuves à la main; il remonte toujours aux sources, et il les connoît toutes. C'est là le véritable moyen de résoudre les problèmes historiques des temps obscurs, et de couper court à tous ces raisonnemens vagues sur ce qui auroit pu être ; raisonnemens fort commodes, sans doute, pour déguiser l'ignorance de l'historien, mais inutiles et même nuisibles au lecteur pour la connoissance de ce qui a été. Tous ceux qui ont eu la curiosité de fouiller euxmêmes dans les manuscrits provençaux, seront d'accord avec moi, j'en suis persuadé, sur les immenses difficultés que M. Raynouard a eues à vaincre. On est arrêté à chaque pas dans la lecture de ces manuscrits, par des traits indistincts ou à demi effa le manque de fixité cés, par les abréviations, par dans l'orthographe; enfin, par l'absence totale de ponctuation, souvent même par l'omission des intervalles entre les mots, ou par la séparation d'un seul mot en deux portions. Mais je suppose qu'on les ait exactement déchiffrés; ce n'est rien encore: il s'agit de les comprendre. La poésie, en général, n'est pas ce qu'il y a de plus facile dans une langue; les chants des Troubadours sont souvent composés avec un artifice très-recherché, dans un style extrêmement concis, énigmatique à dessein et rempli d'allusions à des faits inconnus, à des mœurs qui nous sont étrangères. Le tour de la pensée même, l'expression des sentimens, y portent les couleurs et le costume d'un siècle éloigné où il faut se transporter en idée. Et, pour faciliter l'intelligence de pareilles poésies, restes peu nombreux d'une langue qu'on a cessé de cultiver depuis tant de siècles, on n'avoit jusqu'ici ni grammaire ni dictionnaire de cette langue; on n'avoit pour tout secours que l'analogie des autres idiomes dérivés du latin, analogie souvent trompeuse; car, quoique la langue romane soit, pour ainsi dire, la fille aînée de la langue latine, et qu'elle ait de grands traits de ressemblance avec ses sœurs cadettes, les langues françoise, italienne, portugaise et espagnole, surtout avec la dernière, elle a aussi beaucoup d'idiotismes, et les mots latins y sont souvent détournés de leur sens primitif d'une façon particulière. Au premier abord, j'en parle d'après ma propre expérience, on désespère de saisir un fil pour se guider dans ce labyrinthe. On est tenté de s'en prendre de l'imperfection de ses connoissances à la langue elle-même, et de croire qu'elle est capricieuse, irrégulière, rebelle à toute analogie. C'est cependant une opinion fort erronée : M. Raynouard a clairement démontré le contraire. Il a porté un grand jour dans cette obscurité; il a débrouillé par sa sagacité une confusion apparente; et désormais, lorsqu'on aura suivi attentivement sa marche, on aura déjà surmonté la plupart des obstacles. Une certaine sécheresse est inséparable des discussions grammaticales; cependant M. Raynouard l'a évitée autant qu'il étoit possible par l'esprit philosophique qu'il met dans son analyse, et par l'élévation de son point de vue. A n'en juger que par le volume qu'elle occupe, on pourroit croire sa grammaire diffuse; elle est au contraire rédigée avec une concision parfaite. La plus grande partie de ses pages est remplie de citations de textes originaux qui servent en même temps d'exemples et de preuves aux règles grammaticales. M. Ray nouard fournit ainsi à ses lecteurs le moyen d'examiner eux-mêmes, et de se convaincre de la justesse de ses observations. Ces nombreux fragmens de poésie provençale, accompagnés de traductions littérales, familiarisent avec les constructions de cette langue, et préparent à la lecture des Troubadours. Avec le secours de la grammaire et du glossaire que M. Raynouard se propose de donner, la plupart de leurs chansons, surtout de leurs chansons amoureuses, n'auront plus besoin de commentaire. Plusieurs poésies, nommément celles qui renferment des allusions historiques, ne pourront pas s'en passer, et d'autres encore, par exemple quelques morceaux d'Arnaud Daniel et de Marcabrus, resteront peut-être toujours indéchiffrables, même pour des savans aussi versés dans la langue romane et aussi consommés dans l'art de la critique philologique que l'est M. Raynouard. Mais à quoi bon, dira-t-on peut-être, tout cet échafaudage d'une érudition fastidieuse? Ne pourroit-on pas traduire librement en prose les meilleurs morceaux des Troubadours, donner des extraits de quelques autres, et vouer tout le reste à l'oubli, par ménagement pour la mémoire de nos honorables aïeux ? L'essai en a été fait, et avec un succès déplorable. 11 y a sans doute des ouvrages poé |