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son poëme, le Dante fait dire à Francesca di Rimini:

Noi leggevamo un giorno per diletto

Di Lancilotto, come amor lo strinse.

En quelle langue Francesca lisoit-elle l'histoire de Lancelot? On n'a aucune connoissance de traductions aussi anciennes des romans de chevalerie en italien. Le françois étoit alors peu connu en Italie, le provençal en revanche y étoit fort répandu. Il est donc probable que le livre dont le charme séducteur devint si funeste aux deux amans, étoit écrit en cette langue.

On a pu facilement traduire en provençal les romans de chevalerie françois; ce n'est pas là le point essentiel de la question. Mais il seroit intéressant de savoir si le midi de la France a produit des fictions originales en ce genre. La vraie pépinière des romans de chevalerie, c'étoient la Normandie et les provinces voisines. Les traditions fabuleuses d'Artus et de la Table ronde ont été rapportées d'Angleterre par les Normands établis en ce pays par la conquête. Le grand mérite des romans de chevalerie est dans l'invention: un merveilleux gigantesque, des situations frappantes, des caractères fortement tracés, une grande profondeur, une noble persévérance dans les sentimens passionnés des principaux ac

teurs, voilà ce qui distingue ces poëmes, remarqua bles par leur puissante réaction sur l'esprit du moyen âge dont ils étoient le reflet. Ce mérite de la fiction est encore peu connu en France, parce que M. de Tressan et d'autres littérateurs, en donnant des extraits des romans de chevalerie, ne sont presque jamais remontés aux véritables originaux. Les romans versifiés des douzième et treizième siècles sont déjà fort imparfaits dans l'exécution; ils rebutent par les longueurs d'un style lâche et trop peu élevé au-dessus de la prose. Il faut, comme les amateurs de médailles, savoir reconnoître la belle empreinte sous cette rouille. Le défaut général des romans de chevalerie est une narration traînante, défaut qui devient insupportable dans les romans en prose, composés vers le quinzième siècle. Il y a dans ces gros in-folio tant de coups d'épée et de lance , que le chevalier le plus insatiable en fait de combats devoit y trouver de quoi se satisfaire pendant toute sa vie. Les fictions originales y sont fort altérées aussi, ou du moins noyées dans la multipli→ cité des aventures.

Je crois qu'on ne sauroit refuser aux poètes du midi l'invention de plusieurs fables chevaleresques, quoique le nord de la France ait été plus fécond en ce genre; et je vais faire connoître le nom d'un

romancier provençal dont aucun souvenir, que je sache, ne s'est conservé en France. Wolfram d'Echenbach, poète allemand, célèbre au commencement du treizième siècle, a composé deux romans intitulés : Parcival et Titurel, qui font suite l'un à l'autre. Ces romans sont restés fameux en Allemagne jusqu'au seizième siècle 4. Eschenbach déclare expressément qu'il prend pour guide Kiot le Provençal; il réprouve la narration de Chrétien de Troyes qui, selon lui, a falsifié l'histoire. Beaucoup de noms propres, dans le texte allemand, prouvent effectivement, par leur forme provençale, que notre auteur n'a point puisé dans un livre françois.

A mesure que la langue françoise devint prépondérante, on cessa de copier les manuscrits provençaux, on négligea ceux qui existoient, et le reste paroît avoir été consumé dans les troubles religieux da seizième siècle 42.

Je termine ici mes observations, qui n'ont d'autre but que d'attirer l'attention du public sur une entreprise littéraire de la plus grande importance, sous le rapport de la philologie et de l'histoire du moyen âge. M. Raynouard, si celèbre comme poète, si honorablement connu comme citoyen, a obtenu dans ses laborieuses recherches les encouragemens d'un gouvernement, protecteur de toutes les études so

lides; il a mérité la reconnoissance, non seulement de ses compatriotes, mais de l'Europe savante. A une époque où tous les esprits sont tournés vers de nouvelles idées, il est peut-être particulièrement utile de réveiller le souvenir d'un passé déjà lointain. Tout le monde se croit en état de juger les anciens temps d'après des connoissances superficielles; les bien connoître, est tout autrement difficile. Le moyen le plus sûr de ne tirer aucun parti de l'histoire, c'est d'y porter un esprit d'hostilité. Si nous dédaignons nos ancêtres, prenons garde que la postérité ne nous le rende.

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'On sait que M. de Sainte-Palaye, après avoir employé de longues années à former des recueils relatifs à la connoissance des antiquités littéraires et historiques de la France, étant arrivé à un âge fort avancé, se vit hors d'état de rédiger luimême ses immenses matériaux. C'est avec les notices et les traductions fournies par lui que l'abbé Millot, qui n'étoit rien moins que savant dans cette partie, composa son Histoire littéraire des Troubadours, ouvrage très-médiocre. Le zèle de M. de Sainte-Palaye est infiniment louable; mais plusieurs indices me font douter qu'il possédât le talent philologique nécessaire pour publier le texte original des Troubadours, si toutefois il en a eu le projet.

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Le cardinal Bembo avoit écrit les Vies des Troubadours; mais son travail n'a jamais été publié. La biographie des Troubadours exigeroit des recherches profondes pour avoir une véritable valeur historique; mais on peut aussi la faire à peu de frais, en se bornant à copier les notices qui nous ont été transmises par leurs anciens biographes. Cela ne suppose même qu'une connoissance très-légère de l'ancien langage, puisque la prose de ces notices est extrêmement simple et facile. Le cardinal Bembo possédoit un beau manuscrit de poésies provençales, qui depuis a passé dans la bibliothèque du Vatican, et ensuite à Paris (Cod. 3204). Le célèbre poète Tas

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