Imagens das páginas
PDF
ePub

soni parcourut les œuvres des Troubadours, uniquement pour examiner s'il s'y trouvoit des passages imités par Pétrarque. Il convient lui-même qu'il n'avoit pas une connoissance approfondie de leur langue. Crescimbeni a traduit les Vies des poètes provençaux par Jean de Notre-Dame, en y ajoutant des notes et quelques morceaux de poésie extraits des manuscrits de Florence, et traduits par Salvini. Cette traduction est remplie de contre-sens; dans une chanson de Gauselm Faidit, les mots Maracdes fis sont laissés en blanc comme inintelligibles. On voit bien que Salvini et Crescimbeni n'étoient pas de grands Edipes: ces mots signifient émeraude fine. Aussi Salvini se plaint-il de l'obscurité impénétrable de l'ancien provençal. CONSIDERAZIONI CRITICHE, etc. L. II, cap. 9. Les éditeurs du Dante et de Pétrarque n'ont jamais pu venir à bout de corriger quelques vers en langue provençale insérés dans leurs œuvres, et défigurés par les copistes : tellement la connoissance de cette langue a été perdue en Italie.

De tous les savans qu'on pouvoit consulter jusqu'ici sur la littérature provençale, Don Antonio Bastero est incontestablement celui qui s'y entendoit le mieux sous le rapport grammatical et philologique. Il avoit l'avantage d'être Catalan ; et il paroît que, parmi les provinces où l'on a parlé jadis la langue des Troubadours, c'est en Catalogne qu'elle a été le moins altérée. Bastero, envoyé à Rome pour les affaires du chapitre de Girone, dont il étoit chanoine, eut l'occasion d'étudier les manuscrits du Vatican et ensuite ceux de Florence; mais le plan de son ouvrage, écrit en italien (LA CRUSCA PROVENZALE. ROMA, 1724), est mal conçu: on ne voit pas trop s'il a voulu traiter l'histoire littéraire des Troubadours, ou publier leurs œuvres, ou composer une grammaire et un dictionnaire de leur langue. Aussi cet ouvrage est-il resté incomplet : l'auteur n'est guère arrivé au-delà de la préface, qui contient des notices précieuses, quoique noyées dans une prolixité insupportable.

3

I. Recherches sur l'ancienneté de la langue romane. II. Elémens de la grammaire de la langue romane avant l'an 1000, précédés de recherches sur l'origine et la formation de cette langue. III. Grammaire romane, ou Grammaire de la langue des Troubadours. Ces trois écrits sont réunis en un seul volume, sous le titre: Choix des poésies originales des Troubadours, T. I. Paris, 1816.

4

Voyez sur cette question Tassoni Considerazioni sopra le rime di Petrarca (Modena, 1609), dans la préface. A la fin du commentaire sur les poésies amoureuses de Pétrarque, Tassoni dit avec sa manière brusque: Le poesie de' Provenzali non hanno che fare con quelle di Petrarca, e faccian pur ceffo i Francesi a lor senno. Il paroît avoir cité exactement tous les vers des Troubadours, dans lesquels il trouvoit quelque rapport avec tel ou tel passage de Pétrarque; et ces ressemblances se bornent à des phrases, des tournures et des images qui ne prouvent aucunement l'imitation, parce qu'elles sont, pour ainsi dire, un bien communal des poètes de tous les pays. La preuve la plus spécieuse qu'on ait alléguée des plagiats de Pétrarque est un sonnet d'un poète valencien, Mossen Jordi, qui répond mot pour mot au beau sonnet de Pétrarque:

Pace non trovo, e non ho da far guerra..

1

Voyez Bastero Crusca Prov. p. 16. Mais je considère cela comme une supercherie, c'est-à-dire je pense que quelque poète. valencien a imité Pétrarque, et qu'ensuite on s'est permis d'attribuer à ce morceau une plus haute antiquité qu'il n'a véritablement.

5 Deux pairs de France, M. le comte de Blacas-d'Aulps et M. le comte de Castellane, comptent parmi leurs ancêtres des Troubadours connus sous les noms de Blacas, Blacasset et Boniface de Castellane.

6 Cette classification fondamentale des langues a été déveveloppée par mon frère dans son ouvrage sur la langue et l'antique philosophie des Indiens, dont la première partie a été traduite en françois à la suite du traité d'Adam Smith sur l'origine des langues.

7 Toutes les langues indigènes de l'Amériqne semblent appartenir à cette seconde classe. M. Alexandre de Humboldt, dans la description de son Voyage aux régions équinoxiales du nouveau continent, donne le résultat de ses recherches sur ces langues; il fait connoître leur singulière nature par des observations ingénieuses. Quoique le but principal de ce célèbre voyageur fût l'avancement des sciences naturelles, l'universalité de ses connoissances et l'infatigable activité de son esprit lui ont fourni les moyens de recueillir aussi tout ce qui peut intéresser l'historien et le philosophe.

M. de Humboldt l'aîné a publié en allemand un mémoire très-intéressant sur la langue basque. Cette langue, reste des

idiomes indigènes de l'ancienne Europe, est également caractérisée par les affixes.

N'ayant jamais étudié les langues dites sémitiques, si importantes par le rôle qu'elles jouent dans l'histoire du genre humain, je n'ose rien affirmer sur la manière dont il faut les classer. Si elles n'appartiennent pas en entier à la seconde classe, au moins leur structure diffère essentiellement de celle des langues les plus cultivées de la troisième, c'est-à-dire du grec, du latin et du sanscrit.

Une question fort ardue, et que je n'entamerai pas ici, c'est de savoir si les langues peuvent, ou non, graduellement changer de nature, et passer de la première classe à la seconde et de la seconde à la troisième. S'il étoit possible de répondre à cette question par des faits d'une certaine évidence, une foule de problèmes relatifs aux origines de la civilisation se trouveroient par-là même résolus.

8 Afin qu'on ne croie pas que j'érige en règle générale un fait isolé, je remarquerai que le même phénomène, que l'on peut observer en Europe, se retrouve en Asie. La propagation du mahométisme et les conquêtes des Mogols y ont produit des effets semblables à ceux qui furent amenés en Europe par la chute de l'empire romain et l'invasion des Barbares. Les anciennes langues savantes et synthétiques de la Perse et de l'Inde, le pehlwi et le sanscrit, ont été remplacées par des langues mixtes, dont la grammaire est extrêmement simplifiée au moyen des mots auxiliaires. Dans l'Inde, il y a un grand nombre d'idiomes d'origine moderne, dont le fond est du sanscrit altéré et tronqué, avec un mélange de mots arabes, persans, ou puisés dans d'autres dialectes populaires. Le sanscrit, étudié seulement dans les livres anciens, n'est plus que la langue de communication générale entre les savans, ainsi que le latin l'étoit en Europe dans le seizième siècle. Le persan moderne, sous quelques rapports, peut être comparé à l'anglois: la grammaire de ces deux langues est infiniment simple; l'une et l'autre sont composées de deux élémens hétérogènes imparfaitement amalgamés: le persan du pehlwi et de l'arabe, l'anglois de l'anglo-saxon et du françois.

9 M. Raynouard dit (Recherches sur l'origine et la formation de la langue romane, p. 45) : « Les Goths et les Francs « avoient dans leur langue l'usage des articles. » Cela demande de grandes restrictions pour être exact. D'abord, dans le seul livre en langue gothique qui nous reste, dans l'Evangile d'Ulfilas, on n'aperçoit pas la plus légère trace de l'article indéfini, devenu indispensable dans nos langues modernes; ensuite, l'article défini aussi est omis une infinité de fois dans des passages où il se trouve dans le texte grec, et où l'usage actuel l'exigeroit impérieusement. Ulfilas a traduit avec une fidélité si littérale, que, lorqu'il supprime les articles du texte, on peut admettre que l'usage de sa langue ne les comportoit absolument pas. Ce qui me confirme encore plus dans la supposition que c'est par une espèce d'hellénisme qu'Ulfilas emploie les articles, c'est de voir que les poésies anglo-saxonnés et scandinaves en sont totalement dépourvues. Or, la poésie, et surtout la poésie populaire, conserve en général mieux le caractère primitif d'une langue que la prose. Dans les plus anciens écrits franciques, l'usage de l'article défini s'est déjà introduit

« AnteriorContinuar »